Chronique de jurisprudence loi Littoral du mois de mars 2020

par | Juin 10, 2020 | Chroniques, Jurisprudence - Loi littoral, Loi littoral | 0 commentaires

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Il y a naturellement peu d’actualité jurisprudentielle sur la loi Littoral au mois de mars 2020 où l’activité des juridictions est fortement ralentie par la crise sanitaire. Parmi quelques décisions qui s’inscrivent dans une jurisprudence constante, notamment sur la notion d’extension de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage ou sur celles d’agglomérations et de villages existants, le Blog a repéré un arrêt particulièrement intéressant du Conseil d’Etat sur l’application des SCOT aux permis de construire.

Les arrêts « SARL Savoie Investissement » et « Epoux Beauvais » du mois de mars 2017 ont confirmé que les dispositions de la loi Littoral étaient directement applicables aux décisions liées à l’usage du sol. Sans remettre en cause cette jurisprudence, le Conseil d’Etat vient de rendre un arrêt important par lequel il rappelle que dès lors qu’un SCOT comporte des précisions sur la notion d’extension limitée de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage et que ces précisions ne sont pas incompatibles avec la loi Littoral, les dispositions de l’article L 121-13 doivent être appliquées à un permis de construire en fonction des précisions apportées par le document d’urbanisme (CE, 11 mars 2020, Confédération Environnement Méditerranée, req. n° 419861). Le Blog Loi Littoral consacre un article complet à cette décision.

Notion d’agglomération et de village

L’article L.121-8 dispose que l’extension de l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et villages existants. Depuis l’arrêt commune de Porto-Vecchio, la jurisprudence rappelle de manière constante que seuls les espaces qui comportent un nombre et une densité significatifs de constructions peuvent prétendre à cette qualification. Si le nombre de constructions minimum semble s’établir à une quarantaine, la question de la densité est toujours plus délicate à interpréter. Pour la Cour administrative d’appel de Bordeaux, le secteur des Grennettes, même s’il est urbanisé, ne peut pas être qualifié d’agglomération ou de village en raison du caractère relativement diffus de l’urbanisation existante et de la présence de boisement sur de nombreuses parcelles (CAA Bordeaux, 10 mars 2020, Commune de Sainte-Marie-de-Ré, req. n° 18BX00747). Le Tribunal administratif de Poitiers qui avait été d’un autre avis voit son jugement annulé.

Le chemin des Pins, au lieu-dit « les Grenettes » sur la commune de Sainte-Marie-de-Ré (carte Geoportail interactive)

La Cour administrative d’appel de Nantes juge pour sa part qu’un secteur qui comporte une quarantaine de constructions ne peut pas être qualifié de village ou d’agglomération dans la mesure où si une vingtaine de constructions est regroupée autour d’une voie publiques, les autres sont édifiées de manière lâche et séparées les unes des autres par des parcelles non bâties (CAA Nantes, 30 mars 2020, Commune de Bangor, req. n° 18NT04459).

Le lieu-dit « Domois » sur la commune de Bangor (parcelle 434)

Notion de secteur déjà urbanisé

La loi ELAN du 23 novembre 2018 a modifié la loi Littoral et inclut dans l’article L.121-8 le terme de « secteur déjà urbanisé », notion complémentaire à celle de village et d’agglomération. Dans ces secteurs, des constructions nouvelles sont possibles sous réserve du respect de certaines conditions. La première implique l’identification et la délimitation de ces secteurs par le Schéma de Cohérence Territoriale et le Plan Local d’Urbanisme. La seconde impose le respect d’un faisceau d’indices telles que la densité des constructions du secteur, leur continuité, leur structuration par des voies de circulation ou encore la présence de réseaux publics. Les constructions autorisées ne doivent pas étendre le périmètre du bâti existant.

