Résumé : la chronique de jurisprudence du mois d’avril 2023 montre toute l’importance du SCOT dans l’application de la loi Littoral et notamment du principe de continuité avec les agglomérations et les villages existants. Les décisions rapportées montrent également que son rôle n’est pas tout à fait le même selon qu’un PLU ou une décision liée à l’usage du sol soit en cause. Dans le premier cas, le SCOT joue un rôle de prisme à travers lequel la loi est appliquée. Dans le second, il s’agit d’une application conjointe des dispositions de la loi et de celles du SCOT qui la met en œuvre. Le Conseil d’Etat en tire les conséquence dans un arrêt qui précise l’office du juge en présence d’un SCOT illégal. Merci à Louanne COTTEN qui a fait son stage de première année de Licence en Droit (Université de Rennes) au sein de l’équipe LGP pour ses recherches sur Légifrance et Géoportail !
Loi Littoral et PADDUC
Notion d’agglomération et de village – Dans le PADDUC, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu’il constitue, à l’importance et à la densité significative de l’espace considéré et à la fonction structurante qu’il joue à l’échelle de la micro-région ou de l’armature urbaine insulaire. Un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l’espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l’organisation et le développement de la commune. La jurisprudence a précisé que la loi Littoral devait être appliquée à travers le prisme des dispositions du PADDUC dans la mesure où elles sont à la fois précises et compatibles avec la loi (CE, 16 juillet 2010, ministre de l’Écologie du Développement et de l’aménagement Durables, req. n° 313768).
Dans ce contexte, la Cour administrative d’appel de Marseille juge qu’un groupe de bâtiments formé par un entrepôt et une vingtaine de constructions n’est ni une agglomération ni un village au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CAA Marseille, 12 avril 2023, N°22MA01115). Le refus de permis de construire opposé par le maire d’Oto est donc justifié.
La parcelle B n° 1194 (numéro hors image au sud de l’espace bâti) au lieu-dit Custarella sur la commune d’Ota ( carte interactive Géoportail )
Notion d’agglomération et de village – Le lieu-dit Santu Michelu, situé à plus de 800 mètres du village d’Olmeto, dans un secteur caractérisé par la présence de vastes espaces naturels, majoritairement boisés, et de quelques constructions implantées de façon éparse sur de larges terrains ne saurait être regardé comme constituant une agglomération ni un village ni, en tout état de cause, un secteur déjà urbanisé de la commune d’Olmeto. Le refus de permis de construire opposé par le maire d’Olméto suite à l’avis défavorable de la préfète de Corse du Sud est donc fondé (CAA Marseille, 12 avril 2023, N°21MA04587).
Les parcelles n° B nos 36 et 37 au lieu-dit Santu Michelu sur la commune d’Olmeto ( carte interactive Géoportail )
Notion d’agglomération et de village – La Cour administrative d’appel de Marseille juge que lieu-dit Pinarello sur la commune de Zonza n’est ni une agglomération ni un village au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme précisé par le PADDUC. La Cour relève que ce secteur est éloigné tant du village de Zonza que de celui de Sainte-Lucie de Porto-Vecchio. S’il comporte des constructions, ce sont des résidences secondaires occupées pendant la saison estivale (CAA Marseille, 12 avril 2023, N°21MA02859). C’est donc à tort que le maire de Zonza a délivré un certificat d’urbanisme pour la réalisation de 7 villas avec piscines.
Les parcelles I n° 1395, 1398, 1399 (cette dernière sert d’accès) lieu-dit Pinarello sur la commune de Zonza ( carte interactive Géoportail )
Loi Littoral et SCOT
Application de la loi Littoral aux décisions liées à l’usage du sol et prise en compte du SCOT – L’arrêt commune de Landéda (CE, 9 juillet 2021, n° 445118, Commune de Landéda) a rappelé que la loi Littoral devait être appliquée en tenant compte des précisions apportées par le SCOT. Cette jurisprudence ne remet toutefois pas en cause l’application directe de la loi Littoral aux décisions liées à l’usage du sol qui est rappelée de manière constante par la jurisprudence (CE, 29 juillet 1994, n° 85532, Commune de Frontignan – CE, 31 mars 2017, n° 392186, SARL Savoie Investissement – CE, 31 mars 2017, n° 396938) . Le SCOT ne fait donc pas écran à l’application de la loi. Les précisions qu’il apporte sont appliquées en même temps que les dispositions législatives. Cette nuance n’est pas sans conséquence en particulier lorsque le SCOT est illégal. Le Conseil d’Etat rappelle donc que le juge est fondé, de sa propre initiative, à écarter les dispositions d’un SCOT qu’il estime illégal. En pratique, il n’est donc pas nécessaire que les requérants excipent de l’illégalité du SCOT ni que le juge soulève ce moyen comme étant d’ordre public (CE, 21 avril 2023, n° 456788).
