Résumé : Sur requête du Préfet du Var, la Cour administrative d’appel de Marseille prononce l’annulation partielle du SCOT Var-Estérel-Méditerranée. La Cour juge que la création de la zone d’activité du secteur de la Colombelle ne respecte pas le principe de continuité avec les agglomérations et les villages existants posé par l’article L.121-8 du code de l’urbanisme (CAA Marseille, 2 juillet 2020, req. n° 19MA03663, Préfet du Var).
Le conseil communautaire de la communauté d’agglomération Var-Estérel-Méditerranée (CAVEM) a approuvé son SCOT par une délibération du 11 décembre 2017. Le SCOT prévoyait notamment la création d’une zone d’activité économique d’au moins 5 hectares, sur la commune de Roquebrune-sur-Argens, dans le secteur de la Colombelle.
Le préfet du VAR a déféré cette délibération devant le Tribunal administratif de Toulon au motif que la création de cette zone d’activité économique méconnaissait les dispositions de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme et qu’elle était entachée d’erreur manifeste d’appréciation en raison de sa localisation dans un secteur inondable. Le Tribunal administratif de Toulon ayant rejeté la requête, le Préfet du Var a saisi la Cour administrative d’appel de Marseille. Contrairement aux premiers juges, cette dernière a retenu les deux moyens qui lui étaient présentés et a fait droit à la requête du Préfet en annulant la délibération approuvant le SCOT en tant qu’elle ouvrait à l’urbanisation le secteur de la Colombelle. C’est naturellement le moyen tiré de la violation de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme qui retient l’attention du Blog loi Littoral.
Le secteur de la Colombelle, sur la commune de Roquebrune-sur-Argens
(carte interactive)
Aux termes de ces dispositions bien connues, l’extension de l’urbanisation doit se faire en continuité avec les agglomérations et les villages existants. De manière constante, la jurisprudence rappelle que la qualification d’agglomération ou de village ne peut être accordée qu’à des espaces qui comportent un nombre et une densité significatifs de constructions (CE, 9 novembre 2015, req. n° 372531, Commune de Porto-Vecchio). De manière tout aussi régulière, la jurisprudence rappelle également qu’il ne suffit pas d’être situé à proximité d’une agglomération ou un village, encore faut-il ne pas en être séparé par une voie qui viendrait rompre la continuité. C’est pour cette raison que la Cour administrative d’appel de Marseille juge que les dispositions de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme ne sont pas respectées :
« Il ressort des pièces du dossier que le secteur de la Colombelle, que le SCOT Var Estérel Méditerranée prévoit d’affecter à une activité économique, constitue une zone naturelle d’au moins 5 hectares qui ne comporte pas de constructions, et ne peut être regardé en l’état comme urbanisé. S’il est situé à proximité immédiate des zones d’activités économiques des Châtaigniers et des Garillans, qui sont urbanisées et font partie de l’agglomération de Roquebrune-sur-Argens, il en est séparé par l’autoroute et constitue un compartiment distinct d’urbanisation. Ainsi, l’extension de l’urbanisation envisagée par le SCOT n’est pas en continuité avec les agglomérations et villages existants et est incompatible avec les dispositions particulières au littoral » (CAA Marseille, 2 juillet 2020, n° 19MA03663, Préfet du Var).
L’annulation partielle du SCOT Var Estérel Méditerranée pour ce motif n’est pas surprenante. La jurisprudence rappelle de manière régulière que les voies publiques entraînent une rupture dans la continuité de l’urbanisation dès lors qu’elles délimitent des compartiments de terrains distincts. Le Blog avait fait une synthèse de cette jurisprudence. Si des zones d’activités économiques peuvent constituer une agglomération, il est ici clair que l’autoroute A8 constitue une frontière nette entre ces zones économiques densément urbanisées situées au sud et le secteur de la Colombelle.
La nature du contrôle du juge sur la mise en oeuvre de l’article L.121-8 par un SCOT retient davantage l’attention. La jurisprudence admet que pour certaines dispositions de la loi Littoral, le SCOT bénéficie d’un effet d’échelle. La Cour administrative d’appel de Marseille rappelle par exemple que la « compatibilité du SCOT avec les articles L.146-1 [devenu L 121-1] et suivants du Code de l’urbanisme, doit s’apprécier à l’échelle du territoire qu’il couvre et compte tenu de l’ensemble de ses orientations et prescriptions (et) que cette appréciation ne peut conduire à examiner isolément les orientations arrêtées en ce qui concerne tel ou tel point du territoire couvert, au regard des dispositions législatives de protection du littoral » (CAA Marseille, 23 juill. 2014, Association Union Régionale Vie et Nature, req. n° 12MA00268). Le Blog a consacré un article à cette question.
Si l’effet d’échelle joue pour la notion d’extension limitée de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage (CAA Bordeaux, 1er déc. 2016, SARL Dumas Henri Participations, req. n° 14BX03282), il ne semble pas ici produire d’effet sur la mise en oeuvre de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme qui est appréciée pour le SCOT comme elle le serait pour un PLU ou pour un permis de construire. L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille pourra être comparé à celui rendu par la Cour administrative d’appel de Bordeaux à propos du SCOT du Bassin d’Arcachon qui avait apprécié la continuité avec l’agglomération d’une zone ouverte à l’urbanisation « à l’échelle du SCOT » (CAA Bordeaux, 28 décembre 2017, req. n° 15BX02851, Confédération pour les entrepreneurs et la préservation du pays du bassin d’Arcachon).
La question de la latitude du SCOT dans la mise en oeuvre de la loi Littoral va devenir cruciale alors que la loi ELAN a confirmé sa place centrale et que la jurisprudence lui confère un rôle d’écran entre la loi et les documents d’urbanisme mais également, dans certains cas, entre la loi et les décisions liées à l’usage du sol.