Aménagements légers : rejet de la requête de France Nature Environnement par le Conseil d’Etat

par | Août 21, 2020 | Jurisprudence - Loi littoral, Loi littoral | 0 commentaires

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Résumé : Le Conseil d’Etat rejette la requête de France Nature Environnement demandant l’annulation du décret n° 2019-782 du 21 mai 2019 relatif aux aménagements légers autorisés dans les espaces remarquables ou caractéristiques du littoral et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques (CE, 10 juillet 2020, req. n° 432944, France Nature Environnement).

L’article L.121-4 du code de l’urbanisme dispose que dans les espaces remarquables du littoral, seuls les aménagements légers définis par décret (article R.121-5 du code de l’urbanisme) sont autorisés. Après quelques hésitations, la jurisprudence avait rappelé que la liste des aménagements légers autorisés par décret n’était pas limitative.

L’état du droit a été modifié par la loi ELAN du 23 novembre 2018. La nouvelle rédaction de l’article L.121-24 dispose désormais que les aménagements légers sont définis de manière limitative par décret. Suite à une consultation publique qui s’est déroulée du 24 janvier au 14 février 2019, le décret du 21 mai 2019 a modifié l’article R.121-5 du code de l’urbanisme. Le blog avait fait le point sur cette évolution.

Le décret du 21 mai 2015 a été critiqué car il admet la possibilité de réaliser des canalisations nécessaires aux services publics ou aux activités économiques, dès lors qu’elles sont enfouies et qu’elles laissent le site dans son état naturel après enfouissement, et que l’emprise au sol des aménagements réalisés n’excède pas cinq mètres carrés. Les activités de thalassothérapie sont ici clairement visées comme le rappelle une réponse ministérielle (question écrite n° 17947). C’est précisément sur ce point que portait la requête de France Nature Environnement (FNE).

FNE soutenait tout d’abord que le décret était entaché d’un vice de procédure dans la mesure où la disposition relative aux canalisations ne figurait pas dans le projet de décret soumis à consultation publique en application des articles L.120-1 et L.123-19-1 du code de l’environnement. L’aménagement en question n’avait pas non plus été proposé par le public dans le cadre de la consultation. Pour le Conseil d’Etat, contrairement aux conclusions du rapporteur public, cet ajout de dernière minute ne dénature pas le projet de décret et ne méconnaît donc pas les dispositions du code de l’environnement relatives à la participation du public.

L’argument est critiquable car les auteurs du décret ne se sont pas limités à faire évoluer la nature d’un aménagement léger figurant sur le projet de décret soumis à consultation. Ils ont purement et simplement ajouté un type d’aménagement qui n’était présent ni de près, ni de loin dans le projet. Le but du décret contesté étant d’établir une liste limitative d’aménagements autorisés, il aurait été logique que tout nouvel aménagement sans rapport avec ceux prévus initialement ne soit admis que s’il résultait du processus de consultation.

Sur le fond, FNE soutenait ensuite qu’en rendant la liste des aménagements légers limitative, le législateur avait entendu figer le contenu de l’article R.121-5 du code de l’urbanisme interdisant ainsi toute nouvelle évolution. Le Conseil d’Etat n’a pas été de cet avis et ce moyen a été rejeté.

FNE soutenait ensuite que les dispositions de l’article R.121-5 du code de l’urbanisme relatives aux canalisations méconnaissaient les articles L.121-16 et L.121-17 qui organisent la protection de la bande de cent mètres. Le problème pratique ici posé est en effet crucial et le blog l’avait signalé. Sauf à ce que la thalassothérapie soit située dans un espace urbanisé (auquel cas la question de la bande de cent mètres comme celle de l’espace remarquable ne se pose pas), les canalisations de pompage d’eau de mer situées dans un espace remarquable devront nécessairement traverser la bande de cent mètres pour rejoindre la mer. Or, la jurisprudence rappelle depuis longtemps que les thalassothérapies ne constituent pas des activités économiques qui exigent la proximité immédiate de l’eau (CE, 4 mai 1994, n° 140274, Commune de Cabourg). Il est donc vraisemblable que leurs canalisations sont elles aussi interdites dans la bande de cent mètres.

Pour le Conseil d’Etat, toutefois, les deux dispositifs sont indépendants l’un de l’autre. Si le moment venu, les deux devront être respectés, cela n’affecte pas la légalité du nouvel article R.121-5 du code de l’urbanisme.

Enfin, FNE soutenait un dernier moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-régression de la protection de l’environnement. Pour le Conseil d’Etat, le moyen n’est pas fondé dans la mesure où l’article L.121-4 dispose que les aménagements légers ne doivent pas porter atteinte au site, qu’ils doivent permettre un retour du site à son état naturel et qu’ils ne sont admis qu’après enquête publique et avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

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