15/01/2025

Chronique de jurisprudence loi Littoral de janvier 2025

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Rédigé par

Loïc Prieur

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Résumé : La chronique de jurisprudence loi Littoral du mois de janvier 2025 comporte d’intéressantes décisions sur la notion d’espaces remarquables. A noter également, une décision de la cour administrative d’appel de Nantes sur les aménagements autorisés sur les plages. Merci à Salomé, élève de troisième au collège Saint-Michel à Plouzané pour sa contribution à la préparation de cette chronique.

Agglomérations, villages et autres secteurs déjà urbanisés

Agglomérations et villages – appréciation de la continuité – présence d’un espace boisé classé – Par un arrêté du 22 janvier 2021, le maire de Lacanau avait délivré un permis de construire en vue de l’édification d’une résidence pour personnes âgées, d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), d’un pôle de santé et d’une crèche, sur un terrain situé avenue du docteur Pierre Arnou Laujeac.

Des associations avaient demandé l’annulation de ce permis de construire au tribunal administratif de Bordeaux qui avait fait droit à la requête par un jugement du 22 janvier 2021. La société pétitionnaire et la commune de Lacanau avaient alors fait appel.

La cour administrative d’appel de Bordeaux confirme l’appréciation portée par le tribunal. Elle juge que le terrain d’assiette du projet n’est pas en continuité du village dès lors qu’il en est séparé par un espace boisé classé d’une vingtaine de mètres de large (CAA Bordeaux, 14 janvier 2025, n° 23BX00767). Le permis de construire est donc annulé.

La bande classée en EBC au PLU de Lacanau (Géoportail de l’urbanisme)

Bande littorale de cent mètres

Par un arrêté du 12 mars 2020, le maire de Saint-Gilles-Croix-de-Vie a délivré à la société Sea View, titulaire d’une sous-concession sur la plage du Boisvinet, un permis de construire en vue de réaliser, sur cette plage, un bloc bar-restauration avec sanitaires, démontable, d’une surface totale de 23,38 m² ainsi qu’une terrasse en bois de 190 m².

Une association avait demandé l’annulation de cette décision au Tribunal administratif de Nantes. Sa demande ayant été rejeté, l’association avait fait appel.

La plage du Boivinet et les restaurants de plage (en rose, la limite terre-mer, carte interactive Géoportail)

L’un des moyens soulevés était tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme qui interdit toute construction ou installation en dehors des espaces urbanisés sur une bande littorale de cent mètres.

Il faut préciser que la plage du Boisvinet n’est pas entièrement incorporée au rivage de la mer puisque sa partie haute, où se situent les établissements contestés, n’est pas atteinte par les plus hautes mer comme le montre la limite terre-mer établie par le SHOM et disponible sur Géoportail. L’utilisation de cette limite est privilégiée par les juridictions car elle est plus précise que le tracé « histolitt » également accessible sur Géoportail. Une partie importante de la plage est donc située dans la bande littorale de cent mètres.

Pour la Cour, la plage du Boisvinet est comprise dans un secteur caractérisé, au nord, à l’est et à l’ouest, par des constructions édifiées de manière continue le long du boulevard de la mer qui la borde et donc dans un espace urbanisé de la commune de Saint-Gilles-Croix-de-Vie au sens de ces dispositions. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme est donc rejeté (CAA Nantes, 31 janvier 2025, n° 23NT00636).

Espaces remarquables et caractéristiques

Notion d’espaces remarquables et caractéristiques- présomption pour les parties naturelles des sites inscrits et classés – La jurisprudence rappelle de manière constante que l’existence d’une protection doit être prise en compte pour apprécier le caractère remarquable d’un espace.

Pour les parties naturelles des sites inscrits ou classés, la jurisprudence établit d’ailleurs une présomption de ce caractère remarquable (CE, 29 juin 1998, n° 160256, Chouzenoux). Cette présomption peut toutefois être contestée par les requérants. Le Conseil d’Etat juge qu’en pareille hypothèse, le juge doit rechercher si la qualification de site remarquable ou caractéristique est justifiée (CE, 19 juin 2013, n° 342061).

Pour les autres espaces visés par l’article L. 121-23 et par l’article R. 121-4 du code de l’urbanisme, la jurisprudence n’établit pas de présomption. Le Conseil d’Etat a récemment rappelé que si les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l’environnement sont présumées constituer des sites ou paysages remarquables, il en va différemment pour les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et de plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares. Dans une telle hypothèse, il appartient au juge de rechercher si la zone considérée présente le caractère de site ou de paysage remarquable, par ses caractéristiques propres ou parce qu’elle constitue une unité paysagère avec un autre espace présentant un tel caractère (Conseil d’Etat, 26/11/2024, 465732).

