Résumé : pour ceux qui auraient relâché leur veille jurisprudentielle pendant l’été, le Blog loi Littoral a préparé une sélection de décisions. En plus des classiques arrêts sur les questions d’agglomération, de village ou d’espaces du rivage, le Blog a repéré deux décisions qui rappellent le rôle d’écran du PADDUC et avant lui du schéma d’aménagement de la Corse et trois arrêts intéressants sur la compatibilité entre le SCOT et la loi Littoral. Toute l’équipe LGP vous souhaite une bonne reprise.
Schéma d’aménagement de la Corse et PADDUC
Le PADDUC et avant lui le schéma d’aménagement de la Corse peuvent apporter des précisions sur la mise en oeuvre de la loi Littoral. Conformément à une jurisprudence constante, dès lors que ces schémas comportent suffisamment de précision et que leur dispositions sont compatibles avec la loi Littoral, les articles L.121-8 et suivants du code de l’urbanisme doivent être appliqués en fonction des précisions apportées. Dans ce contexte, la Cour administrative d’appel de Marseille rappelle que puisque le schéma d’aménagement de la Corse apportait des précisions sur la mise en oeuvre de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme, la légalité d’un permis de construire doit être appréciée par rapport à ce schéma (CAA Marseille, 17 juillet 2020, n° 18MA00845). La Cour administrative d’appel de Marseille tient le même raisonnement pour les précisions apportées par le PADDUC sur la mise en oeuvre de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme (CAA Marseille, 17 juillet 2020, n° 19MA02718, Société Corsea Promotion). Le blog avait commenté ce dernier arrêt.
Loi Littoral et SCOT
La loi ELAN a confirmé que le SCOT devait jouer un rôle central dans la mise en oeuvre de la loi Littoral. En effet, dès lors qu’il apporte des précisions sur les articles L.121-1 et suivants du code de l’urbanisme et que les précisions en question sont compatibles avec les dispositions de la loi Littoral, cette dernière doit être appliquée à travers le prisme du SCOT. Si, à l’inverse, le SCOT ne comporte pas de modalités de mise en oeuvre, les dispositions de la loi Littoral sont directement applicables aux PLU (CAA Marseille, 2 juillet 2020, n° 19MA00639, SCI le Jardin de l’Hermitage). La question du degré de contrôle du juge administratif sur la compatibilité entre les SCOT et les articles L.121-1 et suivants du code de l’urbanisme va donc être déterminante dans les années à venir. Trois décisions ont été rendues à ce sujet. Elles portent sur le SCOT Var Estérel Méditerranée, sur le SCOT du pays maritime et rural du Montreuillois et sur celui de l’étang de Thau.
L’annulation partielle du SCOT Var Estérel Méditerranée
Un premier exemple est donné par la Cour administrative d’appel de Marseille qui avait à juger de la légalité du SCOT Var Estérel Méditerranée. Dans cette affaire que le Blog avait commenté, le préfet du Var demandait l’annulation de la délibération approuvant le SCOT en tant qu’il prévoyait la création d’une zone d’activité sur la commune de Roquebrune-sur-Argens. Le préfet invoquait notamment un moyen tiré de la violation de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme. Pour la Cour administrative d’appel, contrairement à ce qu’avait jugé le Tribunal administratif, la zone projetée se situe dans un espace naturel et elle est séparée de l’agglomération par une autoroute. Elle n’est donc pas en continuité avec une agglomération ou un village existant (CAA Marseille, 2 juillet 2020, n° 19MA03663, Préfet du Var).
L’annulation partielle du SCOT du pays maritime et rural du Montreuillois
Le SCOT du pays maritime et rural du Montreuillois était également mis à l’épreuve devant la Cour administrative d’appel de Douai (CAA Douai, 30 juin 2020, n° 18DA01078, Groupement de défense de l’arrondissement de Montreuil). Dans son arrêt, la Cour confirme que l’examen de la compatibilité du SCOT avec la loi Littoral doit procéder d’une approche globale compte tenu de l’ensemble du territoire couvert et de l’ensemble des orientations et prescriptions. Cette formule qui laisse une relative marge aux auteurs du SCOT dans la mise en oeuvre de la loi Littoral, avait déjà été utilisée par d’autres cours administratives d’appel (CAA Bordeaux, 1er décembre 2016, n° 14BX03282, SARL Dumas Henri Participations – CAA Bordeaux, 28 décembre 2017, n° 15BX02851, Confédération pour les entrepreneurs et la préservation du pays du bassin d’Arcachon et autres – CAA Marseille, 23 juillet 2014, n° 12MA00268, Association Union Régionale Vie et Nature).
