Résume : Le Conseil d’Etat a jugé que l’extension d’une construction existante ne constituait pas une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Jusqu’alors, ce principe avait surtout été appliqué à des constructions d’habitation à propos d’extension de dimensions modérées. La Cour d’appel administrative de Marseille l’applique cette fois à un projet d’extension important d’un bâtiment commercial. Elle juge que la construction de près de 600 mètres carrés de surface de plancher représentant une extension de 52 % de la surface existante est un simple agrandissement d’une construction et non pas une extension de l’urbanisation (CAA Marseille, 7 novembre 2022, n° 21MA01997).
Par un arrêté du 4 avril 2019, le maire de la commune de Porto-Vecchio avait refusé le permis de construire déposé par la société SPV Sud en vue d’étendre un magasin « SPAR ». Ce refus était notamment fondé sur les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Pour le maire, l’extension de 591 mètres carrés d’une construction existante de 1134 mètres carrés, soit une augmentation de 52 %, ne présentait pas un caractère limité si bien que le projet devait être qualifié d’extension de l’urbanisation. Cette extension de l’urbanisation était interdite puisque le terrain d’assiette du projet n’est pas en continuité avec une agglomération ou un village existant.
Le terrain d’assiette du projet sur la commune de Porto-Vecchio (image interactive Google Maps)
L’article L.121-8 du code de l’urbanisme dispose que l’extension de l’urbanisation doit se réaliser en continuité des agglomérations et des villages existants ou dans les secteurs déjà urbanisés. Pour l’application de ces dispositions, la jurisprudence distingue la notion d’extension de l’urbanisation et celle d’extension d’une construction. Alors que la première est soumise au principe de continuité, ce n’est pas le cas de la seconde.
Le Conseil d’Etat a, en effet rappelé que si, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu interdire en principe toute opération de construction isolée dans les communes du littoral, le simple agrandissement d’une construction existante ne peut être regardé comme une extension de l’urbanisation au sens de ces dispositions. Le Blog loi Littoral avait commenté cet arrêt. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat avait jugé que l’extension de 42 m2 d’une construction existante à usage d’habitation disposant initialement d’une surface hors oeuvre nette de 105 m2 constituait une simple extension d’une construction existante qui n’était pas soumise au principe de continuité avec les agglomérations et les villages existants de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CE, 3 avril 2020, req. n° 419139. La décision et les conclusions du rapporteur public sont disponibles sur Ariane Web. Le principe n’était pas nouveau. La cour administrative d’appel de Nantes avait par exemple jugé que l’extension d’une maison d’habitation existante de 44 m2 par l’adjonction d’une pièce de 8 m2 et la reconstruction d’un bâtiment annexe de 12 m2, était autorisée par l’article L.121-8 du code de l’urbanisme (CAA Nantes, 16 déc. 1998, Commune de Préfailles, req. n° 97NT02003). La solution était la même pour l’extension d’un bâtiment qui passe de 64 à 297 m2 (CAA Nantes, 28 mars 2006, Commune de Plouharnel, req. n° 05NT00824).
Quelques temps après la décision du Conseil d’Etat, la Cour administrative de Nantes avait jugé que le projet qui consistait en la création de 18,90 mètres carrés pour l’aménagement de combles de 5,85 mètres carrés pour l’aménagement d’un appentis et de 19,91 mètres carrés de surface de plancher supplémentaire pour l’extension d’une construction qui représentait déjà 33,81 mètres carrés n’était pas une extension de l’urbanisation (CAA Nantes, 26 mai 2021, n° 20NT00466, SCI Sainte Barbe). Pour sa part, la Cour administrative d’appel de Marseille avait jugé que la réalisation d’une extension d’une surface de plancher de 188,30 mètres carrés d’une construction existante d’une surface initiale avant travaux de 670 mètres carrés ne saurait être regardée comme une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CAA Marseille, 29 mars 2022, n° 19MA02687).
Dans la présente affaire, la Cour administrative d’appel de Marseille juge considère que le projet constitue une extension de la construction et non pas une extension de l’urbanisation :
« il ressort des pièces du dossier que le projet d’extension du magasin » SPAR » est contigüe au bâtiment existant et porte la surface de plancher totale de celui-ci de 1134 m2 à 1726 m2, soit une augmentation de 52 %. Eu égard à son implantation et à son ampleur limitée en proportion de la construction existante, ce projet constitue un simple agrandissement de cette dernière et ne peut, dès lors, être regardé comme une extension de l’urbanisation au sens des dispositions précitées du code de l’urbanisme » (CAA Marseille, 7 novembre 2022, n° 21MA01997).
L’arrêt est intéressant parce qu’il contribue à préciser la frontière entre l’extension d’une construction et l’extension d’une urbanisation. Il l’est également parce qu’il fait application du principe dégagé par le Conseil d’Etat à un projet relativement important. Il ouvre donc une piste intéressante pour l’extension de bâtiments d’activité qui ne seraient pas situé en continuité d’une agglomération ou d’un village existant.