La cour administrative d’appel de Bordeaux était saisie du recours contre le jugement rendu le 9 novembre 2022 par le tribunal administratif de Pau ayant annulé un arrêté du 26 mai 2020 de la préfète des Landes autorisant le défrichement d’un terrain dans le cadre d’une ZAC.

La parcelle cadastrée section AH n° 100 appartenant à la commune de Mimizan, située au lieu-dit  » Parc d’Hiver « 

Le projet d’aménagement (avis de la MRAE)

Conformément aux principes rappelés plus haut, la cour administrative d’appel de Bordeaux juge que le site du Parc d’Hiver est inclus au sein du site inscrit Etangs Landais Nord et qu’il est donc présumé espace remarquable. Ce caractère étant contesté par la commune, la cour vérifie toutefois que les qualités du site justifient cette qualification. Elle justifie alors son caractère remarquable par la présence d’une faune et d’une flore particulière (CAA Bordeaux, 8 janvier 2025, n° 22BX03164).

Notion d’espaces remarquables et caractéristiques – terrain faisant partie d’une unité paysagère – Le PLU de Saint-Quay-Portrieux classe en zone Nl au titre des espaces remarquables et caractéristiques de l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme un ensemble de parcelles situées sur la pointe du sémaphore.

Les parcelles cadastrées section OD 0005, 0007, 0225, 0470 et 0471 (photographie interactive Géoportail)

La société propriétaire avait demandé l’abrogation de ce classement à l’agglomération de Saint-Brieuc compétente en matière de PLU. La demande ayant été implicitement rejetée, le Tribunal administratif de Rennes avait été saisi. La requête ayant été rejetée par un jugement du 13 mars 2023, la requérante avait donc fait appel.

La jurisprudence a précisé les modalités de la qualification d’un espace remarquable ou caractéristique au sens de l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme. Pour le Conseil d’Etat, « il appartient au juge de rechercher si la zone considérée présente le caractère de site ou de paysage remarquable, par ses caractéristiques propres ou parce qu’elle constitue une unité paysagère avec un autre espace présentant un tel caractère » (Conseil d’Etat, 26/11/2024, 465732).

Ainsi, la seule continuité d’un terrain avec un espace remarquable ne suffit pas à lui faire bénéficier de la protection de l’article L. 121-23 du Code de l’urbanisme, il n’en va autrement si les parcelles en question font partie d’une unité paysagère justifiant, dans son ensemble, la qualification de site ou paysage remarquable à préserver (CE, 30 mai 2018, Commune de Sète, req. n° 408068).

Pour la Cour, les parcelles en cause sont situées sur la pointe du Sémaphore, aux abords des falaises bordant le littoral maritime, et s’ouvrent directement sur la mer. La cour relève qu’elles ne supportent que des aménagements de très faible importance et présentent principalement un caractère naturel. La cour ajoute que ces parcelles se rattachent au paysage de la pointe du Sémaphore. Elle en conclut qu’elles doivent donc être regardées comme constituant avec l’ensemble de la pointe du Sémaphore une unité paysagère justifiant dans son ensemble cette qualification de site ou paysage remarquable du patrimoine naturel et culturel du littoral (CAA Nantes, 14 janvier 2025, 23NT01431).

Notion d’espaces remarquables et caractéristiques – Dans l’affaire du projet d’EHPAD de Lacanau dont il est question au début de cette chronique, les requérants soulevaient également un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions relatives aux espaces remarquables et caractéristiques.

Vue du projet (https://www.lacanau.fr/pole-moutchic2/)

Les parcelles AK n° 1 et 41 sur la commune de Lacanau

La cour relève que le terrain d’assiette du projet est à proximité de deux sites Natura 2000. Il est par ailleurs situé au sein d’une partie naturelle d’un site inscrit. La cour ajoute que les parcelles sont constituées d’un boisement de pins maritimes, et d’un sous-bois, peu dense, composé de robiniers, arbousiers, ajoncs et brandes et qu’elles jouxtent au nord et au nord-est une vaste zone naturelle et boisée. Il ressort également des pièces du dossiers, précise la cour, que les parcelles présentent un enjeu écologique eu égard notamment à la présence de trois espèces d’intérêt communautaire, le milan noir, le grand rhinolophe et le murin à oreilles échancrées, espèces protégées et inscrites aux annexes II et IV de la directive Habitats, faune, flore.

La cour en conclut que les parcelles en litige doivent être regardées comme constituant, avec les espaces boisés classés situés en continuité, une unité paysagère justifiant qu’elles soient qualifiées d’espaces remarquables au sens des dispositions de l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme (CAA Bordeaux, 14 janvier 2025, n° 23BX00767). L’annulation du permis de construire est donc confirmée.

Par un arrêt du même jour, la cour annule également, pour les mêmes motifs, l’autorisation de défrichement (CAA Bordeaux, 14 janvier 2025, n° 21BX04569).

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