Résumé : l’ordonnance n°2020-306 modifiée prise au titre de l’urgence sanitaire affecte le délai au terme duquel un SCOT ou un PLU deviennent exécutoire. Si le délai de recours du Préfet est reporté au titre de l’article 2 de l’ordonnance, la faculté dont il dispose pour demander des modifications est suspendue au titre de l’article 7.

Textes de référence :

Article 2

Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit.

Article 7

Sous réserve des obligations qui découlent d’un engagement international ou du droit de l’Union européenne, les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er.

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.

Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande ainsi qu’aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public.

Le contrôle de la légalité d’un SCOT ou d’un PLU repose sur deux mécanismes. Le premier permet au préfet de demander des modifications du document d’urbanisme dans certains cas prévus par la loi. A ce contrôle particulier, s’ajoute le contrôle de légalité de droit commun du préfet.

La faculté de demander des modifications d’un document d’urbanisme est originale. Si de manière générale, le caractère exécutoire d’un acte est acquis dès sa transmission au contrôle de légalité – en tous cas pour ceux qui sont assujettis à cette formalité – les PLU et les SCOT obéissent à un régime différent.

Les PLU, s’ils concernent un territoire qui n’est pas couvert par un SCOT ou s’ils valent programme local de l’habitat (PLH), ne sont exécutoires que passé un délai d’un mois suivant transmission au contrôle de légalité (article L.153-24 du code de l’urbanisme). Pour les SCOT, ce délai est porté à deux mois (article L.143-24 du code de l’urbanisme).

Dans ces mêmes délais, le Préfet peut demander des modifications des documents d’urbanisme qui ne deviennent alors exécutoires qu’une fois les modifications apportées (articles L.153-25 et L.153-26 pour les PLU et article L.143-25 pour les SCOT).

Indépendamment de cette faculté, le représentant de l’Etat dans le département peut également exercer un contrôle de légalité classique et faire un recours gracieux ou un recours contentieux dans les deux mois qui suivent la transmission de l’acte (voir notre article sur les recours gracieux et contentieux en période d’urgence sanitaire).

Ces deux procédures sont affectées de manière substantielle par l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars : pendant l’urgence sanitaire, les PLU et les SCOT voient la date de leur caractère exécutoire décalée et le préfet pourra exercer son recours au titre du contrôle de légalité au-delà du délai de deux mois suivant la réception de l’acte.

PLU et SCOT : un caractère exécutoire suspendu au titre de l’article 7 de l’ordonnance

Les articles L.153-25 et L.153-26 disposent que pendant un mois à compter de sa transmission au contrôle de légalité, le Préfet peut demander des modifications du PLU. Il peut agir de la même façon pour les SCOT pendant deux mois (article L.143-25).

Une première analyse pourrait faire tomber ces procédures sous le coup de l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020. Les demandes de modifications du Préfet s’analyseraient alors comme un « acte » qui aurait du intervenir entre le 12 mars et le 23 juin. Il serait alors réputé fait à temps pour peu qu’il interviennent avant le 23 août.

Il faudrait alors considérer que le délai prévu à l’article L.143-25 ou à l’article L.143-25 du code de l’urbanisme est prorogé en application de l’article 2 de l’ordonnance, soit jusqu’au 23 juillet 2020 pour un PLU et jusqu’au 23 août pour un SCOT.

Une seconde analyse, qui a notre préférence, est de faire application de l’article 7. Dans ce cas, le délai dont dispose le Préfet pour s’opposer au caractère exécutoire du SCOT ou du PLU serait seulement suspendu jusqu’au 23 juin 2020 à minuit et non prorogé à compter de cette date. Si le délai avait commencé à courir, seule la partie restante serait comptée à partir du 24 juin. Si le délai n’avait pas commencé à courir, le délai d’un ou deux mois commencerait à cette date.

A notre sens, l’article 7 de l’ordonnance a davantage vocation à s’appliquer. Il semble, en effet, avoir été rédigé pour régler les cas où une décision doit ou peut intervenir en réponse à une demande préalable. Même si la transmission du document d’urbanisme n’est pas formellement une demande préalable, l’autorité publique n’en est pas moins en position d’attente jusqu’à l’intervention de la décision du Préfet.

L’application de l’article 7 de l’ordonnance pris au titre de l’urgence sanitaire a donc pour effet, tant pour les PLU que les SCOT, de suspendre le caractère exécutoire.

Note (1) : comme nous l’avons relevé dans notre article sur le calcul des délais, la date de cessation de l’état d’urgence et, dès lors, celle de la période de l’article 1 de l’ordonnance ne font pas l’unanimité. Si une reprise des délais le 24 juin à 0h00 nous semble devoir être privilégiée, il conviendrait peut être, faute de certitude absolue, d’éviter de prendre des décisions importantes un jour avant et un jour après la date d’entrée en vigueur présumée afin d’éviter des décisions qui seraient fondées sur un document d’urbanisme qui n’est pas en vigueur.

Note (2) : il ne nous semble pas logique de dissocier le délai au terme duquel le document d’urbanisme devient exécutoire et celui pendant lequel le Préfet peut demander des modifications. Il s’agit certes de deux articles différents du code de l’urbanisme (tant pour les PLU que pour les SCOT) mais une dissociation aurait pour effet de provoquer le caractère exécutoire du document d’urbanisme (ou bout d’un ou deux mois) alors que le Préfet pourrait ultérieurement demander des modifications dont la loi précise que ce n’est qu’une fois apportées que le document d’urbanisme devient exécutoire. Cela ne serait pas cohérent. C’est la raison pour laquelle nous privilégions une lecture combinée du dispositif : le caractère exécutoire n’est acquis qu’au terme du délai suspendu dont bénéficie le Préfet.

Le délai de deux mois du contrôle de légalité du préfet est reporté au titre de l’article 2 de l’ordonnance

Si l’opposition au caractère exécutoire et le déféré du Préfet obéissent à une même logique de respect de la légalité, ce sont toutefois deux dispositifs distincts.

Si le délai dont bénéficie le Préfet pour demander la modification d’un SCOT ou d’un PLU est suspendu, ce n’est pas le cas de son délai de recours.

Dans la mesure où les recours contre les documents d’urbanisme n’entrent pas dans le champ d’application du dispositif spécifique de l’article 12 bis créé par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, ils demeurent régis par les dispositions générales de l’article 2 de l’ordonnance.

Le délai de recours de deux mois n’est donc pas suspendu mais reporté jusqu’au 24 août à minuit. Nous avons consacré un article à cette question.

Pendant la crise sanitaire, l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 dissocie donc l’action du Préfet au titre du contrôle de légalité de droit commun de celle qu’il peut exercer au titre du contrôle de légalité renforcé applicable aux documents d’urbanisme. Le délai pour qu’un SCOT ou un PLU soit exécutoire sera suspendu tandis que celui dont il dispose pour le contrôle de légalité sera reporté.

Retrouvez tous les articles sur l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020

Loïc Prieur urbanisme Loïg Gourvennec urbanisme Pauline Riou urbanisme

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