L’article L.121-8 du code de l’urbanisme, dans sa version issue de la loi ELAN du 25 novembre 2018, dispose que : L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants.
Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau mentionnés à l’article L. 121-13, à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs.
Aussi, sur les communes littorales, trois types d’espaces peuvent être distingués :
- Les agglomérations et villages, pouvant s’étendre et/ou se densifier
- Les secteurs déjà urbanisés, pouvant se densifier
- Les secteurs constitutifs d’urbanisation diffuse, inconstructibles.
Tant les agglomérations et villages existants que les secteurs déjà urbanisés peuvent donc être classés en zone constructible par les documents d’urbanisme, et le choix du zonage approprié, « U » ou « AU », est relativement aisé. Seule la délimitation de ces zones peut être source de difficultés, dans le respect des principes posés par l’article L121-8 précité.
Par analogie avec la jurisprudence constante rendue en application de l’article L121-8 du code de l’urbanisme dans sa version antérieure à la loi ELAN, tout autre espace doit en revanche être qualifié « d’urbanisation diffuse », et ne peut admettre aucune nouvelle construction (tant en extension qu’en densification).
Dans son arrêt de principe du 9 novembre 2015, dit « Porto Vecchio », le Conseil d’Etat a ainsi rappelé que : « les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages » (Conseil d’État, 9 novembre 2015, Commune de Porto Vecchio, requête n° 372531).
L’interdiction de toute construction nouvelle dans ces zones « diffuses » est donc désormais évidente, et largement admise. Le zonage applicable à ces espaces « diffus » au travers des documents d’urbanisme l’est moins.
En effet, s’ils sont qualifiés « d’urbanisation diffuse » au sens de la loi Littoral, faut-il pour autant traiter ces secteurs comme des espaces « agricoles » ou « naturels » ? Ou doit-on privilégier un STECAL ? Peut-on simplement les classer en zone U ? La jurisprudence permet d’apporter des éléments de réponse.
1. Le zonage en espaces agricoles ou naturels des espaces très diffus
Les espaces agricoles et naturels pouvant être identifiés en zone agricole (A) ou naturelle (N) par les documents d’urbanisme sont définis par le code de l’urbanisme.
Peuvent ainsi être classés en zone agricole « les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles (article R151-22 du code de l’urbanisme).
Peuvent quant à eux être classés en zone naturelle « les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison :
- Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ;
- Soit de l’existence d’une exploitation forestière
- Soit de leur caractère d’espaces naturels
- Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles
- Soit de la nécessité de prévenir les risques, notamment d’expansion des crues ».
Par définition, ces secteurs correspondent donc à des espaces non bâtis, dont il faut préserver le caractère naturel ou le potentiel agricole.
La présence de quelques constructions n’interdit toutefois pas le classement des parcelles concernées en zone naturelle ou agricole.
Un zonage A ou N peut être justifié en présence de constructions isolées, dès lors qu’elles s’insèrent au sein d’ensembles cohérents, et que le caractère naturel ou agricole de l’espace demeure prépondérant.
A titre d’exemple, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que n’était pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation le classement en zone agricole de deux parcelles bâties, insérées dans un secteur à dominante rurale et de caractère agricole, indépendamment de l’absence d’exploitation agricole sur ces parcelles et quelle que soit leur valeur agricole (Cour administrative d’appel de Bordeaux 30 décembre 2005, requête n°02BX02119).
Commune d’Aslonnes – secteur de La Malinerie
A propos d’un classement en zone naturelle à protéger, la Cour administrative d’appel de Nantes a quant à elle jugé que n’était pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation le zonage naturel de deux groupes de cinq et dix constructions, inclus dans un site remarquable, dans la bande littorale des cent mètres et bordés par des parcelles agricoles et naturelles (Cour administrative d’appel de Nantes, 27 avril 2012, requête n°11NT01085, Commune de Pleurtuit)
Commune de Pleurtuit – secteur de Jouvente
En revanche, dès lors que le potentiel « agricole » ou « naturel » de la parcelle est exclu, comme par exemple lorsque le terrain est inclus dans un compartiment déjà essentiellement bâti, un zonage A ou N est illégal (Cour administrative d’appel de Marseille, 18 juillet 2014, requête n°12MA03760 confirmé par Conseil d’Etat 4 mars 2016, requête n°384795, considérant n°13, Cne de Martigues).
