La transparence de la vie publique, le principe de légalité ou encore celui de non-rétroactivité des actes administratifs, s’opposent à ce que les actes des autorités communales puissent être modifiés à tort et à travers sous peine de réécrire, illégalement, l’histoire. Mais il n’est pas non plus satisfaisant que des erreurs qui se sont glissées dans ces écrits perdurent et fassent naître un doute sur leur signification et leur portée. Entre rectification d’une simple coquille et modification substantielle, voici les grandes règles qui président à la modification des délibérations et des procès-verbaux de séance du conseil municipal. 

 

Les délibérations : identifier la nature de l’erreur pour adapter sa réponse

S’agissant des délibérations, il faut distinguer entre les lacunes sur la forme, les erreurs de plume et les véritables erreurs sur le fond.

Des erreurs de pure forme ou de transcription peuvent être sans incidence sur la légalité de la décision. Il en va ainsi de la circonstance que la délibération ait été soumise à la signature des membres du conseil avec retard (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 3 février 2009, n°07BX02535), ou que le nombre de votants en faveur de la délibération ne soit pas indiqué (Conseil d’État, 22 mars 1993, n°112595). Il en va de même si le registre des délibérations précise que le conseil a été convoqué et présidé par un maire qui n’était plus le maire en exercice à cette date (Cour administrative d’appel de Nantes, 11 décembre 2020, n°19NT01856). Aucune mesure de correction n’est donc requise.  

Le contentieux des erreurs sur la présence ou l’absence de conseillers municipaux nous enseigne que les conséquences de l’erreur doivent être examinées finement. Ainsi, si des incohérences dans la liste des présents peuvent en rester au stade de l’erreur de plume (Conseil d’État, 2 février 1983, n°33648 ; Cour administratif d’appel de Douai, 27 mars 2012, n°11DA00278), c’est à condition que le conseiller noté présent à tort n’ait pas été pris en compte dans le quorum ni lors des votes intervenus (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 16 mars 2010, n°09BX00950).

D’autres erreurs matérielles – dont il est évident qu’elles ne traduisent pas la véritable intention de l’organe délibérant – suivent le même régime, pourvu qu’elles n’emportent pas de conséquences sur le fond de la décision. Par exemple, une erreur sur l’appartenance au domaine public d’une dépendance communale est ainsi regardée comme une erreur matérielle, si la décision est en tout état de cause fondée sur un autre motif que l’inaliénabilité du domaine public (Cour administrative d’appel de Nantes, 15 décembre 2022, n°22NT02797). On peut imaginer que cette solution s’étendrait par exemple à une erreur dans la numérotation d’une parcelle, alors qu’il n’existerait aucune confusion possible sur le terrain visé.

Le cas échéant, ces erreurs peuvent être corrigées par le biais d’une délibération rectificative, sans que la délibération initiale ne disparaisse de l’ordonnancement juridique (Conseil d’État, 28 novembre 1990, n°75559 : sur une rectification de la désignation de l’entreprise attributaire d’un marché). Les délais de recours contre la délibération initiale ne recommencent ainsi pas à courir ; seul l’élément rectifié est susceptible d’être contesté à l’occasion d’un recours contre la délibération rectificative.

En revanche, quelque urgente et évidente que soit la rectification à effectuer, il n’appartient en aucun cas à l’exécutif d’y procéder par voie d’arrêté (même décision). Un tel arrêté serait en effet entaché d’un grave vice d’incompétence, dès lors que seule une délibération du conseil municipal peut revenir sur un acte de même nature.

Enfin, toute erreur un tant soit peu substantielle impose le retrait de la délibération viciée et l’adoption d’une nouvelle délibération.

Les procès-verbaux de séance : rectifier sans altérer la sincérité du contenu

Le procès-verbal de séance du conseil municipal a pour objet la retranscription de la teneur des discussions au cours de la séance (article L.2121-15 du code général des collectivités territoriales).

Si la rectification d’une erreur matérielle n’est pas exclue par principe, il convient d’emblée de préciser qu’aucune modification n’est envisageable si elle a pour effet de biaiser la sincérité de cette retranscription. Un tel procédé pourrait en outre être qualifié de faux en écriture publique.

Pour le reste, le code général des collectivités territoriales fournit peu de précisions sur le régime de cet acte. On peut a minima déduire de dispositions selon lesquelles : « Le procès-verbal de chaque séance, rédigé par le ou les secrétaires, est arrêté au commencement de la séance suivante, et signé par le maire et le ou les secrétaires (…). L’exemplaire original du procès-verbal, qu’il soit établi sur papier ou sur support numérique, est conservé dans des conditions propres à en assurer la pérennité » que toute rectification du procès-verbal doit intervenir avant son approbation et sa signature.

Si les membres du conseil remarquent une erreur purement matérielle dans la transcription de la séance précédente, rien ne s’oppose a priori à ce qu’elle soit rectifiée avant son approbation.

En revanche, si un membre du conseil, le maire, ou un administré est en désaccord sur le fond des propos retranscrits, il ne peut qu’en être fait état dans procès-verbal de la séance suivante, sans modification possible du procès-verbal précédent.

Il a ainsi été jugé qu’il n’appartenait pas au maire de faire rayer d’un procès-verbal de séance des propos injurieux ou diffamatoires, quand bien même ils étaient de nature à engager la responsabilité de la commune (Conseil d’État, 10 février 1995, n°147378).

Il est à noter qu’un administré qui s’estime lésé par des propos contenus dans un procès-verbal de séance peut obtenir l’annulation de la délibération approuvant ce procès-verbal, sur le fondement de l’article L.2131-9 du code général des collectivités territoriales. Ces dispositions sont rarement invoquées, et les cas où il aurait été fait droit à une telle demande restent exceptionnels dans la jurisprudence.

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