Chronique de jurisprudence loi Littoral du mois de janvier 2023

par | Mar 8, 2023 | Chroniques, Jurisprudence - Loi littoral, Loi littoral | 0 commentaires

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Résumé : la chronique de jurisprudence relative à la loi Littoral du mois de janvier 2023 comporte plusieurs décisions relatives à la mise en œuvre du principe de continuité avec les agglomérations et villages existants. Au sommaire également, des arrêts sur les espaces du rivage et, en particulier, une intéressante application du sursis à statuer de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme. Les règles relatives à la bande de cent mètres sont également illustrées par deux décisions sur la notion d’espace urbanisé et sur les installations admises en dehors de ces espaces.

Loi Littoral et PADDUC

Le PADDUC définit une agglomération selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu’il constitue, à l’importance et à la densité significative de l’espace considéré et à la fonction structurante qu’il joue à l’échelle de la micro-région ou de l’armature urbaine insulaire. Il définit le village selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l’espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l’organisation et le développement de la commune. La jurisprudence a précisé que la loi Littoral devait être appliquée à travers le prisme des dispositions du PADDUC dans la mesure où elles sont à la fois précises et compatibles avec la loi (CE, 16 juillet 2010, ministre de l’Écologie du Développement et de l’aménagement Durables, req. n° 313768).

Dans ce contexte, la Cour administrative d’appel de Marseille juge que le lieu-dit Pascialella sur la commune de Porto-Vecchio ne peut pas être qualifié de village. Bien qu’il comporte une cinquantaine de constructions, elle ne sont pas suffisamment denses (CAA Marseille, 9 janvier 2023, n° 21MA01177). La Cour ajoute que le projet ne peut pas bénéficier des dispositions relatives aux secteurs déjà urbanisés puisqu’il aurait pour effet d’étendre le périmètre bâti. Le recours dirigé contre le refus de permis de construire est donc rejeté.

La parcelle A 1209 au lieu-dit Pascialella, sur la commune de Porto-Vecchio (carte interactive Géoportail)

La Cour administrative d’appel de Marseille juge également que le lieu-dit Chirghinu sur la commune de Sari-Solenzara est constitué par de vastes espaces naturels, par des maisons individuelles et une résidence de tourisme édifiées de manière éparse. Il s’agit donc d’une urbanisation diffuse dans laquelle toute extension de l’urbanisation contrevient aux dispositions des articles L. 121-8 et L. 121-13. Pour cette raison, la parcelle B n° 1135 n’est pas située dans un espace urbanisé de la bande de cent mètres (CAA Marseille, 9 janvier 2023, n° 21MA03816).

La parcelle B n° 1135 au lieu-dit Chirghinu sur la commune de Sari-Solenzara (carte interactive géoportail)

Agglomérations, villages et secteurs déjà urbanisés

Notion d’extension de l’urbanisation – Le Conseil d’Etat a rappelé que la simple extension d’une construction existante ne constituait pas une extension de l’urbanisation. Conformément à ce principe, le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Marseille juge que l’extension de 58 mètres carrés d’une maison d’une surface initiale de 68 mètres carrés et la construction d’une piscine ne constituent pas une extension de l’urbanisation (CAA Marseille, 11 janvier 2023, n° 22MA02957). Le Blog a récemment commenté un arrêt de la Cour Administrative d’appel de Marseille sur l’extension d’un bâtiment commercial.

Restauration d’un bâtiment existant – La Cour administrative d’appel de Nantes juge que la restauration d’un bâtiment dont il reste l’essentiel des murs porteurs dans le cadre de l’article L. 111-23 du code de l’urbanisme n’est pas une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-8 du même code (CAA Nantes, 10 janvier 2023, req. n° 21NT00096, Association des amis du golfe du Morbihan).

Notion d’agglomération ou de village – La Cour administrative d’appel de Bordeaux annule le permis de construire une maison individuelle sur une parcelle (AH 232) entièrement boisée, et dépourvue de construction qui se situe à deux kilomètres du bourg de Messanges. La Cour relève que si des constructions sont implantées à l’est et au sud, elles ne présentent pas un nombre et une densité suffisants permettant de regarder ce secteur comme une agglomération ou un village existant. En outre, ni la desserte du terrain d’assiette du projet par un chemin de servitude existant depuis la route des Lacs, principal axe de circulation, ainsi que par les réseaux publics, ni la présence d’équipements collectifs privés à proximité ne suffisent à caractériser l’existence d’un village ou d’une agglomération au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CAA Bordeaux, 30 janvier 2023, n° 21BX01279, Commune de Messanges).

La parcelle AH n° 323 (à l’ouest des dernières constructions) sur la commune de Messanges (carte interactive Géoportail)

Toujours sur la commune de Messanges, la Cour administrative d’appel de Bordeaux annule le permis de construire deux maisons individuelles sur un terrain (AM 563) entièrement boisé voisin de quelques constructions dispersées qui présentent une faible densité (CAA Bordeaux, 31 janvier 2023, n° 21BX01214, Commune de Messanges).