Application de la loi Littoral aux PLU et prise en compte du SCOT – La jurisprudence a également précisé que les dispositions d’un SCOT qui mettent en œuvre la loi Littoral doivent être prises en compte pour apprécier la compatibilité d’un PLU avec la loi. Dans ce cas, la loi ne s’applique pas directement au PLU; elle s’applique à travers le SCOT qui fait office de prisme. La situation n’est donc pas identique à celle rappelée plus haut en matière de décision liée à l’usage du sol. Il en résulte qu’il appartient au requérant d’exciper de l’illégalité du SCOT s’il entend le faire mettre à l’écart par le juge (CAA Lyon, 18 avril 2023, n° 21LY04209, société Green Cost et CAA Lyon, 18 avril 2023, n° 21LY04141)
Agglomérations, villages et secteurs déjà urbanisés
Continuité avec une agglomération ou un village – prise en compte du SCOT – L’appréciation de la continuité avec une agglomération ou un village existant doit prendre en compte les dispositions du SCOT pourvu qu’elles soient à la fois précises et compatibles avec la loi Littoral (CE, 9 juillet 2021, n° 445118, Commune de Landéda). Dans ce contexte, la Cour administrative d’appel de Bordeaux juge qu’un terrain (parcelle B n° 1372 en rouge) séparé du hameau de Daugagnan qui est qualifié de village par le SCOT de la Pointe du Médoc par une urbanisation diffuse n’est pas en continuité avec celui-ci (CAA Bordeaux, 26 avril 2023, N° 21BX01454). La solution est la même pour la parcelle B n° 1507 (en jaune) (CAA Bordeaux, 26 avril 2023, N°21BX01455). La parcelle C n° 1744 (en bleu) n’est pas non plus en continuité du village car elle en est séparée au nord par une route et à l’est par une parcelle boisée (CAA Bordeaux, 26 avril 2023, N°21BX01683). Dans ces trois affaires, la préfète de Gironde avait demandé l’annulation des certificats d’urbanisme délivrés par le maire de Grayan et l’Hôpital.
La parcelle n° B 1372 située chemin de l’Espinglade (repère rouge), la parcelle B n° 1507 située route du port de Saint-Vivien (repère jaune) et la parcelle C n° 1744 située chemin de la Carougneyre. Au sud de la route de Saint-Vivien, la partie dense du hameau de Daugagnan qualifiée de village par le SCOT (Géoportail)
Continuité avec une agglomération ou un village – prise en compte du SCOT – La Cour administrative d’appel de Bordeaux juge également (toujours sur demande de la préfète de Gironde) que les parcelles C n° 268 et 269 (en bleu sur l’image qui suit) ne sont pas en continuité du bourg de Grayan et l’Hopital dont elles sont séparées par des espaces naturels ou boisés (CAA Bordeaux, 26 avril 2023, N°21BX01457). La solution est la même pour la parcelle D n° 39 (en rouge) située chemin de la Lande plus au sud (CAA Bordeaux, 26 avril 2023, N°21BX01453). Dans ces deux affaires, les permis de construire sont donc annulés. Le juge annule également pour les mêmes raisons la décision de non opposition à une déclaration préalable pour une division en deux lots sur les parcelles D n° 1231 et 1250 (en vert) situées chemin de la Franque (CAA Bordeaux, 26 avril 2023, n° 21BX01456).
Les deux parcelles n° C 268 et 269 située chemin de Coutéréou (en bleu), la parcelle n° D 39 (en rouge) située chemin de la Lande et les parcelles D n° 1231 et 1250 situées chemin de la Franque (en vert) (Géoportail )
Continuité avec une agglomération ou un village – prise en compte du SCOT – Pour l’application de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, le SCOT de l’agglomération de Royan prévoit que le lieu-dit les Mathes constitue un village et ajoute que la limite de continuité est fixée à 200 mètres de distance entre deux occupations ou utilisation du sol. La Cour administrative d’appel de Bordeaux juge que la parcelle AC n° 146 qui est située à moins de 200 mètres des bâtiments édifiés sur les parcelles voisines doit être regardée comme étant dans la limite de continuité du village des Mathes (CAA Bordeaux, 4 avril 2023, N°21BX01854). Contrairement à ce qu’avait jugé le tribunal administratif de Poitiers, le certificat d’urbanisme délivré par le maire de la communes des Mathes n’est donc pas illégal sur ce point.
La Cour administrative d’appel de Bordeaux valide, pour les mêmes motifs, le certificat d’urbanisme délivré sur la parcelle voisine AC n° 0041 (CAA Bordeaux, 4 avril 2023, N°21BX01883).
