Une voie publique fait-elle obstacle à la continuité avec une agglomération ou un village existant ?

par | Nov 10, 2022 | Jurisprudence, Loi littoral | 0 commentaires

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Résumé : dès lors qu’une voie publique constitue une frontière entre un espace urbanisé et un espace naturel ou faiblement construit, la jurisprudence considère généralement qu’elle rompt la continuité entre le terrain d’assiette d’un projet et une agglomération ou un village existant au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. La Cour administrative d’appel de Bordeaux confirme cette logique et annule le permis de construire un restaurant à l’enseigne Burger King sur la commune de Gujan-Mestras (CAA Bordeaux, 20 octobre 2022, 20BX04231, Commune de Gujan-Mestras).

Par un arrêté du 7 juin 2019, le maire de Gujan-Mestras avait délivré un permis de construire à la société Bertrand Construction Aménagement pour la construction d’un restaurant de l’enseigne Burger King sur une parcelle cadastrée DT n° 74 située route des Lacs. Sur requête de la Préfète de Gironde, le Tribunal administratif de Bordeaux avait annulé cette décision. La commune de Gujan-Mestras avait fait appel de cette décision.

La parcelle DT0074 (carte interactive géoportail)

L’unique moyen de légalité invoqué par la Préfète de Gironde au soutien de sa requête est tiré de la méconnaissance de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme aux termes duquel l’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et les villages existants. De manière constante, la jurisprudence rappelle que la qualification d’agglomération ou de village ne peut être accordée qu’à des espaces qui comportent un nombre et une densité significatifs de constructions (CE, 9 novembre 2015, req. n° 372531, Commune de Porto-Vecchio).

De manière tout aussi constante, la jurisprudence rappelle qu’il ne suffit pas d’être situé à proximité d’une agglomération ou un village pour être conforme aux dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, encore faut-il ne pas en être séparé par une voie qui viendrait rompre la continuité. Les décisions relatives à la mise en œuvre de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme sont suffisamment nombreuses pour dégager les critères permettant de dire si une voie publique constitue ou non une rupture dans la continuité de l’urbanisation. Le blog avait d’ailleurs consacré un article de synthèse à cette question d’un grand intérêt pratique.

La jurisprudence peut être résumée de la manière suivante : dès lors qu’une route sépare nettement un projet de l’urbanisation existante, la continuité est généralement rompue. Les juges estiment que le terrain d’assiette du projet se situe dans un compartiment de terrain différent et la méconnaissance de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme est alors établie (CAA Lyon, 5 juin 2018, n° 16LY02602, préfet Haute-Savoie). C’est pour avoir prévu une zone d’activité séparée de l’agglomération par une route que le SCOT Var Estérel Méditerannée avait été partiellement annulé.

Si, au contraire, l’urbanisation se développe de part et d’autre de la voie, celle-ci ne constitue pas une frontière et le projet sera regardé comme étant en continuité avec l’agglomération ou le village (CAA Bordeaux, 10 décembre 2020, n° 19BX00322, Commune de Saint-Just-Luzac).

Dans l’affaire soumise à la Cour administrative d’appel de Bordeaux, le terrain d’assiette du projet était non seulement situé à l’écart de l’agglomération mais également séparé de celle-ci par une autoroute. Pour la Cour :

« le terrain d’assiette du projet se situe à l’écart des zones agglomérées de la commune dont il est séparé par une section de l’autoroute A 660 et par des parcelles non construites situées de l’autre côté de cette voie de circulation. Le secteur environnant ce terrain se caractérise par la présence de nombreux espaces naturels comportant très peu d’immeubles bâtis, les lotissements les plus proches au sud-est se situant à plus de 900 mètres. Compte tenu de la configuration de ces lieux et de la nature des espaces environnants, la seule circonstance qu’il soit possible de rejoindre facilement, depuis le terrain d’assiette du projet, la zone d’activité se trouvant de l’autre côté de l’autoroute par l’échangeur de la Hume situé à proximité immédiate ne permet pas de faire regarder celui-ci comme étant en continuité avec l’agglomération existante au sens de l’article L. 121-8 précité du code de l’urbanisme ».

La Cour administrative de Bordeaux fait ici application de critères classiques pour juger qu’une route rompt la continuité avec une agglomération ou un village existant. La continuité s’apprécie de manière physique et la Cour rejette l’idée d’une continuité fonctionnelle rendue possible par l’échangeur qui fait le lien avec la zone d’activité située de l’autre côté de la voie. Compte tenu de la configuration des lieux, la décision n’est pas surprenante. Elle confirme d’ailleurs la position prise par la même juridiction deux ans plus tôt à propos d’un terrain situé à proximité (CAA Bordeaux, 16 octobre 2020, n° 18BX04139, Commune de Gujean-Mestras). Le Blog loi Littoral avait chroniqué cette décision.

Sources des illustrations : Geoportail et Google Earth

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