Résumé : le Blog revient sur la jurisprudence relative à la loi Littoral du mois de septembre 2024. Au programme, quelques décisions sur les agglomérations, villages et autres secteurs déjà urbanisés et un arrêt sur les espaces boisés significatifs.
Agglomérations, villages et autres secteurs déjà urbanisés
Notion d’agglomération et de village existant – Par un arrêté du 18 septembre 2019, le maire de la commune de Lège-Cap-Ferret a délivré un permis de construire pour la démolition d’une habitation existante et la construction d’une maison individuelle avec garage et piscine sur un terrain situé 86 route du Cap Ferret, Grand Piquey, à Lège-Cap-Ferret.
Le 86 route du Cap ferret, sur la commune de Lège-Cap-Ferret (carte interactive Géoportail)
Des requérants ont demandé l’annulation de ce permis de construire au motif, entre autres, qu’il ne respecterait pas le principe de continuité avec les agglomérations et les villages existants. Par un jugement du 10 février 2022, le Tribunal administratif de Bordeaux avait rejeté leur demande. La Cour administrative d’appel de Bordeaux avait alors été saisie.
L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme dispose que l’extension de l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et les villages existants. Le Conseil d’État a rappelé « qu’il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages » (CE, 9 novembre 2015, n° 372531, Commune de Porto-Vecchio).
Pour la Cour, le projet est situé dans une bande urbanisée comprise entre le littoral du Bassin et la route du Cap Ferret, s’inscrivant dans le prolongement du quartier du Petit-Piquey. Elle ajoute que le secteur considéré comprend plus d’une centaine d’habitations individuelles, implantées de part et d’autre de la route du Cap Ferret. Dans ces conditions, la construction projetée s’implante en continuité d’une agglomération ou d’un village au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CAA Bordeaux, 24 septembre 2024, n° 22BX01051).
Notion d’agglomération et de village existant – espace qualifié de diffus – Par une délibération du 27 janvier 2020, le conseil communautaire de Dinan Agglomération a approuvé son PLUI. Ce dernier classe en zone Nl les parcelles n° AB 288 et 289 situées sur le territoire de la commune de Saint-Jacut-de-la-mer.
Les parcelles AB n° 288 et 289 au nord du boulevard du Chevet (carte interactive Géoportail)

Les requérants contestaient ce classement qu’ils jugeaient incompatible avec l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Pour la Cour administrative d’appel de Nantes, les parcelles des requérants ne sont pas situées au sein d’une zone déjà urbanisée de l’agglomération de Saint-Jacut-de-la-Mer. Elles ne sont pas caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions mais situées au sein d’une zone d’habitat diffus incluse au sein des espaces proches du rivage de la commune. Dans ces conditions, le PLUiH contesté, en tant qu’il classe en zone Nl la partie sud des parcelles des requérants, n’est pas incompatible avec les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CAA Nantes, 17 septembre 2024, n° 23NT00841).
Notion de secteur déjà urbanisé – Le Conseil d’Etat a rappelé que les secteurs déjà urbanisés ne doivent pas être définis selon les mêmes critères que les agglomérations et les villages existants notamment pour ce qui concerne leur densité (CE, 22 avril 2022, Office public de l’habitat des Pyrénées-Atlantiques, n° 450229). Cet arrêt est commenté par le Blog Loi Littoral.
Dans ce contexte, la Cour administrative d’appel de Nantes juge que le lieu-dit Pen ar Prat-Courté ne peut pas être qualifié de village compte tenu de l’implantation des constructions de manière linéaires sur de vastes parcelles. La Cour juge toutefois, sans livrer d’explication, qu’il s’agit d’un secteur déjà urbanisé (CAA Nantes, 17 septembre 2024, n° 22NT02818).
Les parcelles AV ,n° 79 et 80 objets du contentieux (carte interactive Géoportail)
Espaces boisés significatifs
Espaces boisés significatifs – articulation avec les espaces boisés classés de droit commun – Aux termes de l’article L. 121-27 du Code de l’urbanisme, le plan local d’urbanisme doit classer en espaces boisés au titre de l’article L. 113-1 du même code les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Le Conseil d’Etat a rappelé que dès lors qu’un espace boisé est significatif, la commune est en situation de compétence liée pour procéder à son classement au titre de l’article L. 113-1 du Code de l’urbanisme (CE, 14 novembre 1990, Collin).
L’obligation de classer les espaces boisés les plus significatifs n’est pas exclusive de la possibilité de classer d’autres espaces boisés au titre de l’article L. 113-1 dans les conditions de droit commun. Dès lors qu’un espace boisé est classé en dehors du cadre de l’article L. 121-27, le moyen tiré de ce que l’espace ne présenterait pas un caractère significatif est inopérant (CAA Marseille, 13 mai 2016, n° 15MA00641). Autrement dit, sur une commune littorale, les espaces boisés de droit commun coexistent avec ceux qui sont spécifiquement protégés au titre de l’article L. 121-27 du code de l’urbanisme. Cette différence n’est pas sans conséquence au contentieux puisque le classement au titre de l’article L. 113-1 du code de l’urbanisme fait l’objet d’un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation alors que celui fait au titre de la loi Littoral entraîne un contrôle normal.
Les parcelles B n° 74 et 75 classées au titre de l’article L. 113-1 du code de l’urbanisme (sources géoportail et Dinan Agglomération)
La Cour administrative d’appel de Nantes confirme cette distinction et juge que dès lors que les auteurs du PLUiH de Dinan Agglomération n’ont pas entendus classer les parcelles en cause en tant qu’espace boisé classé au titre des dispositions de la loi Littoral (article L. 121-7 du code de l’urbanisme), le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut donc qu’être écarté (CAA Nantes, 17 septembre 2024, n° 23NT00873).
On peut relever que si la commune de Saint-Samson-sur-Rance est située au fond de l’estuaire de la Rance, elle est toutefois une commune littorale riveraine de la mer au sens de l’article L. 321-2 du code de l’environnement. En effet, dans cet estuaire, la limite entre la mer et le fleuve est fixée au niveau de l’écluse du Châtelier sur le territoire de Saint-Samson-sur-Rance.

Une partie du territoire de la commune de Saint-Samson-sur-Rance étant situé en aval de cette limite, elle est donc qualifiée de commune littorale riveraine de la mer.