Il reste cependant possible, jusqu’au 31 décembre 2021, et selon l’article 42 de la loi ELAN, d’accorder des permis de construire dans des secteurs déjà urbanisés alors même qu’ils n’auraient pas encore été identifiés et délimités par les documents d’urbanisme d’une part si le Préfet de département a donné son accord après avis de la commission départementale nature, des paysages et sites, d’autre part, si la révision ou modification des documents d’urbanisme n’a pas encore été initiée.

C’est précisément l’hypothèse qu’a eu à trancher la Cour administrative d’appel de Nantes dans un arrêt rendu le 6 mars dernier concernant un secteur de la commune de Marcey-les-Grèves. Constatant que le secteur était structuré par des voies, comptait une cinquantaine de constructions groupées, était desservi par les réseaux d’eau, d’assainissement, d’électricité et de collecte des déchets et formait un noyau bâti d’une densité marquée, la Cour en a déduit qu’il s’agissait d’un secteur déjà urbanisé pouvant accueillir de nouvelles constructions en son sein (CAA Nantes, 6 mars 2020, n° 19NT02933).

On précisera que cette interprétation des juges d’appel peut sembler surprenante, le secteur concerné ayant tout à fait pu prétendre à la qualification de village en continuité duquel les nouvelles constructions peuvent être autorisées.

Secteur le Bas de Marcey (parcelle 203)

Opération constituant une extension de l’urbanisation

Le législateur de 1986 n’y avait peut-être pas pensé mais toute construction, quels qu’en soient l’usage et les dimensions, constitue une extension de l’urbanisation soumise au principe de continuité. Cela peut sembler sévère mais la cour administrative d’appel de Nantes rappelle qu’un cabanon est concerné par ces dispositions (CAA Nantes, 30 mars 2020, req. n°19NT02322).

L’article L.121-13 du code de l’urbanisme dispose que, dans les espaces proches du rivage, l’extension de l’urbanisation doit présenter un caractère limité. Dès 2005, le Conseil d’Etat a précisé qu’une opération n’entraînait une extension de l’urbanisation que si elle avait pour effet d’étendre un périmètre urbanisé ou si elle en modifiait les caractéristiques de manière significative. Il s’agit de la jurisprudence « Société Soleil d’Or ». Cette précision est importante car si une opération n’entraîne pas une extension de l’urbanisation la question de son caractère limité ne se pose pas, ni d’ailleurs celle de sa justification par le PLU ou celle de sa conformité au SCOT. Cette jurisprudence est constante. La Cour administrative d’appel de Marseille juge ainsi que la construction de deux villas n’est pas une extension de l’urbanisation dès lors qu’elle ne conduit pas à étendre ou à renforcer de manière significative l’urbanisation d’un quartier pavillonnaire, non plus qu’à en modifier les caractéristiques, notamment concernant la densité des constructions (CAA Marseille, 9 mars 2020, req. n° 18MA03096).

Les parcelles AD 108 et 109 au sud de la route départementale 568 sur la commune de Porto-Vecchio

La Cour administrative d’appel de Nantes fait une analyse identique pour un projet de lotissement sur la commune d’Erquy dans le département des côtes d’armor (CAA Nantes, 30 mars 2020, Association Erquy environnement, req. n° 19NT01840). Le blog y consacre un article détaillé.

Bande littorale de cent mètres

L’article L.121-16 du code de l’urbanisme dispose que les constructions et installations sont interdites dans une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage. Ces dispositions ne sont toutefois applicables qu’en dehors des espaces déjà urbanisés. S’il est acquis que ces espaces doivent présenter un nombre et une densité significatifs de constructions (ce qui assimile l’espace urbanisé de l’article L.121-16 à l’agglomération et au village de l’article L.121-8), leur frontière est parfois délicate à tracer. La Cour administrative d’appel de Nantes livre une intéressante application dans un arrêt du 30 mars 2020 (CAA Nantes, 30 mars 2020, req. n° 19NT02364) que le blog analyse dans cet article.

 

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