La parcelle AC n° 149 et la parcelle AC n° 0041 sur la commune de Les Mathes ( carte interactive Géoportail )
Notion d’agglomération ou de village – prise en compte du SCOT pour apprécier la compatibilité du PLU – Dès lors qu’un SCOT comporte des dispositions relatives à la mise en œuvre de la loi Littoral, elles doivent être prises en compte pour apprécier la compatibilité d’un PLU avec les dispositions législatives. Les dispositions en question n’ont pas à être précises mais elles doivent être compatibles avec la loi (CE, 29 septembre 2020, n° 423087, Commune du Lavandou). Dans ce contexte, le SCOT du pays de Brest définit les critères et localise les agglomérations et les villages existants. Pour cette seconde catégorie, il distingue les villages extensibles de ceux qui ne peuvent qu’être densifiés. La Cour administrative d’appel de Nantes juge que le lieu-dit Lanvoy sur la commune de Hanvec qui comporte plus de 80 constructions groupées implantées le long de plusieurs voies publiques constitue un village densifiable au sens du SCOT. Le PLUI de Landerneau-Daoulas est donc compatible avec les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme telles qu’elles sont mises en œuvre par le SCOT du SCOT du pays de Brest (le moyen était soulevé par la voie de l’exception à l’encontre d’un permis d’aménager) (CAA Nantes, 18 avril 2023, N° 22NT00870).
Le lieu-dit Lanvoy classé en zone UHc (source Géoportail et CCPLD)
Notion d’agglomération ou de village – espace diffus – Le lieu-dit Grannec sur la commune de Trégastel ne comportait (à la date de délivrance d’un certificat d’urbanisme positif le 20 décembre 2006) qu’une trentaine de constructions séparées du centre ville. La délivrance de ce certificat d’urbanisme est donc illégale au regard des dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. La commune de Tregastel a donc commis une faute de nature à engager sa responsabilité (CAA Nantes, 4 avril 2023, n° 21NT00824).
La parcelle A n° 934 sur la commune de Trégastel (photographie 2006-2010 interactive géoportail )
Classement des espaces diffus – Dès lors qu’un espace ne peut pas être qualifié d’agglomération, de village ou de secteur urbanisé, seule l’extension des constructions existantes peut être autorisée. La Cour administrative d’appel de Nantes juge que le classement d’espace diffus en zone Ah et Nh complété par des zones inconstructibles en périphérie de ces espaces pour ne permettre que des extensions minimes des constructions existantes est compatible avec ce principe (CAA Nantes, 18 avril 2023, n° 22NT00749). Le blog avait consacré un article à la question des espaces diffus.
Extrait du PLU de la Trinité-sur-mer (en gris, les zones inconstructibles en périphérie des zones Ah) et vue aérienne extraite de Géoportail
Agglomération et village – pas d’obligation de classement en zone constructible – A supposer qu’un espace puisse être qualifié d’agglomération ou de village, la Cour administrative d’appel de Nantes rappelle que les auteurs du PLU n’ont pas l’obligation de le classer en zone constructible. C’est donc à bon droit que le PLU de la Trinité-sur-mer classe en zone Nh le secteur de Kervinio qui n’est d’ailleurs pas identifié comme village par le SCOT du pays d’Auray (CAA Nantes, 22NT00749).
Extrait du PLU de la Trinité-sur-mer (en gris, les zones inconstructibles en périphérie des zones Nh) et vue aérienne extraite de Géoportail
Espaces proches du rivage
Notion d’extension de l’urbanisation – La Cour administrative d’appel de Nantes juge qu’un projet de lotissement de 7 lots qui densifie une zone urbanisée comportant plus de 80 constructions groupées est une simple opération de construction et non pas une extension de l’urbanisation (CAA Nantes, 18 avril 2023, N° 22NT00870). Le recours contre le permis d’aménager délivré par le maire de Hanvec est rejeté (Pour un rappel des principes applicables en espaces proches du rivage).
Le plan de composition du lotissement au lieu-dit « Kersadiou » sur la commune de Hanvec (Source Géoportail)
Bande littorale de cent mètres
La Cour administrative d’appel de Nantes rappelle que les dispositions relatives à la bande littorale de cent mètres interdisent toute construction ou installation en dehors des espaces urbanisés. Cette règle s’applique tant aux constructions nouvelles qu’aux extensions de constructions existantes. Pour l’application de ces dispositions, la Cour juge qu’un espace qui comporte deux constructions et qui est séparé d’une zone bâtie à l’est par un boulevard ne peut pas être qualifié d’urbanisé (CAA Nantes, 14 avril 2023, n° 22NT01312). Le permis de construire délivré par le maire de Mesquer est donc annulé.
Le 300 Boulevard de l’Océan sur la commune de Mesquer (parcelle AD n° 0005) (carte interactive Géoportail)