L’article L.121-13 du code de l’urbanisme dispose que dans les espaces proches du rivage, l’extension de l’urbanisation doit être limitée. Elle doit, en outre, être justifiée par le PLU selon des critères tirés de la configuration des lieux ou de l’accueil d’activités économiques qui exigent la proximité immédiate de l’eau. A défaut de PLU comportant une telle justification, l’urbanisation est également possible si elle est conforme à un SCOT. En dernier recours, faute de PLU justifiant l’opération ou de SCOT comportant des dispositions précises, l’urbanisation peut également être autorisée par le préfet après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites.
Dès 2005, la jurisprudence a précisé ce qu’il fallait entendre par extension de l’urbanisation. Le Conseil d’Etat, dans l’arrêt « Soleil d’Or » (CE, 7 févr. 2005, Société Soleil d’or et commune de Menton, req. n° 264315) a indiqué qu’un projet étendait l’urbanisation dans les espaces proches du rivage dès lors qu’il avait pour effet soit d’élargir un périmètre bâti, soit d’en modifier de manière significative les caractéristiques. Si aucune de ces conditions n’est remplie, le projet ne constitue pas une extension de l’urbanisation. Il est qualifié de simple opération de construction pour laquelle la question du caractère limité ou celle de la justification par un document d’urbanisme ne se pose pas. Le blog avait rappelé cette construction jurisprudentielle dans un précédent article.
La jurisprudence a également précisé l’échelle à laquelle l’extension de l’urbanisation devait être appréciée. Le Conseil d’Etat a rappelé qu’il ne fallait pas limiter cette appréciation en fonction des seuls terrains voisins du projet mais à l’échelle du quartier (CE, 12 mars 2007, Commune de Lancieux, req. n° 280326). C’est précisément sur ce point que l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes est intéressant.
Le maire d’Erquy avait délivré un permis de construire à la société Kaufman et Broad Bretagne et à la SAS Immobilière Domusvi pour la construction d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et une résidence pour séniors sur un terrain situé rue des Plages Sauvages. Des requérants avaient contesté ce permis de construire devant le Tribunal administratif de Rennes qui avait rejeté la requête. Ils soutenaient, notamment, que le projet de construction entraînait une extension de l’urbanisation qui n’était pas limitée.
La parcelle A 1658, au lieu-dit les Près Biard (carte interactive)
Pour apprécier la pertinence du moyen, la Cour administrative d’appel de Nantes va vérifier si le projet entraîne une extension de l’urbanisation. Elle relève tout d’abord que le projet se situe dans une zone dans laquelle l’habitat est très majoritairement pavillonnaire. De ce point de vue, le projet qui consiste à réaliser un bâtiment de 58 chambres, en R+2 et un bâtiment de 15 logements, en R+1 modifie de manière significative l’environnement bâti. La Cour ne se borne toutefois pas à ce constat. Elle relève que le projet est inclus dans un quartier où sont également situés, au nord, à l’ouest et au sud, trois immeubles de logements collectifs aux dimensions comparables.
En raisonnant à une échelle plus large, la Cour administrative d’appel de Nantes peut donc conclure qu’eu égard aux caractéristiques du quartier urbain dans lequel il s’implante, le projet n’entraîne pas une densification significative de la zone. Dès lors, elle juge que la seule réalisation du projet dans ce quartier urbain est une simple opération de construction qui ne constitue pas une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme.
En élargissant le secteur de référence, la probabilité de trouver des bâtiments comparables à ceux projetés augmente nécessairement. L’échelle à laquelle la notion d’extension de l’urbanisation est appréciée est donc facteur de souplesse dans la mise en oeuvre de l’article L.121-13 du code de l’urbanisme.
(Source image et cartes : Google maps et Géoportail)