La Cour administrative d’appel de Douai annule tout d’abord les dispositions relatives aux coupures d’urbanisation. La Cour apporte des précisions intéressantes en jugeant que les coupures d’urbanisation concernent des espaces naturels qui ne sont pas protégés au titre d’une autre législation. Cette condition est nouvelle et n’avait jamais été posée par la jurisprudence. En l’espèce, dès lors qu’à l’exception d’une coupure de faible taille, tous les espaces identifiés par le SCOT au titre de l’article L.146-2 du code de l’urbanisme alors en vigueur (actuel L.121-22) concernent soit des ZNIEFF, soit des sites du conservatoire, soit des espaces classés à risque par un plan de prévention, la Cour juge que le SCOT n’a pas prévu suffisamment de coupures d’urbanisation. En revanche, le SCOT n’est pas illégal au seul motif qu’il autorise des constructions agricoles dans les coupures d’urbanisation.
Les dispositions du SCOT relatives aux espaces proches du rivage sont également censurées. Après avoir rappelé que la détermination des espaces proches du rivage doit reposer sur des critères de distance, de co-visibilité et de nature de l’espace, la Cour juge que le critère d’ambiance maritime « appréciée au vu du fonctionnement estival de l’espace et de la prédominance des résidences secondaires » conduit à inclure des espaces trop éloignés du rivage et, à l’inverse, à en écarter d’autres pourtant proches. La délimitation des espaces proches est donc annulée pour erreur de droit. L’illégalité du tracé affecte selon la Cour les dispositions relatives à la limitation des surfaces de logements, ce qui est logique puisque l’augmentation autorisée est déterminée à partir des surfaces existantes dans des espaces proches du rivage dont le tracé est erroné.
La mise en oeuvre de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme est, en revanche, validée par la Cour administrative d’appel. La Cour relève à cet égard que si parmi les seize villages ou agglomérations identifiés par le SCOT figurait un habitat diffus, cette circonstance n’est pas, « à l’échelle du SCOT » incompatible avec l’article L.121-8.
La contestation par la voie de l’exception du SCOT de l’Etang de Thau
C’est par la voie de l’exception que la légalité du SCOT de l’Etang de Thau était contestée. Au soutien de leur recours contre la délibération approuvant le PLU de Vic-la-Gardiole, les requérants soutenaient que les auteurs du SCOT avaient méconnu l’article L.121-22 du code de l’urbanisme en incluant un secteur urbanisé dans une coupure d’urbanisation. Pour la Cour administrative d’appel de Marseille, les terrains construits s’insèrent dans un espace qui constitue, à l’échelle du SCOT, une coupure d’urbanisation entre les espaces urbanisés de Vic-la-Gardiole et Frontignan. Le moyen tiré de l’illégalité du SCOT est donc rejeté (CAA Marseille, 15 juillet 2020, n° 18MA05123, Association syndicale libre du lotissement « la poule d’eau »).
Le secteur de la Poule d’Eau entre Frontignan et Vic-la-Gardiole (carte Géoportail interactive)
Continuité avec les agglomérations et les villages et secteurs déjà urbanisés
L’article L.121-8 du code de l’urbanisme dispose que l’extension de l’urbanisation doit être réalisée en continuité avec les agglomérations et les villages existants. La jurisprudence rappelle de manière constante que cette qualification n’est accordée qu’aux espaces qui comportent un nombre et une densité significatifs de construction (CE, 9 nov. 2015, Commune de Porto-Vecchio, req. n° 372531). Conformément à ce principe, la Cour administrative d’appel de Bordeaux juge qu’un espace qui comporte une quarantaine de constructions constitue un village alors même qu’il ne comporte pas d’équipement collectif (CAA Bordeaux, 9 juillet 2020, n° 19BX01164).
Le lieu-dit L’Ilate sur la commune de Saujon. Les parcelles 559 et 560 sont au nord du village (carte Géoportail interactive).
En revanche, la Cour administrative d’appel de Bordeaux juge qu’un terrain situé à proximité de bâtiments qui abritent des activités artisanales et un centre technique municipal n’est pas en continuité d’une agglomération ou d’un village (CAA Bordeaux, 9 juillet 2020, n° 19BX01309, Société TOMAX). Cet arrêt pose la question du développement des zones d’activités sur les communes littorales. Seules les plus importantes d’entre elles ont vocation à se développer. Le blog y avait consacré un article.
