Résumé : dans un contexte d’élévation du niveau des océans et de réflexion sur la politique de gestion du trait de côte, la question de la conformité des ouvrages de défense contre la mer à la loi Littoral peut se poser. Dans les cas où ils constituent une solution pertinente, leur installation peut être confrontée aux dispositions de la bande de cent mètres ou à celles relatives aux espaces remarquables et caractéristiques. Dans un arrêt du 6 octobre 2020 qui m’a été signalé par Olivier Lozachmeur, animateur du très riche compte Twitter @droit_littoral, la Cour administrative d’appel de Nantes a rappelé que ces ouvrages étaient exclus du champ d’application de la loi Littoral en application de l’article L.121-4 du code de l’urbanisme.
L’article L.121-4 du code de l’urbanisme dispose que « les installations, constructions, aménagements de nouvelles routes et ouvrages nécessaires à la sécurité maritime et aérienne, à la défense nationale, à la sécurité civile et ceux nécessaires au fonctionnement des aérodromes et des services publics portuaires autres que les ports de plaisance ne sont pas soumis aux dispositions du présent chapitre lorsque leur localisation répond à une nécessité technique impérative ». Les projets qui entrent dans le cadre de ces dispositions échappent aux dispositions de la loi Littoral.
La jurisprudence a eu l’occasion de préciser le type d’ouvrages qui relevaient de ces dispositions. C’est par exemple le cas d’un bassin de décantation nécessaire au fonctionnement d’un port ostréicole (CE, 3 mars 2008, n° 278168, Laporte, Assoc. bassin d’Arcachon écologie et a. ). C’est également celui d’une maison de la pêche mise à disposition des marins-pêcheurs pour entreposer et conditionner les produits de leur pêche (CAA Nantes, 10 juin 2008, n° 07NT02653, Assoc. Patrimoine et environnement).
En revanche, la cour administrative d’appel de Marseille juge qu’un cimetière n’est pas au nombre des installations liées à la sécurité civile qui ne sont pas soumises à la loi Littoral (CAA Marseille, 21 oct. 2004, n° 00MA02524, Cne Lavandou). Ce n’est pas non plus le cas d’un centre hospitalier dès lors qu’il ne constitue pas à titre principal une construction ou un ouvrage nécessaire à la sécurité civile au sens de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile ( CAA Nantes, 23 juin 2009, n° 08NT01439, min. Int., Outre-mer et Collectivités territoriales). La jurisprudence a également rappelé qu’un parc photovoltaïque au sol ne peut pas bénéficier de l’article L.121-4 du code de l’urbanisme (CE, 28 juill. 2017, n° 397783, EARL Clos B). Ce n’est pas non plus le cas d’une éolienne (CAA Bordeaux, 25 juin 2015, n° 13BX03381, Sté Yvéole).
La Cour administrative d’appel de Nantes, qui était saisie d’un recours contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme (PLU) de la commune de Trébeurden, vient d’apporter une nouvelle précision sur le champ d’application de l’article L.121-4 du code de l’urbanisme. L’association requérante contestait notamment la légalité des dispositions du règlement de la zone N autorisant les ouvrages de défense contre la mer au regard de la loi Littoral.
Pour la Cour administrative d’appel de Nantes, « les constructions et installations visées aux 2, 4 et 6 à 8 du F de l’article N2 doivent être regardées comme des constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. En tout état de cause, les » aménagements de défense contre l’action de la mer » visés au 8 (note au 6) de l’article N2 doivent être regardés comme des » ouvrages nécessaires à la sécurité civile » au sens de l’article L. 121-4 du code de l’urbanisme, lequel exclut ces ouvrages du champ d’application des dispositions relatives à l’aménagement et à la protection du littoral lorsque leur localisation répond à une nécessité technique impérative » (CAA Nantes, 6 octobre 2020, n°19NT04731, Association Avenir du Littoral, § 45).
L’arrêt est intéressant car il rappelle tout à la fois que les ouvrages de défense contre la mer peuvent être autorisés dans la bande de cent mètres au titre de l’exception liée aux services publics exigeant la proximité immédiate de l’eau et, que de manière plus générale, ils échappent aux dispositions de la loi Littoral puisqu’ils sont nécessaires à la sécurité civile.
Le bénéfice de l’article L.121-4 du code de l’urbanisme est acquis sans procédure particulière. Contrairement aux stations d’épuration qui bénéficient, elles aussi, d’un régime spécifique qui les soustrait à la loi Littoral, aucun accord ne doit être recherché. Les dispositions de l’article L.121-4 n’ont toutefois pas pour effet de dispenser du respect des règles du Code de l’urbanisme, en particulier, une autorisation préalable doit être obtenue si les travaux en cause le nécessitent. La Cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle par exemple que la réalisation de bassins de décantation et d’une canalisation liée au port ostréicole, entre dans le champ d’application des autorisations d’occuper le sol quand bien même elle bénéficierait de l’article L.121-4 (CAA Bordeaux, 7 avr. 2005, n° 01BX01460, Commune d’Andernos-les-Bains). Elles ne dispensent par ailleurs pas du respect des procédures au titre du domaine public maritime.
Même si elle ne constitue pas vraiment une surprise, la décision mérite d’être relevée car la question de la mise en œuvre de l’article L.121-4 du code de l’urbanisme aux ouvrages de défense contre la mer, n’avait pas encore fait l’objet de jurisprudence.
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