Commune de Martigues – secteur de Les Gides – parcelle DT 130
Or, certains espaces qualifiés d’urbanisation diffuse au sens de la loi littoral n’en comportent pas moins un certain nombre de constructions regroupées, lesquelles font obstacle à tout potentiel agricole ou à tout véritable caractère « naturel » des parcelles concernées.
Ces espaces ne répondent dès lors pas aux objectifs des zones A et N précitées.
Dans cette hypothèse, comment traiter au sein des documents d’urbanisme ces secteurs, qui ne sont ni des agglomérations, villages ou secteurs déjà urbanisés, ni de véritables espaces agricoles ou naturels ?
Deux options peuvent être envisagées.
2. L’identification de « STECAL »
Ces espaces d’urbanisation diffuse peuvent tout d’abord être identifiés comme des « secteurs de taille et de capacité d’accueil limités », au sein des zones A et N dans lesquels ils s’insèrent, en application de l’article L151-13 du code de l’urbanisme.
Ces STECAL constituent des sous-secteurs des zones A et N, et sont classiquement identifiés dans les documents d’urbanisme par des sous-zonages indicés de type « Ah » ou « Nh ».
Le règlement associé à ces STECAL devra bien évidemment être compatible avec les dispositions de la loi Littoral, et n’autoriser que les extensions des bâtiments existants, et non les nouvelles constructions (Cour administrative d’appel de Nantes, 28 mars 2006, requête n°05NT00824, Cne de Plouharnel), en dehors de la bande littorale des cent mètres (Cour administrative d’appel de Nantes, 22 octobre 2018, requête n°17NT00612).
De tels STECAL présentent l’intérêt de venir prendre acte de l’existence, au sein des zones A et N, de constructions à vocation d’habitation ou d’activité, sans lien direct avec le caractère agricole ou naturel de la zone.
Ils pourront également permettre l’extension de bâtiments d’activités implantés au sein des espaces naturels et agricoles, ces derniers ne pouvant pas bénéficier des dispositions de l’article L151-12 du code de l’urbanisme (lesquelles ne s’appliquent qu’aux habitations existantes).
Des extensions des habitations existantes plus importantes qu’en zone A et N – au sens strict – pourront enfin y être autorisées, sous réserve néanmoins d’une bonne insertion dans l’environnement et de demeurer compatibles avec le caractère naturel et agricole de la zone.
A titre d’exemple, la Cour administrative d’appel de Nantes a validé le classement en zone « Ah » d’une parcelle située dans le hameau de Quescouis, à dominante d’habitat mais située au sein d’une vaste étendue agricole, sur le territoire de la commune littorale d’Assérac (Cour administrative d’appel de Nantes, 21 décembre 2018, considérant n°6, requête n°17NT03996, Commune d’Assérac).
La Cour administrative d’appel de Lyon a quant à elle validé le classement en zone « Nb » et « Ab » de secteurs correspondant à des terrains déjà bâtis, au sein des zones A et N, sur le territoire de la commune de Monnetier-Mornex (Cour administrative d’appel de Lyon, 27 mars 2019, considérant n°7, requête n° 18LY00316).
Attention cependant : les STECAL demeurent des sous-secteurs des zones agricoles et naturelles, et doivent donc correspondre à de petits secteurs faiblement bâtis et faiblement structurés, respectant les éléments de définition généraux des zones A et N.
