12/02/2025

Chronique de jurisprudence loi Littoral des mois de juillet et août 2024

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Rédigé par

Loïc Prieur

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Résumé : Après une pause notamment liée à la refonte du site du cabinet et à une fin d’année chargée à l’université, le Blog loi Littoral reprend le fil des publications. Cette chronique de jurisprudence sur la loi Littoral revient sur les décisions rendues l’été dernier. A noter, un arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille qui précise la frontière entre extension de l’urbanisation et agrandissement d’une construction.

Agglomérations, villages et secteurs déjà urbanisés

Notion d’urbanisation – extension d’une construction – Le Conseil d’Etat a rappelé que le simple agrandissement d’une construction existante, c’est-à-dire une extension présentant un caractère limité au regard de sa taille propre, de sa proportion par rapport à la construction et de la nature de la modification apportée, ne peut être regardé comme une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CE, 30 avril 2024, n° 490405). Cet avis est expliqué dans la chronique d’avril 2024.

Dans un arrêt du 4 juin 2024, la Cour administrative d’appel de Marseille (CAA Marseille, 4 juin 2024, n° 23MA00710) avait jugé que le projet de création d’un logement au dessus d’un bâtiment agricole alors même que l’emprise au sol n’était pas modifiée était une extension de l’urbanisation. L’arrêt est rapporté dans la chronique de juin 2024.

Cette fois, la Cour administrative d’appel de Marseille était saisie de la légalité d’un refus de permis de construire opposé à un projet d’agrandissement d’une villa présentant une surface de plancher de 208,47 m2 par une surélévation aboutissant à une surface de plancher supplémentaire de 166,31 m2. Pour la Cour, au regard de sa taille propre, de sa proportion par rapport à la construction et de sa nature consistant en une surélévation par superposition, sans constitution d’un logement autonome, ce projet doit être regardé comme un simple agrandissement de la construction existante (CAA Marseille, 2 juillet 2024, n° 23MA01424). La Cour, comme le Tribunal administratif de Bastia avant elle, annule par conséquent le refus de permis de construire.

La parcelle L n° 1756 sur laquelle est édifiée la villa devant être surélevée (carte Géoportail interactive)

Notion d’agglomération et de village existant – L’arrêt commune de Landéda (CE, 9 juillet 2021, n° 445118, Commune de Landéda) a rappelé que la loi Littoral devait être appliquée en tenant compte des précisions apportées par le SCOT. Le SCOT ne fait pas écran à l’application de la loi mais les précisions qu’il apporte sont appliquées en même temps que les dispositions législatives.

Par un arrêté du 5 juillet 2019, le maire de Porspoder avait retiré le permis de construire qu’il avait délivré pour la construction d’une maison d’habitation sur un terrain situé route de Kergoz au lieu-dit Kernioual.

Les parcelles WK 101 à 103 sur la commune de Porspoder (carte interactive Géoportail)

Conformément aux principes posés par la jurisprudence « Commune de Landéda », la Cour relève tout d’abord que le secteur de Kernioual n’est pas identifié comme village par le SCOT du Pays de Brest qui a été modifié après la loi ELAN. La Cour souligne ensuite que ce secteur est éloigné des autres espaces urbanisé. Elle ajoute que s’il est composé d’une quarantaine de constructions, elles sont implantées de manière éparse, sur de vastes parcelles, laissant ainsi plusieurs terrains non bâtis. La Cour en conclu que le secteur ne comporte pas un nombre et une densité suffisants de constructions pour être qualifié d’agglomération ou de village existant (CAA Nantes, 16 juillet 2024, n° 22NT02654).

Notion d’agglomération et de village existant – Par un arrêté du 20 septembre 2016 le maire de La Londe-les-Maures (Var) a délivré à la société Sportimmo un permis de construire en vue de la création d’une zone d’activités comprenant trois bâtiments d’une surface de plancher totale de 7 129 mètres carrés, ainsi que deux cent quatre places de stationnement sur un terrain situé au lieu-dit  » Le Pin Neuf « .

Le secteur du Pin neuf, sur la commune de La Londes-des-Maures (carte interactive Géoportail)

Le terrain d’assiette du projet est situé en zone AU du PLU.

