Résumé : Dans les espaces remarquables protégés par les articles L. 121-23 et L. 121-24 du code de l’urbanisme, seuls des aménagements légers définis par l’article R. 121-5 du même code sont autorisés. Les règles applicables aux constructions à usage d’habitation sont très strictes puisque les constructions nouvelles ou l’extension des constructions est interdite. Seule la réfection des constructions existantes est autorisée par le 3° de l’article R. 121-5. La notion de réfection d’une construction en espace remarquable est en outre appréciée de manière restrictive comme en témoigne l’arrêt que vient de rendre la Cour administrative d’appel de Marseille (CAA Marseille, 29 mars 2022, n° 20MA00338).
Le 10 août 2017, le propriétaire d’une maison d’habitation a déposé une déclaration préalable de travaux ayant pour objet le remplacement de menuiseries, la création d’ouvertures en façade d’une construction existante, la réalisation d’un local technique semi-enterré surmonté d’une terrasse, la réfection de la clôture, la pose d’un portail et la réalisation d’aménagements paysagers sur une parcelle cadastrée AE n° 72 b située 1216 route de Consolation à Collioure. Cette déclaration préalable a été complétée le 29 septembre 2017. Une décision tacite de non opposition est intervenue le 29 novembre 2017 du fait du silence gardé par le maire de Collioure.
Toutefois, par un arrêté du 8 janvier 2018, le maire de Collioure a retiré cette décision dans les conditions posées par l’article L. 421-5 du code de l’urbanisme. Ce retrait était notamment motivé par la méconnaissance du règlement de la zone Nl du PLU de Collioure dans laquelle seuls les aménagements légers au titre de l’article R. 146-2 du code de l’urbanisme (actuel R. 121-5) sont admis.
Le terrain d’assiette de la construction existante (carte géoportail interactive).
Les dispositions relatives aux espaces remarquables et caractéristiques sont codifiées aux articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de l’urbanisme. Elles imposent la préservation des espaces terrestres et marins, remarquables et caractéristiques du patrimoine naturel ou culturel du littoral et nécessaires aux équilibres écologiques littoraux. Les espaces susceptibles d’être qualifiés de remarquables et caractéristiques sont énumérés par les articles L. 121-23 et R. 121-4 du Code de l’urbanisme.
Les aménagements légers autorisés dans les espaces remarquables par l’article L. 121-24 du code de l’urbanisme sont définis par l’article R.121-5 du même code. La version aujourd’hui en vigueur de cet article résulte du décret n° 2019-782 du 21 mai 2019 relatif aux aménagements légers autorisés dans les espaces remarquables ou caractéristiques du littoral et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques que le Blog avait commenté. Cette modification tire les conséquence de la rédaction de l’article L. 121-24 du code de l’urbanisme issue de loi ELAN qui dispose que les aménagements légers sont définis de manière limitative par décret, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Dans sa version en vigueur à l’époque de la présente affaire, l’article R. 146-2 autorisait au titre des aménagement légers : « la réfection des bâtiments existants et l’extension limitée des bâtiments et installations nécessaires à l’exercice d’activités économiques ». Cette faculté existe toujours dans le nouvel article R. 121-5. Elle est toutefois plus stricte car les réfection autorisées doivent désormais être conçues « de manière à permettre un retour du site à l’état naturel » (Art. R. 121-5 dernier alinéa).
En l’espèce, les travaux projetés consistaient :
- en l’aménagement, eu égard à la forte déclivité du terrain, de quatre paliers pour arborer le terrain impliquant la réalisation de murs de soutènement en béton armé avec une finition en pierre de schiste et un aménagement paysager,
- en la construction d’une terrasse et d’un local technique enterré,
- en la démolition d’un escalier extérieur et la reprise en maçonnerie d’un muret garde-corps de la terrasse existante,
- en la modification de l’ensemble des ouvertures de la façade ouest de la villa avec le percement d’une baie vitrée, le remplacement des menuiseries et une reprise en peinture,
- en la réfection de la clôture d’accès en maçonnerie avec un habillage en pierre et la pose d’un portail en métal,
- en l’aménagement en gravier et en finition béton balayée de circulations sur la parcelle.
La Cour devait donc vérifier s’ils pouvaient être regardés comme de simple travaux de réfection d’une construction existante en espace remarquable.
Pour la Cour administrative d’appel de Marseille :
« la réalisation d’un local technique et de la terrasse ainsi que la modification des ouvertures de la façade ouest de la ville, qui ne visent pas la conservation des espaces marins et terrestres, qui ne constituent pas des travaux de réfection d’un bâtiment existant et qui ne correspondent à aucun des aménagements légers prévus par l’article R. 146-2 du code de l’urbanisme, ne peuvent être autorisées dans la zone ».
En revanche, la Cour juge que :
« ce qui concerne le remplacement des menuiseries et une reprise en peinture, ces travaux peuvent être regardés quant à eux comme des travaux de réfection d’un bâtiment existant au sens de l’article R. 121-5 du code de l’urbanisme »(CAA Marseille, 29 mars 2022, n° 20MA00338).
L’arrêt méritait d’être rapporté car il précise la notion de réfection d’une construction en espace remarquable. L’analyse de la Cour administrative d’appel de de Marseille peut sembler sévère, notamment au sujet de la modification des ouvertures. Il faut toutefois relever que le texte de l’article R. 121-5 du code de l’urbanisme est lui-même restrictif puisqu’il n’autorise que la réfection du bâti ce qui ne permet guère plus que le maintien en état d’une construction.
Source des illustrations : Christian_Birkholz de Pixabay et geoportail de l’urbanisme