Résumé : Par un arrêt du 30 juin 2020, la Cour administrative d’appel de Douai a annulé partiellement le SCOT du pays maritime et rural du Montreuillois dont plusieurs dispositions n’étaient pas compatibles avec la loi littoral. Il s’agit notamment des dispositions relatives aux coupures d’urbanisation et aux espaces proches du rivage. Les dispositions relatives aux agglomérations et villages existants sont en revanche validées.
Au mois de juillet dernier, la Cour administrative d’appel de Marseille avait décidé l’annulation partielle du SCOT Var Estérel pour méconnaissance de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme. Fin juin, c’est celui du pays maritime et rural du Montreuillois qui était en partie annulé par la Cour administrative d’appel de Douai (CAA Douai, 30 juin 2020, n° 18DA01078, Groupement de défense de l’arrondissement de Montreuil) en raison de son incompatibilité avec la loi Littoral.
L’appréciation de la compatibilité avec la loi Littoral doit être faite à l’échelle du SCOT
Bien avant que la jurisprudence ne le confirme, les auteurs de la circulaire du 14 mars 2006 relative à l’application de la loi Littoral avaient pressenti que l’échelle géographique des SCOT permettait de leur conférer un rôle particulier dans la mise en œuvre de la loi Littoral. Il ne s’agirait plus d’examiner la compatibilité des choix d’aménagement opérés par les auteurs du SCOT pour un secteur géographique limité ou disposition par disposition mais plutôt de se livrer à une analyse globale du document.
Cette analyse, qui laisse une relative marge aux auteurs du SCOT dans la mise en oeuvre de la loi Littoral, a peu à peu été confirmée par la jurisprudence de plusieurs cours administratives d’appel (CAA Bordeaux, 1er décembre 2016, n° 14BX03282, SARL Dumas Henri Participations – CAA Bordeaux, 28 décembre 2017, n° 15BX02851, Confédération pour les entrepreneurs et la préservation du pays du bassin d’Arcachon et autres – CAA Marseille, 23 juillet 2014, n° 12MA00268, Association Union Régionale Vie et Nature). Dans son arrêt du 30 juin 2020, la Cour administrative d’appel de Douai fait sienne cette analyse et rappelle que l’examen de la compatibilité du SCOT du pays maritime et rural du Montreuillois avec la loi Littoral doit procéder d’une approche globale compte tenu de l’ensemble du territoire couvert et de l’ensemble des orientations et prescriptions.
Les conséquences de cet effet d’échelle sont perceptibles en matière d’extension limitée de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage. Lorsqu’est en cause un PLU ou une autorisation d’urbanisme, la jurisprudence considère qu’une opération d’urbanisation présente un caractère limité dès lors qu’elle ne modifie pas de manière significative les caractéristiques du bâti avoisinant. Cette appréciation du caractère limité d’une extension de l’urbanisation doit être réalisée en fonction des caractéristiques du quartier, mais rappelle le juge, pas à l’échelle du territoire couvert par le PLU (CE, 11 avril 2018, Commune d’Annecy, req. n° 399094). En application de ce principe, une opération qui consiste à créer 103 logements, un hôtel de 29 chambres et un restaurant, dans trois bâtiments comprenant quatre niveaux d’habitation, ne s’inscrit pas dans la continuité des constructions de taille modeste qui existent sur les parcelles voisines, ne respecte pas l’article L. 121-13 du Code de l’urbanisme (CAA Douai, 26 nov. 2009, Commune de Cayeux-sur-Mer, req. n° 08DA00447).
Lorsque la notion d’extension limitée de l’urbanisation est mise en oeuvre par un SCOT, l’importance de l’extension de l’urbanisation est appréciée en fonction de l’ensemble du dispositif du SCOT. Certains secteurs pourront recevoir une urbanisation plus importante quand d’autres et verront leur potentiel plus réduit.
