Résumé : L’article L.4424-11 du code général des collectivités territoriales permet au plan d’aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC) de préciser les modalités d’application, adaptées aux particularités géographiques locales, de la loi Littoral et de la loi Montagne. Le PADDUC joue ainsi le même rôle que les directives territoriales d’aménagement (DTA) auxquelles son prédécesseur, le schéma d’aménagement de la Corse était assimilé. La jurisprudence rappelle que dès lors que le PADDUC comporte des dispositions qui sont à la fois précises et compatibles avec la loi Littoral, cette dernière doit être appliquée à travers le prisme des précisions apportées. Dans cet arrêt, la Cour administrative d’appel de Marseille juge la légalité d’un permis de construire en fonction des précisions apportées par le PADDUC sur le principe de continuité avec les agglomérations et les villages existants de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme (CAA Marseille, 17 juillet 2020, n° 19MA02718).
En 1995, le législateur a créé les directives territoriales d’aménagement (DTA). Ces schémas de planification élaborés par l’Etat permettaient notamment de préciser la loi Littoral et la loi Montagne en les adaptant aux particularités géographiques locales. Le législateur avait doté certains schémas d’aménagement des mêmes effets que les DTA leur permettant ainsi de mettre en oeuvre la loi Littoral. C’est le cas de certains schémas de mise en valeur de la mer (SMVM), des schémas d’aménagement régionaux, du schéma d’aménagement de la Corse puis du PADDUC.
La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement a supprimé les DTA. Elle a toutefois prévu des dispositions transitoires permettant aux DTA existantes et aux schémas assimilés, de conserver leurs effets (la récente ordonnance du 17 juin 2020 relative à la rationalisation de la hiérarchie des normes applicables aux documents d’urbanisme y met toutefois un terme). Pour le PADDUC, qui n’était pas encore approuvé, la loi du 12 juillet 2010 a modifié l’article L.4424-11 du code général des collectivités territoriales afin de lui permettre de préciser les modalités d’application, adaptées aux particularités géographiques locales, des lois Littoral et Montagne.
Le PADDUC joue donc un rôle significatif dans la mise en oeuvre de la loi littoral puisque dès lors qu’il comporte des dispositions suffisamment précises, la loi Littoral doit être appliquée à travers les précisions en question tant vis-à-vis des documents d’urbanisme de rang inférieur que des décisions liées à l’usage du sol. La jurisprudence a toutefois précisé que ce rôle d’écran ou de prisme comme on l’appelle parfois, ne pouvait jouer qu’à la condition que les dispositions qui mettent en oeuvre la loi Littoral soient à fois suffisamment précises et compatibles avec la loi (CE, 16 juill. 2010, min. Écologie, Développement et aménag. Durables, req. n° 313768).
Dans l’affaire qui est ici rapportée, la Cour administrative d’appel de Marseille avait à juger la légalité d’un permis de construire délivré par le maire de Calvi pour 4 bâtiments d’habitation, un parc couvert et une piscine, au lieu-dit « Grapi ». Les requérants soutenait que cette décisions ne respectait pas les dispositions de l’article L.121-8 telles que précisées par le PADDUC.
La Cour a tout d’abord relevé que le PADDUC comportait des dispositions précises pour mettre en oeuvre l’article L.121-8 en définissant les notions d’agglomérations et de villages mais également, en apportant des précisions sur la notion de continuité.
Pour la Cour, « ces prescriptions apportent des précisions et ne sont pas incompatibles avec les dispositions du code de l’urbanisme particulières au littoral ». C’est donc en fonction des précisions apportées que la légalité du permis de construire doit être appréciée.
Les parcelles B 447 et 480 au lieu-dit « Grapi », sur la commune de Calvi (carte interactive).
La Cour relève alors que si l’espace en question ne peut pas être qualifié en tant que tel, d’agglomération ou de village existant au sens de l’article L.121-8, le terrain d’assiette du projet se situe toutefois en continuité de l’agglomération selon les précisions apportées à cette notion par le PADDUC :
Il ressort des pièces du dossier que le projet, qui constitue une extension de l’urbanisation, est environné de maisons individuelles, à l’exception d’une zone naturelle à son extrémité nord-ouest. Il est situé dans une zone d’habitat diffus d’une centaine de constructions, dont plusieurs petits immeubles et un immeuble de taille plus importante destiné à un hôtel, qui, compte tenu de l’ensemble de ses caractéristiques, ne peut être regardée par elle-même comme constituant une agglomération ou un village au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, tel que précisé par le PADDUC. Toutefois, les premières constructions de cette zone sont situées, à l’est, à une cinquantaine de mètres de celles de l’agglomération de Calvi, du fait d’un espace en pente comportant des masses rocheuses difficilement constructibles. Au nord-est, la route d’approximativement 200 mètres qui rejoint l’agglomération est bordée de plusieurs constructions. La zone concernée n’est pas séparée de l’agglomération par un espace agricole ou naturel, une voie importante, un obstacle difficilement franchissable, et n’est pas marquée par une rupture de la forme urbaine, du rythme parcellaire ou du bâti. Il suit de là que le projet est réalisé en continuité avec une agglomération existante. Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme doit, en conséquence, être écarté (CAA Marseille, 17 juillet 2020, n° 19MA02718).
L’exemple du PADDUC montre l’intérêt d’un document permettant de mettre en oeuvre la loi Littoral adaptée aux particularités locales. Pour le continent, puisque les DTA ne semblent plus en mesure de jouer ce rôle, il faut maintenant souhaiter que le SCOT puisse prendre efficacement le relais. La loi ELAN et la récente jurisprudence du Conseil d’Etat vont dans cette voie.
Crédit images et cartes : Google et Geoportail