Screenshot

Le secteur du Pin Neuf, classé en zone AU par le PLU (Source Géoportail de l’urbanisme)

Pour la Cour administrative d’appel de Marseille, le terrain d’assiette du projet, en bordure des routes départementales 98 et 559, est situé dans le prolongement d’un espace de gardiennage et d’hivernage de bateaux et du camping  » les Jardins de Pascalinette « . Cet espace et ce camping se situent eux-mêmes dans le prolongement d’une zone qui, côté ouest, de part et d’autre et entre ces deux routes départementales, est significativement urbanisée par une zone pavillonnaire et, au-delà des ronds-points qui marquent l’entrée dans la zone d’activités où se situe le projet en litige, par des commerces et une station-service entre ces routes. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme ne peut dès lors qu’être écarté (CAA Marseille, 4 juillet 2024, n° 23MA02880).

Bande littorale de cent mètres

Notion d’espace urbanisé – Par un arrêté du 10 décembre 2019, le maire de Crozon avait délivré un permis de construire pour l’édification d’un garage automobile et l’extension d’une maison par la création d’une piscine couverte sur une parcelle cadastrée KL n° 657 située chemin du Fort du Kador. Après la mise en œuvre d’une procédure contradictoire, cet arrêté avait été retiré au motif que le terrain d’assiette du projet se situe dans un espace non urbanisé de la bande littorale de cent mètres protégée par l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme.

La parcelle KL 657 (au sud du parc de stationnement) – carte interactive Géoportail

Pour la Cour, le terrain d’assiette du projet est bordé au nord par une parcelle à caractère naturel constituée d’une falaise longeant un quai situé en contrebas, au niveau de la mer, supportant une voie publique bordée de quelques constructions. A l’est de ce même terrain, mais cette fois également en surplomb de la mer, se trouve une parcelle dépourvue de construction, appartenant à une vaste zone naturelle. Sur les flancs ouest et sud du terrain de la société Penn Ar Bed , les parcelles les plus proches sont également situées en surplomb du littoral et ne supportent que quelques maisons d’habitation implantées sur de grandes parcelles, situées le long du chemin en impasse du Fort du Kador, lequel constitue leur voie commune d’accès routier. La Cour conclut que ce secteur constitue une zone d’urbanisation diffuse et confirme la légalité du retrait (CAA Nantes, 16 juillet 2024, n° 22NT03845).

Espaces remarquables et caractéristiques

Notion d’espaces remarquables et caractéristiques – érosion – L’article L. 121-23 du code de l’urbanisme dispose que les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l’occupation des sols préservent les espaces remarquables et caractéristiques. La Cour administrative d’appel de Nantes a rendu une intéressante décision dans laquelle elle indique que ce dispositif peut être mis en œuvre pour préserver des falaises exposées à l’érosion (CAA Nantes, 2 juillet 2024, n° 22NT02836).

Extrait du règlement graphique du PLU de Saint-Gildas de Rhuys

Espaces boisés significatifs

L’article L. 121-27 du Code de l’urbanisme dispose que le plan local d’urbanisme doit classer en espaces boisés au titre de l’article L 113-1 du même code les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Ces dispositions ne sont opposables qu’aux plans locaux d’urbanisme. La légalité d’un permis de construire ne peut donc être examinée au regard de ces dispositions. Ceci n’interdit naturellement pas d’invoquer l’illégalité du plan local d’urbanisme par la voie de l’exception (CE, 14 novembre 1990, Collin).

C’est donc par la voie de l’exception que les requérants soulevaient l’illégalité du PLU de la commune de Binic-Etables-sur-Mer à l’occasion du recours en annulation du permis de construire délivré le 27 novembre 2017 pour la construction d’une maison d’habitation. Ils soutenaient, à cette fin, que le PLU aurait du classer en espace boisé le terrain d’assiette du projet ou, au moins les arbres existants.

La parcelle AB 0617 (devenue 1501 et 1502) située sur de la Corniche sur la commune de Binic-Etables-sur-Mer (carte interactive Géoportail)

La commune a choisi de ne classer au titre des espaces boisés que la partie du terrain supportant un boisement en excluant les parties bâties.

Extrait du PLU (géoportail de l’urbanisme)

Pour la Cour, alors qu’il est constant que la commune a classé en espace boisé plus de 80 hectares de bois présents sur son territoire, il ne ressort pas des pièces du dossier que les trois arbres implantés sur la partie de la parcelle supportant l’opération projetée, en continuité de l’espace boisé classé de faible superficie, appartiendraient aux ensembles boisés les plus significatifs de la commune (CAA Nantes, 2 juillet 2024, n° 22NT00903).

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