Résumé : La jurisprudence rappelle régulièrement que la bande de cent mètres de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme fait partie des espaces proches du rivage de l’article L. 121-13 du même code. Il en résulte que si les constructions sont autorisées dans les espaces urbanisés, ce n’est qu’à la condition qu’elles n’entraînent pas une densification significative de l’espace. Pour la cour administrative d’appel de Nantes, ce n’est pas le cas de travaux d’importance limitée qui ont pour objet la surélévation d’une maison existante (CAA Nantes, 5 janvier 2022, n° 20NT02468).
Par un arrêté du 28 février 2017 modifié les 18 août et 29 novembre 2017, le maire de Ploemeur avait délivré un permis de construire pour des travaux d’extension et de surélévation d’une construction existante à usage d’habitation. Ces travaux permettaient la création d’une chambre et d’une salle de bain ainsi que l’aménagement d’une terrasse sur le même niveau. En première instance, le Tribunal administratif de Rennes avait annulé cette décision en raison de la méconnaissance des règles d’implantation posées par le règlement du PLU. La Cour administrative d’appel de Nantes avait alors été saisie.
La construction existante située 1, allée des Goélettes, sur la commune de Ploemeur (carte géoportail interactive)
Parmi les moyens invoqués, les requérants soutenaient que le projet méconnaissait les règles relatives à la bande de cent mètres de l’article L.121-16 du code de l’urbanisme aux termes duquel, « en dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ».
La jurisprudence a rappelé qu’un espace ne peut être qualifié d’urbanisé que s’il comporte un nombre et une densité significatifs de constructions. Le juge assimile la notion d’espace urbanisé à celle d’agglomération ou de village (CE, 22 février 2008, n° 280189, Bazarbachi, CE, 13 mars 2017, n° 395643 ou CE, 21 juin 2018, n° 416564). La jurisprudence ajoute que le caractère urbanisé d’un espace doit être apprécié en prenant en compte l’ensemble des espaces entourant le terrain sur lequel le projet doit être implanté (CE, 12 mai 1997, n° 151359, Société Coprotour). Elle précise toutefois que seules des constructions situées au voisinage immédiat du terrain d’assiette du projet permettent de qualifier un espace d’urbanisé (CAA Marseille, 26 juin 2006, n° 03MA00674, Rousseau – CAA Nantes, 5 avril 2019, n° 18NT01132). Cette question à fait l’objet de plusieurs articles du Blog.
Au cas d’espèce, c’est sans surprise que la Cour relève que la parcelle d’assiette du projet se situe au sein d’un secteur densément bâti comprenant plusieurs dizaines d’habitations et des commerces qui constitue un espace urbanisé au sens des dispositions du code de l’urbanisme particulières au littoral.
La situation d’un projet au sein d’un espace urbanisé ne permet cependant pas de s’affranchir de toute contrainte. Puisque la bande de cent mètre fait partie des espaces proches du rivage, le Conseil d’Etat a rappelé que le principe d’extension limitée de l’urbanisation s’y applique (CE, 5 févr. 2001, SA SEERI Méditerranée, req. n° 211875). Les articles L. 121-13 et L. 121-16 du code de l’urbanisme doivent donc être appliqués conjointement.
L’articulation de ces dispositions est ainsi résumée par le Conseil d’Etat : « ne peuvent donc déroger à l’interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu’ils n’entraînent pas une densification significative de ces espaces » (CE, 21 juin 2018, req. n° 416564). Le blog avait commenté une décision de la Cour administrative d’appel de Nantes au sujet de cette notion de « densification significative ».
Dans la présente affaire, les travaux étaient modestes puisqu’ils consistaient à ajouter un étage et une terrasse sur une construction existante de plain-pied d’une surface de 48 mètres carrés. Les constructions voisines ont d’ailleurs des caractéristiques identiques.
La construction avant et après extension (source Google Street View)
Pour la Cour administrative d’appel de Nantes, « il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux consiste en la surélévation d’une construction à usage d’habitation existante d’une superficie de 48 m² en vue de création d’une chambre et d’une salle de bain ainsi qu’en l’aménagement d’une terrasse sur le même niveau. Eu égard à leur importance limitée, ces travaux n’entraînent pas une densification significative de cet espace urbanisé ».
La solution de la Cour administrative d’appel de Nantes est donc logique, tant sur la question de l’espace urbanisé que sur celle de la densification significative. Elle contribue néanmoins à préciser cette dernière notion pour laquelle les décisions ne sont pas encore très nombreuses.
Sources des cartes et illustrations : Geoportail et Google