La parcelle AM n° 563 (à l’ouest des dernières constructions) sur la commune de Messanges (carte interactive Géoportail)

Par une troisième décision visant la commune de Messanges, la Cour administrative d’appel de Bordeaux juge qu’un permis de construire sur un terrain boisé (AL 323, 333 et 326) situé à deux kilomètres du bourg dans un espace dans lequel les constructions ne présentent pas un nombre et une densité suffisants ne respecte pas l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CAA Bordeaux, 31 janvier 2023, n° 21BX02183).

Les parcelles AL 323, 333 et 326 situées 125 chemin de l’Usage sur la commune de Messanges (carte interactive Géoportail)

Espaces proches du rivage

Notion d’extension de l’urbanisation – Conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat, la Cour administrative d’appel de Marseille juge que l’extension de 60,80 mètres carrés d’une construction qui en compte initialement 183,70 n’est pas une extension de l’urbanisation (CAA Marseille, 5 janvier 2023, n° 20MA04727).

Accord du préfet après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et sursis à statuer de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme– L’extension de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage est soumise à des conditions particulières. L’article L. 121-13 du Code de l’urbanisme distingue trois cas de figure :

  • L’urbanisation est motivée et justifiée par le plan local d’urbanisme selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau ;
  • L’urbanisation est conforme aux dispositions d’un schéma de cohérence territoriale ou d’un schéma d’aménagement régional ou compatible avec celles d’un schéma de mise en valeur de la mer ;
  • L’urbanisation est autorisée par le préfet après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

L’extension de l’urbanisation est possible dès lors que l’une des conditions est remplie (CAA Marseille, 9 avril 2018, n° 16MA02373, cons. 12).

Par un arrêt avant dire droit du 12 mai 2021, la Cour administrative d’appel de Marseille avait jugé qu’un permis de construire valant division en vue de la réalisation de soixante-sept logements ne respectait pas l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme. Elle avait estimé que puisque le SCoT des cantons de Grimaud et Saint-Tropez ne comportait pas de dispositions suffisamment précises relatives aux conditions d’extension de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage et que le plan local d’urbanisme de la commune de Sainte-Maxime ne justifiait pas l’extension de l’urbanisation, l’accord du préfet devait être obtenu avant la délivrance du permis de construire (CAA Marseille, 12 mai 2021, n° 19MA05154). La Cour avait alors décidé de surseoir à statuer pendant un délai de 9 mois sur le fondement de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme. Ce délai devait permettre au pétitionnaire de régulariser l’illégalité par un permis de construire modificatif. Les principes posés par le Conseil d’État en matière de régularisation des vices de forme et de procédure par un permis de construire modificatif (CE, 2 février 2004, n° 238315, SCI Fontaine de Villiers) sont en effet transposables à l’article L. 121-13 du Code de l’urbanisme (CAA Douai, 1er février 2018, req. n° 16DA00364, Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer).

Si le pétitionnaire a bien déposé une demande de permis de construire modificatif, le préfet n’a pas donné son accord suite à l’avis défavorable de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. La Cour administrative d’appel de Marseille a donc finalement annulé le permis de construire délivré par le maire de Sainte-Maxime (CAA Marseille, 5 janvier 2023, n° 19MA05154).

Bande littorale de cent mètres

Notion d’espace urbanisé – La Cour administrative d’appel de Bordeaux juge qu’un terrain situé dans un secteur d’habitat diffus séparé de l’urbanisation par une route et une voie ferrée n’est pas situé dans un espace urbanisé au sens de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme (CAA Bordeaux, 30 janvier 2023, n° 21BX02473, Société Qualitym).

La parcelle Al n° 65 (actuelle 0298 et 0299) sur la commune d’Angoulins

Installations admises dans les espaces non urbanisés – La Cour administrative d’appel de Nantes annule l’emplacement réservé destiné à un parc de stationnement végétalisé, à un bassin tampon et à du mobilier en bois du PLU de Saint-Suliac. Pour la Cour, l’emplacement réservé n’est pas situé dans un espace urbanisé de la bande de cent mètres (CAA Nantes, 30 janvier 2023, req. n° 22NT00106, Commune de Saint-Suliac). Pour la même raison, la zone Na du PLU est annulée en tant qu’elle autorise les aires de stationnement intégrées à l’environnement et rendues nécessaires par la fréquentation des sites.

Vue aérienne de l’espace (géoportail) et extrait du PLU de Saint-Suliac (emplacement réservé n° 48)Déplacez la barre verticale pour comparer les deux images.

Retrouvez l’intégralité des chroniques de jurisprudence

Image d’illustration, le Conseil d’Etat par Marie-Lan Nguyen

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