Aussi, en présence d’une dizaine de constructions susceptibles de répondre aux caractéristiques des zones « U » définies par l’article R151-18 du code de l’urbanisme, le juge administratif pourra sanctionner une erreur manifeste d’appréciation dans la définition d’un STECAL, en lieu et place d’une zone urbanisée.
En ce sens, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé qu’était entaché d’erreur manifeste d’appréciation le classement en STECAL du hameau des Olives sur le territoire de la commune de Beaupuy (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 27 avril 2017, considérant n°9, requête n°15BX03797).
Commune de Beaupuy – Hameau des Olives
Il en va de même, sur le territoire de la commune de Lentilly, s’agissant du classement en zone Nh de quatre secteurs comprenant chacun plusieurs dizaines de constructions regroupées.
La Cour administrative d’appel de Lyon estime en effet que « ces secteurs, densément bâtis, sont desservis par des équipements et des voies et ne peuvent être regardés comme ayant conservé un caractère naturel prépondérant ni, eu égard notamment à leur dimension, comme pouvant relever des dispositions permettant la délimitation en zone naturelle de secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées ; que, dans ces conditions, les auteurs du PLU ont commis une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article R. 123-8 du code de l’urbanisme en classant les parcelles composant ces quatre secteurs en secteur Nh ; » (Cour administrative d’appel de Lyon 11 janvier 2018, requête n°16LY00467, Commune de Lentilly)
3. La délimitation de zones U inconstructibles
En présence d’au moins une dizaine de constructions regroupées, le juge administratif semble ainsi imposer un classement en zone urbanisée « U ».
Sur le territoire des communes littorales, ce zonage ne doit cependant pas s’accompagner de possibilités de nouvelles constructions.
Un zonage U inconstructible pourra alors être défini, en accord avec les orientations définies au sein du PADD de la commune.
Un tel zonage a d’ores et déjà été mis en œuvre, notamment sur la commune de Plestin-les-Grèves.
Un zonage « UN » a ainsi été défini sur le secteur de Saint-Efflam, qualifié d’urbanisation diffuse au sens de la loi littoral par le juge administratif. Cette zone « UN » correspond à une zone urbaine inscrite dans un cadre naturel et paysager, à proximité du littoral, dans laquelle les nouvelles constructions ne sont pas autorisées. Des aménagements et extensions du bâti existant peuvent en revanche être réalisés.
La définition de zonages « U » interdisant les nouvelles constructions a également été validée par le juge administratif, à plusieurs reprises.
La Cour administrative d’appel de Nantes a ainsi jugé légal le règlement d’une zone UFa, située a proximité du rivage, y interdisant toute nouvelle construction à usage d’habitation, au regard du parti d’urbanisme retenu par la commune (Cour administrative d’appel de Nantes, 24 mai 2018, considérant n°11 et suivants, requête n°15NT02785, Cne de Piriac-sur-Mer).
Plus récemment encore, la Cour administrative d’appel de Nantes a validé le règlement d’une zone UES, correspondant à une zone urbaine spécifique exposée face au littoral, et y interdisant toute nouvelle construction (Cour administrative d’appel de Nantes, 7 juin 2019, considérant n°7 et suivants, requêten°18NT02572).
Un tel zonage « U » inconstructible permet ainsi, sur les communes littorales, de concilier l’interdiction de nouvelles constructions en dehors des agglomérations, villages et secteurs déjà urbanisés, avec les définitions des zones agricoles, naturelles et urbaines posées par le code de l’urbanisme.
Attention : au titre de son contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation dans les choix de zonage opérés au sein des documents d’urbanisme, le juge administratif demeure attaché à la cohérence du parti d’aménagement retenu.
Une erreur manifeste d’appréciation sera donc néanmoins sanctionnée si le zonage U inconstructible apparaît en contradiction avec les orientations du PADD et les enjeux identifiés sur l’espace urbain (Cour administrative d’appel de Nantes, 4 juin 2019, considérant n°6, requête n°18NT01381).