Les coupures d’urbanisation ne doivent pas uniquement reprendre des zones déjà protégées
Ce principe de lecture globale étant rappelé, la Cour administrative d’appel de Douai a tout d’abord examiné la compatibilité du SCOT du pays maritime et rural du Montreuillois avec les dispositions relatives aux coupures d’urbanisation (article L 121-22 du code de l’urbanisme). La Cour rappelle que ces coupures d’urbanisation ont pour finalité de s’opposer à l’urbanisation continue des zones agglomérées bordant le littoral en préservant, à proximité de ces zones, des espaces naturels. Au-delà de ce rappel, c’est surtout la définition d’une coupure d’urbanisation qui retient l’attention. La Cour administrative d’appel de Douai précise que les coupures d’urbanisation concernent des espaces naturels qui ne sont pas protégés au titre d’une autre législation. Cette condition est nouvelle et n’avait jamais été posée par la jurisprudence.
En l’espèce, dès lors qu’à l’exception d’une coupure de faible taille, tous les espaces identifiés par le SCOT au titre de l’article L.146-2 du code de l’urbanisme alors en vigueur (actuel L.121-22) concernent soit des ZNIEFF, soit des sites du conservatoire, soit des espaces classés à risque par un plan de prévention, la Cour juge que le SCOT n’a pas prévu suffisamment de coupures d’urbanisation.
L’analyse semble sévère. Il est vrai que les espaces protégés pour des raisons environnementales ou en raison des risques naturels, n’ont pas pour vocation première d’éviter l’étalement urbain. Toutefois, dès lors que ces espaces sont situés entre deux zones urbaines, il peuvent parfaitement participer à l’objectif de l’article L.121-22 du code de l’urbanisme. Plutôt qu’une censure de principe, il aurait, peut être, été plus logique de vérifier si ces espaces rendus inconstructibles pour d’autres motifs, ne permettaient pas également d’éviter la formation d’un front urbain continu.
La Cour administrative d’appel de Douai apporte également des précisions sur les activités admises dans les coupures d’urbanisation. Elle rappelle à ce titre que le SCOT n’est pas illégal au seul motif qu’il y autorise des constructions agricoles.
Un rappel des critères de l’arrêt « Commune de Rognac sur la délimitation des espaces proches du rivage
Le Conseil d’État a rappelé que pour déterminer si une zone peut être qualifiée d’espace proche du rivage, trois critères doivent être pris en compte : la distance séparant cette zone du rivage, son caractère urbanisé ou non et la co-visibilité entre cette zone et le plan d’eau (CE, 3 juin 2009, n° 310587, Commune de Rognac). A la lecture du DOO du SCOT du pays maritime et rural du Montreuillois c’est bien de tels critères qui semblaient avoir été pris en compte. Le critère d’ambiance maritime est certes imprécis mais il semble faire référence à l’urbanisation.
Pour la Cour administrative d’appel de Douai toutefois, la traduction des critères du DOO sur les cartes du SCOT montre que les principes de l’arrêt « commune de Rognac » ne sont pas respectés. Elle juge que le critère d’ambiance maritime « appréciée au vu du fonctionnement estival de l’espace et de la prédominance des résidences secondaires » conduit à inclure des espaces trop éloignés du rivage et, à l’inverse, à en écarter d’autres pourtant proches. La délimitation des espaces proches est donc annulée pour erreur de droit. On peut se demander si l’erreur de droit est le fondement le plus pertinent car le SCOT semble avoir bien utilisé les critères posés par la jurisprudence. C’est plutôt l’application des critères qui pose difficulté.
L’illégalité du tracé des espaces proches du rivage affecte nécessairement les dispositions relatives à la limitation des surfaces de logements. Cette conséquence est logique puisque l’augmentation des surfaces autorisées par le DOO est fixée à 15 % des surfaces existantes dans des espaces proches du rivage. Le chiffre maximum de 350 000 mètres carrés est donc privé de fondement.
