Résumé : Par un arrêt du 9 décembre 2022, le Conseil d’État a jugé qu’une demande de pièces complémentaires ne portant pas sur des pièces exigées par le Code de l’Urbanisme n’interrompt pas le délai d’instruction et ne s’oppose pas à l’intervention d’une autorisation d’urbanisme tacite (Conseil d’État, 9 décembre 2022, 454521).
1. La demande de pièces complémentaires :
L’article R.423-38 du code de l’urbanisme prévoit qu’en cas de dossier de demande de permis de construire incomplet, l’autorité en charge de l’instruction peut adresser au demandeur une lettre recommandée avec demande d’avis de réception indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes à son dossier.
Cette demande doit être adressée dans le délai d’un mois à compter de la réception du dépôt du dossier de demande d’autorisation d’urbanisme.
Aucune pièce non prévue par le code de l’urbanisme ne peut être demandée par les services instructeurs.
Le caractère limitatif des pièces exigibles a de nouveau été rappelé par la loi ELAN du 23 novembre 2018 (article L.423-1 du code de l’urbanisme).
L’article R.423-19 du code de l’urbanisme précise que seul un dossier complet fait courir le délai d’instruction.
Enfin, aux termes de l’article R.423-22, le dossier est réputé complet si l’autorité compétente n’a pas, dans le délai d’un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R.423-38 à R.423-41 du code de l’urbanisme.
2. Notification tardive de la liste des pièces manquantes et délai d’instruction :
Les services instructeurs conservent la faculté de réclamer des pièces manquantes d’un dossier au-delà du délai d’un mois mentionné à l’article R. 423-38 du code de l’urbanisme.
Néanmoins, cette demande notifiée hors délai ne modifie pas les délais d’instruction définis aux articles R.423-23 et R. 423-37-1 du code de l’urbanisme.
La demande de pièces complémentaires notifiée au-delà du délai d’un mois à compter du dépôt de la demande de permis de construire n’a en effet pas pour effet de prolonger le délai d’instruction de la demande de permis de construire.
Dans ce cas, le dossier est réputé complet à compter de sa réception en mairie et le pétitionnaire pourra se considérer, le cas échéant, et en l’absence de décision expresse, comme titulaire d’un permis tacite à l’expiration du délai d’instruction qui lui a été notifié (voir pour exemple : Cour Administrative d’Appel de Marseille, 9e chambre, 6 juin 2017, requête n° 15MA03781).
3. Demande de pièces complémentaires illégale et autorisation d’urbanisme tacite :
Une demande de pièces complémentaires est considérée comme illégale si elle porte sur des pièces non exigées par le code de l’urbanisme.
Ainsi, quand une pièce complémentaire est demandée indûment et qu’elle n’est pas versée au dossier, le pétitionnaire peut demander l’annulation du refus implicite de lui délivrer l’autorisation d’urbanisme qu’il sollicitait.
Cependant, le Conseil d’État jugeait que cela ne le rendait pas pour autant titulaire d’une autorisation tacite (Conseil d’État, 9 décembre 2015, requête n°390273).
Enfin, lorsque la pièce indûment demandée est produite, cette demande n’entache pas d’illégalité le refus d’autorisation, à condition toutefois que ce refus ne soit pas fondé sur la consistance du projet telle que révélée par la pièce illégalement demandée (Conseil d’État, 13 novembre 2019, requête n° 419067)
Par un récent arrêt du 9 décembre 2022, le Conseil d’État est revenu sur sa jurisprudence antérieure en jugeant qu’une demande de pièces complémentaires illégale ne fait pas obstacle à l’intervention d’une autorisation d’urbanisme tacite :
« 5. Il résulte de ces dispositions qu’à l’expiration du délai d’instruction tel qu’il résulte de l’application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code de l’urbanisme relatives à l’instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir, naît une décision de non opposition à déclaration préalable ou un permis tacite. En application de ces dispositions, le délai d’instruction n’est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n’est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme. Dans ce cas, une décision de non opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l’expiration du délai d’instruction, sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle ». (Conseil d’État, 9 décembre 2022, requête n°454521).
Les services instructeurs devront être particulièrement vigilants sur le contenu des demandes de pièces complémentaires.