L’appréciation de la continuité avec une agglomération ou un village existant pose souvent de redoutables questions pratiques. Dans un article précédent, le blog LGP faisait le point sur le rôle des voies publiques dans l’appréciation de cette continuité. La jurisprudence considère généralement que dès lors que ces voies délimitent des compartiments de terrain différents, elles entraînent une rupture dans la continuité. L’arrêt rendu le 17 janvier 2020 par la Cour administrative d’appel de Nantes est cette fois l’occasion de s’interroger sur les conséquences de l’existence d’un terrain non-bâti.
De manière générale, dès que le terrain d’assiette d’un projet de construction est séparé de l’agglomération ou du village par un espace non-bâti ou bâti de manière diffuse, il est jugé contraire à l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme. En conséquence, des terrains non-construits font obstacle à ce qu’un projet soit regardé comme étant en continuité d’une agglomération ou un village (CAA Marseille, 27 mai 2014, Association de défense de l’environnement de Bormes et du Lavandou, req. n° 11MA03824).
La Cour administrative d’appel de Nantes juge, pour sa part, qu’un terrain séparé d’une cinquantaine de constructions denses par deux parcelles non-bâties, n’est pas situé en continuité d’une agglomération ou d’un village existant (CAA Nantes, 28 nov. 2014, req. n° 13NT01433).
La parcelle BA 11 n’est pas jugée en continuité de l’agglomération dont elle est séparée par les parcelles BA 90 et 420 situées au sud.
La même Cour juge qu’un terrain situé à plus de 150 mètres de la partie agglomérée du bourg n’est pas en continuité avec celui-ci (CAA Nantes, 28 février 2017, req. n° 16NT00426, Commune de Locmariaquer, req. n° 16NT00426).
La parcelle BD 243 n’est pas jugée en continuité avec l’agglomération de la commune de Locmariaquer.
C’est à une question de fait similaire qu’était confrontée la Cour administrative d’appel de Nantes dans cette affaire. Le maire de la commune de BADEN avait opposé un certificat d’urbanisme négatif pour un projet de construction situé à l’extrémité est d’un espace urbanisé. Pour la Cour :
« le terrain d’assiette du projet est entouré à l’ouest, au nord et à l’est, de parcelles non-bâties formant un vaste espace à vocation agricole, de part et d’autre de la rue de la rivière d’Auray, dans lequel il s’intègre. Si M. E… soutient que sa parcelle jouxte, au sud, un terrain qui supporte une maison d’habitation et est située dans la continuité de l’espace urbanisé du lieu-dit » Le Guern » dont il constitue » l’extrémité septentrionale « , ce terrain en est, toutefois, séparé par un autre terrain, dépourvu de toute construction, qui s’étend depuis la voie publique jusqu’à ce vaste espace agricole. Le classement, par le plan d’occupation des sols approuvé le 11 février 2008, du terrain d’assiette dans une zone urbaine UBb est sans influence sur l’appréciation de la légalité de la décision contestée au regard de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme » (CAA Nantes, 17 janvier 2020, n° 19NT00469).
L’appréciation peut sembler sévère car il n’existe qu’une trentaine de mètres entre le terrain d’assiette du projet et la maison qui le jouxte et l’espace bâti situé au sud ouest. En réalité, plus que la distance ou l’existence d’un terrain non-bâti, c’est l’appartenance du terrain à un compartiment de terrain agricole qui justifie l’appréciation portée par la Cour sur l’application de l’article L 121-8 du code de l’urbanisme. Le terrain non-bâti est ici perçu comme une frontière qui sépare l’espace urbanisé de l’espace agricole dans lequel le projet s’insère. La solution d’espèce n’a donc pas vocation à être généralisée : ce n’est pas parce qu’un terrain non-bâti sépare un projet de l’agglomération que la discontinuité sera systématiquement établie. En revanche, si ce terrain sépare deux compartiments de terrain, les dispositions de l’article L 121-8 du code de l’urbanisme ne seront pas respectées.