En toute hypothèse, la Cour administrative d’appel de Douai juge que l’extension de l’urbanisation fixée à 15 % des surfaces existantes est illégale car elle n’est pas justifiée selon les critères fixés par le II de l’ancien article L.146-4 du code de l’urbanisme (actuel article L.121-13). Ce motif est plus critiquable car les critères en question ne sont applicables que lorsque l’extension de l’urbanisation est motivée et justifiée par le PLU. Selon les termes même de l’article L.121-13, les critères tirés de la configuration des lieux ou de l’accueil d’activité économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau ne sont pas applicables lorsque l’extension de l’urbanisation est conforme à un SCOT. C’est d’ailleurs ce qu’avait jugé La Cour administrative d’appel de Marseille (CAA Marseille, 26 sept. 2017, n° 17MA00327 et n° 17MA00328, Synd. mixte du SCOT « Plaine du Roussillon »).
Les agglomérations et les villages existants
Les modalités de mise en oeuvre de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme ont été prévues par le DOO du SCOT du pays maritime et rural du Montreuillois.
Ce dispositif est validé par la Cour administrative d’appel. Elle relève tout d’abord que même si les constructions sont édifiées de manière diffuse entre deux lieux-dits, cette circonstance n’est pas de nature, « à l’échelle du SCOT », à révéler une incompatibilité avec l’article L.121-8. La Cour relève à cet égard que le DOO du SCOT du pays maritime et rural du Montreuillois a expressément prévu qu’un espace lâche peut entraîner une rupture de continuité et qu’il appartient aux PLU de fixer les limites de l’urbanisation.
La Cour admet également la légalité de la disposition du DOO permettant l’extension du bâti existant et des constructions nouvelles de gabarit comparable dans les secteurs urbanisés denses. L’extension des constructions ne fait en effet pas débat. Le Conseil d’Etat a rappelé que l’extension d’une construction existante n’entraînait pas une extension de l’urbanisation au sens de l’article L.121-8. Le blog en avait parlé.
En revanche, la validation de la disposition relative aux constructions nouvelles est plus surprenante. La Cour administrative d’appel de Douai en admet la légalité au motif que « la seule réalisation dans un quartier urbain d’un ou plusieurs bâtiments qui est une simple opération de construction ou l’agrandissement d’une construction existante même isolée ne peut être regardée comme constituant une extension de l’urbanisation » (point 33 de l’arrêt).
Ce principe est emprunté à la jurisprudence « Soleil d’Or » (CE, 7 février 2005, n° 264315, Société Soleil d’or et Commune de Menton) qui admet qu’une construction qui n’étend pas un périmètre bâti ou qui n’en modifie pas les caractéristiques n’entraîne pas une extension de l’urbanisation. L’arrêt « Soleil d’Or » concerne toutefois l’extension de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage au sens de l’article L.121-13 du code de l’urbanisme et non pas l’extension de l’urbanisation en continuité ou un village existant au sens de l’article L.121-8 du même code. Le blog a commenté un récent arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes en la matière. Au sens de ces dernières dispositions, toute construction nouvelle, même entourée d’autres constructions, constitue une extension de l’urbanisation qui n’est légale que si elle est en continuité d’une agglomération ou d’un village (CAA Lyon, 3 mai 2018, n° 16LY02292, Communauté de communes des sources du lac d’Annecy). La Cour administrative d’appel de Nantes avait pour sa part jugé qu’un SCOT ne pouvait pas autoriser de constructions nouvelles dans des espaces n’étant pas qualifiés d’agglomération ou de village (CAA Nantes, 29 août 2019, n° 18NT02494, Communauté de communes de la Presqu’île de Crozon et de l’Aulne maritime, point 5).
Si certains points de l’arrêt posent question, la décision de la Cour administrative d’appel de Douai relative au SCOT du pays maritime et rural du Montreuillois apporte une utile contribution à l’analyse du rapport de compatibilité entre les SCOT et la loi Littoral. Cette question devient essentielle alors que la loi ELAN a confirmé le rôle central du SCOT dans la mise en oeuvre de la loi Littoral.