La parcelle AK n° 1360, au nord de la rue de l’Alambic, sur la commune de Château-d’Oléron (carte géoportail interactive)
Toujours en matière d’agglomération et de village existants, la Cour administrative d’appel de Nantes juge qu’un espace qui comporte une vingtaine d’habitations et une dizaine de bâtiments à vocation artisanale et commerciale ne peut recevoir cette qualification. Le permis d’aménager un lotissement de 35 lots est donc contraire à l’article L.121-8 du code de l’urbanisme (CAA Nantes, 17 juillet 2020, n° 19NT04244, Commune de Poilley).
Les parcelles ZN n° 252 et 55 situées au lieu-dit la Godardière sur la commune de Poilley (carte Géoportail interactive)
La continuité avec une agglomération ou un village existants est parfois délicate à apprécier, notamment lorsque l’urbanisation n’est pas rompue par des voies publiques ou par des espaces naturels. Pour la Cour administrative d’appel de Bordeaux, un projet situé sur un terrain entouré de parcelles non construites et situé au nord d’une zone d’urbanisation diffuse, ne respecte pas l’article L.121-8 du code de l’urbanisme (CAA Bordeaux, 9 juillet 2020, n° 18BX04377). Le blog a consacré un article à cette application de la loi Littoral à une commune de Guadeloupe.
Espaces proches du rivage
La jurisprudence « Confédération environnement Méditerranée » est reprise par la Cour administrative d’appel de Nantes qui rappelle que dès lors qu’un SCOT apporte des précisions sur la notion d’extension d’extension limitée de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage, l’application de l’article L.121-3 du code de l’urbanisme doit se faire en fonction des précisions apportées. La Cour ne fait toutefois pas application de ce principe pour vérifier si un projet de construction d’un EHPAD et d’une résidence séniors constitue une extension limitée de l’urbanisation. La Cour fait application de la jurisprudence « Soleil d’Or » et juge que dès lors qu’il existe dans le quartier des bâtiments qui présentent une densité comparable, le projet n’entraîne pas d’extension de l’urbanisation (CAA Nantes, 3 juillet 2020, n° 19NT03319, SCI les prés Biard et CAA Nantes, 3 juillet 2020, n° 19NT03215). Le blog a consacré un article à cette décision.
Espaces remarquables et caractéristiques
La décision la plus remarquée de l’été est celle du Conseil d’Etat qui rejette le recours de France Nature Environnement contre le décret du 21 mai 2019 modifiant la liste des aménagement légers de l’article R.121-5 du code de l’urbanisme. Ce recours était principalement motivé par la possibilité offertes par le décret de réaliser des canalisations enterrées dans les espaces remarquables (CE, 10 juillet 2020, n° 432944, France Nature Environnement).
La qualité d’espace remarquable et caractéristique doit s’apprécier en fonction de l’intérêt de l’espace en cause. Le Conseil d’État juge par exemple que commet une erreur de droit une Cour administrative d’appel qui qualifie une parcelle de remarquable au seul motif qu’elle est située dans la continuité d’un bois qui a une importance paysagère et alors même que ladite parcelle n’avait pas d’intérêt particulier. Il n’en irait autrement, ajoute le Conseil d’État, que si ces parcelles faisaient partie d’une unité paysagère justifiant, dans son ensemble, la qualification de site ou paysage remarquable à préserver (CE, 30 mai 2018, n° 408068, Commune de Sète). Conformément à cette logique, la Cour administrative d’appel de Marseille admet la légalité d’un parc de stationnement sur des parcelles qui ne contiennent que quelques arbres et arbustes et qui se démarquent du reste d’un secteur boisé et de son unité paysagère. L’arrêt manque toutefois de clarté car la Cour ne se prononce pas sur la qualification d’espace remarquable et relève par ailleurs que le parc de stationnement pourrait constituer un aménagement léger au sens de l’article R.121-5 du code de l’urbanisme (CAA Marseille, 2 juillet 2020, n° 19MA00639, SCI le Jardin de l’Hermitage).
Dès lors qu’une parcelle est incluse dans un périmètre NATURA 2000 et dans un site classé, un PLU ne peut pas, après l’avoir classé au titre des espaces remarquables, la classer en zone U. Les constructions illégales réalisées sur la parcelle ne peuvent pas remettre en question ce caractère remarquable (CAA Marseille, 6 juillet 2020, n° 18MA03639, Commune d’Ota).