Recommandations aux acheteurs pour faire face à la flambée des prix des matières premières

par | Avr 5, 2022 | Commande Publique | 0 commentaires

Par une circulaire  du 30 mars 2022, publiée 1er avril 2022, le Premier ministre a adressé aux membres du Gouvernement et aux préfets une circulaire relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières.

Dans cette circulaire, dans la lignée de la circulaire du 16 juillet 2021, le Premier ministre demande aux acheteurs de l’Etat de mettre en œuvre les leviers juridiques permettant d’atténuer les effets des aléas économiques affectant certaines matières premières, notamment le gaz et le pétrole, dans l’exécution des contrats publics et d’aider les entreprises à poursuivre l’exécution des contrats dont l’équilibre financier serait bouleversé par la dégradation des conditions économiques.

Il demande aux collectivités locales et aux établissements publics de suivre les mêmes recommandations.

La Circulaire détaille les outils juridiques qui peuvent être utilisés par les acheteurs pour faire face à la flambée des prix des matières premières :

 

    • Modification des contrats en raison de la hausse des prix actuelle ;

La Circulaire rappelle que les contrats peuvent être modifiés lorsque les conditions techniques de leur exécution doivent être aménagées pour faire face à des circonstances imprévisibles : modification de leurs spécifications, par exemple en substituant un matériau à celui initialement prévu et devenu introuvable ou trop cher, modification des quantités ou du périmètre des prestations à fournir, ou aménagement des conditions et délais de réalisation des prestations.

Dans ce cas, elle indique qu’il est possible de recourir aux différents cas de modification des contrats en cours d’exécution prévus par le code de la commande publique, notamment par ses articles R. 2194-5 et R. 3135-5 qui, prévoit des modifications jusqu’à hauteur de  50 % du montant initial (par modification) dès lors qu’elles sont rendues nécessaires par des circonstances qu’une autorité contractante diligente ne pouvait pas prévoir lorsque le contrat a été passé.

A noter que la circulaire signale utilement qu’il n’est pas possible de renégocier uniquement les prix par avenant, lorsque la modification du prix « n’est pas liée à une modification du périmètre, des spécifications ou des conditions d’exécution du contrat ».

 

    • Application de la théorie de l’imprévision avec versement d’une éventuelle indemnité au cocontractant de la personne publique ;

La circulaire fournit un véritable mode d’emploi aux acheteurs pour la mise en place de la théorie de l’imprévision.

Cette théorie, on le sait, permet d’indemniser le cocontractant qui poursuit l’exécution du contrat, en cas de survenance d’un « événement extérieur aux parties, imprévisibles et bouleversant temporairement l’équilibre du contrat» (article L.6 3° du code de la commande publique).

La Circulaire souligne d’abord que l’imprévision n’est admise que si l’économie du contrat se trouve absolument bouleversée : La condition n’est, en principe, considérée comme remplie que lorsque les charges extracontractuelles ont atteint environ 15% du montant initial HT du marché ou de la tranche.

Il s’agit ainsi de déterminer selon le Premier ministre les charges extracontractuelles qui pèsent sur le contrat du fait de l’augmentation exceptionnelle des prix, qu’il s’agisse de celui de l’énergie ou de celui de certaines matières premières à l’exclusion des autres causes ayant pu occasionner des pertes à l’entreprise, et ce au vu de justifications comptables (d’une part, prix de revient et sa marge bénéficiaire au moment où le titulaire a remis son offre et, d’autre part, ses débours au cours de l’exécution du marché). Pour être tout à fait précis, la Circulaire signale que, le cas échéant, il convient de tenir compte de la différence entre l’évolution réelle des coûts et celle résultant de l’application de la formule de révision.

Ensuite, la perte effective est également supportée en partie par le titulaire du contrat : Si la jurisprudence a, en moyenne, fixé la part d’aléa laissée à la charge du titulaire à 10 % du montant du déficit résultant des charges extracontractuelles, ce taux est néanmoins susceptible de varier entre 5 % et 25 % en fonction des circonstances selon la circulaire.

Enfin, le montant des charges extracontractuelles doit être évalué sur l’ensemble du contrat, et donc à la fin de l’exécution de celui-ci. Toutefois, si la poursuite même de l’activité de l’entreprise est menacée, le gouvernement indique que le versement d’une provision est possible : « les acheteurs accorderont aux titulaires qui en font la demande des indemnités provisionnelles, mandatées avec chaque règlement, à valoir sur l’indemnité globale d’imprévision dont le montant définitif ne pourra être déterminé qu’ultérieurement. »

La Circulaire précise que l’indemnisation d’imprévision ne doit pas donner lieu à un avenant au contrat car elle ne modifie pas les stipulations mais à une convention « liée au contrat », applicable pendant la situation d’imprévision. La circulaire va même jusqu’à évoquer une clause de rendez-vous qui pourrait être prévue dans cette convention, afin de fixer, à l’issue du contrat le montant définitif de l’indemnité.

 

    • Gel des pénalités contractuelles dans l’exécution des contrats de la commande publique ;

Comme cela avait déjà été demandé dans la circulaire n° 6293/SG du 16 juillet 2021   les acheteurs sont invités à ne pas appliquer les pénalités contractuelles tant que les titulaires sont dans l’impossibilité de s’approvisionner dans des conditions normales.

 

    • Insertion d’une clause de révision des prix dans tous les contrats à venir ;

La circulaire insiste sur l’obligation prévue par le code de la commande publique de conclure des marchés à prix révisables lorsque les parties sont exposées à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la durée d’exécution des prestations.

Elle rappelle à ce titre l’article R.2112-13 du code de la commande publique qui prohibe le recours au prix ferme lorsque les parties sont exposées à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la durée d’exécution des prestations et l’article R.2112-14 du code de la commande publique qui impose que les marchés d’une durée d’exécution de plus de trois mois qui nécessitent pour leur réalisation le recours à une part importante de fournitures, notamment de matières premières, dont le prix est directement affecté par les fluctuations des cours mondiaux, comportent une clause de révision de prix incluant au moins une référence aux indices officiels de fixation de ces cours.

La circulaire énonce ensuite clairement que « le non-respect de ces obligations est susceptible d’engager la responsabilité de l’acheteur. »

En outre, elle demande également aux acheteurs de ne pas pénaliser les entreprises, en invitant à ne pas insérer de terme fixe dans les formules de révision de prix et des clauses butoirs ou des clauses de sauvegarde dans leur cahiers des charges.

 

    • Traitement de difficultés analogues dans les contrats de droit privé.

Enfin, la Circulaire rappelle qu’au sein des contrats de droit privé, l’article 1195 du Code civil prévoit une obligation de principe, analogue à la théorie de l’imprévision, permettant de tirer les conséquences du bouleversement de l’équilibre économique du contrat par une renégociation du contrat entre les parties ou par une modification ou une résiliation par le juge.

Elle insiste toutefois sur le fait que cette disposition du code civil n’est pas d’ordre public, ce qui laisse la possibilité aux parties de l’aménager, soulignant à ce titre qu’une telle clause, si elles est limitative peut être neutralisée dans une logique de répartition des aléas économiques.

Share