Résumé : le mois d’octobre 2020 ne révèle pas d’évolution de jurisprudence relative à la loi Littoral. La Cour administrative d’appel de Nantes fait application de l’arrêt du 28 septembre 2020 pour apprécier la compatibilité d’un PLU avec la Loi Littoral en présence d’un SCOT. Plusieurs décisions apportent des illustrations intéressantes des notions d’agglomération ou de village existant et précisent les constructions autorisées dans les espaces urbanisés de la bande de cent mètres.
Champ d’application de la loi Littoral
L’article L.121-4 du code de l’urbanisme soustrait un certains nombre de constructions du champ d’application de la loi Littoral. Aux termes de ces dispositions : « les installations, constructions, aménagements de nouvelles routes et ouvrages nécessaires à la sécurité maritime et aérienne, à la défense nationale, à la sécurité civile et ceux nécessaires au fonctionnement des aérodromes et des services publics portuaires autres que les ports de plaisance ne sont pas soumis aux dispositions du présent chapitre lorsque leur localisation répond à une nécessité technique impérative ». La jurisprudence n’avait pas encore eu l’occasion de se prononcer sur les cas des ouvrages de défenses contre la mer. La Cour administrative d’appel de Nantes juge que ces ouvrages entrent dans le champ d’application de ces dispositions (CAA Nantes, 6 octobre 2020, n° 19NT04731, Association Avenir du Littoral). Le Blog a consacré un article à cette décision qui présente un grand intérêt pratique dans un contexte d’élévation du niveau de la mer.
Loi Littoral et SCOT
Dans son arrêt du 28 septembre 2020, le Conseil d’Etat a rappelé qu’en présence d’un SCOT, les dispositions de la loi Littoral devaient être appliquées au PLU en fonction des dispositions du SCOT relatives à l’application de la loi. Le Blog a rapporté cette décision importante dans sa chronique de jurisprudence de septembre. La Cour administrative d’appel de Nantes fait application de ce principe et évalue la légalité du PLU de Trébeurden au regard des orientations du SCOT du Tregor (CAA Nantes, 6 octobre 2020, n° 19NT04731, Association avenir du Littoral).
Agglomérations et villages existants
Notion d’agglomération et de village
Le Conseil d’État a rappelé qu’il résulte de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme « que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages » (CE, 9 novembre 2015, n° 372531, Commune de Porto-Vecchio). Dans ce contexte, la Cour administrative d’appel de Nantes juge que le lieu-dit Rozvenni qui ne comporte que quelques dizaines de constructions éparses, et qui est situé à 350 mètres du centre de la commune dont il est séparé par des espaces agricoles, n’est pas une agglomération ou un village (CAA Nantes, 6 octobre 2020, n° 19NT03259, Commune de Landeda).
Le lieu-dit Rozvenni (carte géoportail interactive)
Continuité avec les agglomérations et les villages
La Cour administrative d’appel de Marseille juge que les secteurs de Moulin à Vent, Chemin du Bosc, Moulin Neuf (note Chemin Neuf ?) et Avenue Boat sont situés en continuité directe de l’agglomération qui est, par ailleurs, considérée comme « enveloppe urbaine » par le SCOT de l’Etang de Thau. Elle précise que les voies et chemins bordant ces secteurs ne forment pas des coupures d’urbanisation (CAA Marseille, 1er octobre 2020, n° 18MA05300).
En revanche, la Cour administrative d’appel de Marseille juge sans surprise qu’un terrain situé à l’écart d’une zone agglomérée dont il est séparé par une autoroute n’est pas en continuité d’une agglomération ou d’un village (CAA Bordeaux, 16 octobre 2020, n° 18BX04139, Commune de Gujean-Mestras).
La parcelle DT 51, sur la commune de Gugean-Mestras (carte geoportail interactive).
