Résumé : la jurisprudence relative à l’application de la loi Littoral à un parc photovoltaïque au sol est constante : dès lors que les parcs constituent une extension de l’urbanisation, ils doivent être situés en continuité d’une agglomération ou d’un village existant. Le blog avait fait le point sur la jurisprudence dans une chronique consacrée à la loi Littoral et aux énergies renouvelables. La Cour administrative d’appel de Marseille vient de la confirmer en annulant le permis de construire délivré par le Préfet de l’Aude pour le parc photovoltaïque de la société Soleil Participatif du Narbonnais (CAA Marseille, 9 mars 2021, n° 19MA00002, association COL.E.R.E).
Le projet de parc photovoltaïque au sol porté par la société Soleil Participatif du Narbonnais remonte à 2012, date des études de faisabilité. Le terrain d’assiette du projet jouxte l’usine de combustible nucléaire d’Areva sur la commune de Narbonne qui est classée SEVESO et qui, à ce titre fait l’objet d’un plan de prévention des risques technologiques.
Le conseil municipal de Narbonne avait modifié le PLU le 22 septembre 2016 afin de classer ces terrains en zone Aer dédiée aux installations photovoltaïques. Cette zone de 32 ha permet, selon les termes du rapport de présentation du PLU, de créer une zone tampon entre l’espace agricole et la zone industrielle.
Par un arrêté du 10 février 2017, le préfet de l’Aude avait alors délivré à la société Soleil Participatif du Narbonnais le permis de construire en vue de l’édification du parc photovoltaïque.
Le Tribunal administratif de Montpellier, saisi par l’association » Collectif pour l’environnement des riverains élisyques » (COL.E.R.E) et par des riverains, avait rejeté la requête. C’est dans ces conditions que la Cour administrative d’appel a été saisie.
Les requérants soulevaient plusieurs moyens tirés de la régularité de la procédure de modification du PLU et de la conformité du permis à son règlement. Ils soutenaient également que le projet ne respectait pas l’article L.121-8 du code de l’urbanisme aux termes duquel l’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et les villages existants. C’est naturellement la réponse à ce moyen qui a retenu l’attention du Blog loi Littoral.
La jurisprudence a confirmé à plusieurs reprises que la loi Littoral s’appliquait à un parc photovoltaïque au sol. Le Conseil d’Etat juge, en particulier, qu’une telle installation est une urbanisation soumise au principe anti-mitage de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme.
« Il résulte des dispositions des articles L. 146-4 et suivants du code de l’urbanisme que le législateur a entendu interdire toute construction isolée dans les communes littorales et a limitativement énuméré les dérogations à cette règle. Ainsi, l’implantation de panneaux photovoltaïques, qui doit être regardée comme une extension de l’urbanisation au sens du I de l’article L. 146-4 [devenu L 121-8], ne peut, dès lors que ces panneaux ne constituent ni une construction ou une installation liée aux activités agricoles ou forestières, ni une construction ou une installation prévue par l’article L. 146-8 du même code, et en l’absence, en tout état de cause, de délimitation par le document local d’urbanisme d’une zone destinée à accueillir un hameau nouveau, être autorisée que si elle est située en continuité avec une agglomération ou un village existant » (CE, 28 juillet 2017, n° 397783, EARL Clos B., Droit Maritime Français, 2017, p. 1049, n° 797, obs. J.-M. Bécet). L’obligation de respecter les dispositions de l’article L 121-8 du code de l’urbanisme avait été confirmée par la Cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA Bordeaux, 17 octobre 2017, n° 15BX01691, Société Loupdat Energie et CAA Bordeaux, 4 avr. 2013, n° 12BX00153, Assaupamar).
Au cas présent, si la qualification d’extension de l’urbanisation ne faisait pas de doute, la question de la continuité avec une agglomération ou un village pouvait toutefois être posée car le terrain d’assiette du projet jouxte un site industriel. Les terrains voisins du projet, à l’est, ne comportent certes que des bassins de lagunage mais ils sont eux-mêmes situés à proximité immédiate des bâtiments de l’usine d’AREVA.
Le terrain d’assiette du projet, à l’ouest des bassins de l’usine AREVA
(carte Géoportail interactive)
Pour la Cour administrative d’appel de Marseille, la forte artificialisation du site ne suffit toutefois pas à le regarder comme une agglomération ou un village existant :
« Le terrain d’assiette du projet de parc photovoltaïque, qui est vierge de toute construction et composé de parcelles cultivées, est situé dans une zone à dominante agricole du nord de la commune de Narbonne et à proximité immédiate d’un secteur, localisé à l’ouest, accueillant des activités principalement industrielles. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des photographies aériennes des lieux, que les constructions édifiées dans ce secteur sont implantées de façon relativement dispersée et présentent, dans leur ensemble, une faible densité du fait, en particulier, de la surface importante occupée par les bassins de décantation et d’évaporation situés dans l’emprise du vaste site industriel de Malvési exploité par la société Orano venue aux droits de la société Areva. En dépit de son caractère largement artificialisé et de la présence de plusieurs groupes épars de bâtiments ou de constructions en son sein, ce secteur d’une superficie de plus de cent hectares ne constitue pas une zone déjà urbanisée caractérisée par un nombre et une densité significatifs de constructions. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que ce secteur anthropisé ne s’inscrit pas dans le prolongement de la zone urbanisée de la commune située plus au sud. Dans ces conditions, le projet litigieux, qui n’a pas vocation à être implanté dans une zone destinée à l’accueil d’un hameau nouveau intégré à l’environnement, ne peut être regardé comme étant situé en continuité avec une agglomération ou un village existant » (CAA Marseille, 9 mars 2021, n° 19MA00002, association COL.E.R.E).
L’arrêt que vient de rendre la Cour administrative d’appel de Marseille confirme que la loi Littoral doit être appliquée à un parc photovoltaïque : sauf à être en continuité avec les agglomérations et les villages existants, ce type d’installation est prohibé sur les communes littorales. La logique est vertueuse car elle préserve les espaces agricoles de l’urbanisation. Elle n’est toutefois pas sans défaut car elle limite les possibilités de reconversion de terrains impropres à l’activité agricole tels que les anciennes carrières, décharges ou sites industriels. Elle bride également des projets réfléchis, dont l’impact sur la biodiversité peut être positif, qui permettent de concilier la culture des terres et la production d’énergie. La question des parcs photovoltaïques sur les communes littorales pourrait donc recevoir une réponse plus nuancée.
Quoi qu’il en soit, la jurisprudence est clairement fixée et il appartient maintenant au législateur de dire si la loi Littoral doit être assouplie pour modifier les conditions d’implantation d’un parc photovoltaïque au sol sur les communes littorales.
Sources des illustrations : Géoportail – Image d’illustration par Samuel Faber de Pixabay – Valorem – Commune de Narbonne