Les annexes ne sont autorisées qu’en continuité des agglomérations et villages
L’article L.151-12 du code de l’urbanisme dispose que « dans les zones agricoles, naturelles ou forestières et en dehors des secteurs mentionnés à l’article L. 151-13, les bâtiments d’habitation existants peuvent faire l’objet d’extensions ou d’annexes, dès lors que ces extensions ou annexes ne compromettent pas l’activité agricole ou la qualité paysagère du site ». Ces dispositions sont inopérantes sur une commune littorale. La jurisprudence rappelle en effet de manière constante que les abris de jardin et autres cabanons entraînent une extension de l’urbanisation qui n’est possible qu’en continuité d’une agglomération ou d’un village existant au sens de l’article L 121-8 du code de l’urbanisme. La Cour administrative d’appel de Nantes avait rendu un arrêt en ce sens en mars 2020. La Cour confirme sa position et considère que le réglement d’un PLU qui autorise des annexes qui ne sont pas accolées aux bâtiments principal est illégal (CAA Nantes, 6 octobre 2020, n° 19NT04731, Association avenir du Littoral). En revanche, la Cour valide les dispositions du PLU qui autorise des annexes accolées. Cette position, bien que sévère, est logique puisque le Conseil d’Etat a rappelé que l’extension d’une construction n’était pas une extension de l’urbanisation.
Espaces proches du rivage
L’article L.121-13 du code de l’urbanisme dispose que dans les espaces proches du rivage, l’extension de l’urbanisation doit présenter un caractère limité. La Cour administrative d’appel de Nantes juge qu’un lotissement comportant 20 constructions n’entraîne pas une extension limitée de l’urbanisation dans la mesure où il entraîne un doublement du nombre de constructions dans le compartiment de terrain concerné (CAA Nantes, 20 octobre 2020, n° 19NT03333, Association « Qualité de la vie à Larmor Baden »). L’arrêt n’est pas publié que Légifrance mais le Blog Littoral l’a commenté.
Bande de cent mètres
Notion d’espace urbanisé
La jurisprudence rappelle de manière constante que seuls les espaces qui comportent un nombre et une densité significatifs de constructions peuvent être qualifiés d’espace urbanisé au sens de l’article L 121-16 du code de l’urbanisme qui définit la bande de cent mètres. Pour apprécier le caractère urbanisé, le juge prend en compte l’ensemble des espaces situés autour du terrain en cause. Conformément à ce principe, la Cour administrative d’appel de Nantes juge qu’un espace qui ne comporte que 5 constructions éparses ne peut pas être qualifié d’urbanisé (CAA Nantes, 20 octobre 2020, n° 19NT03443). Le blog avait commenté cette décision.
Campings situés dans la bande de cent mètres
Les articles L.121-16 et L.121-17 du code de l’urbanisme organisent la protection de la bande de cent mètres. En dehors des espaces urbanisés, les constructions et installations sont interdites sauf si elles sont nécessaires aux services publics ou aux activités économiques qui exigent la proximité immédiate de l’eau. La jurisprudence est stricte et rappelle de manière constante que ces dispositions ne font pas la distinction entre les constructions nouvelles et les simples extensions lorsqu’elles interdisent « toute construction ou installation » (CE, 21 mai 2008, Ministre des Transports de Équipement du Tourisme et de la Mer, req. n° 297744). La Cour administrative d’appel de Nantes juge en conséquence que le règlement d’un PLU qui autorise l’extension des bâtiments d’un camping ne respecte pas ces dispositions (CAA Nantes, 6 octobre 2020, n° 19NT04731, Association avenir du Littoral, n° 38).
Constructions exigeant la proximité immédiate de l’eau
La Cour administrative d’appel de Marseille rappelle qu’une base nautique, y compris les parkings et les voiries, nécessite la proximité immédiate de l’eau au sens de l’article L.121-17 du code de l’urbanisme (CAA Marseille, 1er octobre 2020, n° 18MA05341, SCI Camping Lou Labech).