Résumé : Au sommaire de la chronique de jurisprudence loi Littoral de février 2025, un arrêt du Conseil d’Etat sur l’application de la loi Littoral aux décisions d’occupation du domaine public maritime. A noter également, plusieurs décisions sur la notion d’extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme.
Champ d’application matériel de la loi Littoral
Décision d’occupation du domaine public maritime – Zone de mouillages et d’équipement légers (ZMEL) – Par un arrêté du 24 mars 2020, le préfet maritime de la Méditerranée et le préfet du Var avaient autorisé l’occupation temporaire du domaine public maritime le long du littoral de la commune de Hyères dans la passe de Bagaud pour la création d’une zone de mouillages et d’équipements légers.

Cette décision avait été contestée devant le Tribunal administratif de Toulon puis devant la cour administrative d’appel de Marseille qui, par un arrêt n° 22MA02461 du 8 décembre 2023, avait rejeté la requête. Le blog avait rapporté cet arrêt dans la chronique du mois de décembre 2023. La cour avait jugé que l’arrêté créant la zone de mouillages et d’équipement légers ne constituait pas un document ou une décision relative à la vocation des zones ou à l’occupation des sols au sens de l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme.
Le Conseil d’Etat est d’un autre avis. Il juge qu‘une « telle autorisation ayant la nature d’une décision relative à l’occupation et à l’utilisation du sol au sens des dispositions de l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme, elle doit (…), lorsque la zone de mouillages et d’équipements légers est comprise dans l’un des espaces et milieux à préserver mentionnés par cet article, respecter les dispositions du code de l’urbanisme applicables à ces décisions ».
Le principe de la soumission de l’arrêté créant la zone de mouillage aux dispositions relatives aux espaces remarquables étant acquis, le Conseil d’Etat relève que la zone de mouillages et d’équipements légers est comprise dans une partie naturelle du parc national de Port-Cros qui constitue un espace à préserver au sens de l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme.
Il en conclut que l’arrêté en litige constitue une décision relative à l’occupation et à l’utilisation des sols au sens et pour l’application de ces dispositions et doit, par suite, respecter les prescriptions de ce code applicables aux espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral (CE, 5 février 2024, n° 491584). L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille est cassé et l’affaire lui est renvoyée. Il lui appartiendra maintenant de dire si la zone de mouillages constitue ou non un aménagement léger au sens de l’article R. 121-5 du code de l’urbanisme.
Agglomérations, villages et autres secteurs déjà urbanisés
Notion d’extension de l’urbanisation – agrandissement d’une construction existante dans un camping – Dans un avis du 30 avril 2024 (rapporté dans la chronique d’avril 2024), le Conseil d’Etat a précisé la frontière entre l’extension de l’urbanisation et l’agrandissement d’une construction existante. Il a rappelé que pour que l’agrandissement d’une construction ne soit pas qualifiée d’extension de l’urbanisation, elle doit présenter un caractère limité au regard de sa taille propre, de sa proportion par rapport à la construction et de la nature de la modification apportée (CE, 30 avril 2024, n° 490405).
C’est dans ce contexte que l’exploitant d’un camping avait demandé l’annulation de l’arrêté du 11 janvier 2021 par lequel le maire de la commune de Breuillet s’était opposé à la déclaration préalable qu’il avait déposée pour la création d’une piscine enterrée d’une superficie de 99 m² et d’un local technique auxquels s’ajoutent des plages en béton poreux antiglissant pour une surface de 321 m².
Le camping » Céleste » sur la commune de Breuillet (image interactive Géoportail)
En première instance, le tribunal administratif de Poitiers avait jugé que le camping disposant déjà dans le parc aquatique de quatre bassins pour une superficie totale de 441 mètres carrés, le bassin projeté ne constituait pas une extension du parc aquatique excessive par rapport à la superficie des bassins existants. Par un jugement n°2100682 du 13 avril 2023, il avait annulé la décision d’opposition. La commune de Breuillet avait fait appel de cette décision.
De manière classique, la cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle que le camping ne peut pas, en tant que tel, être qualifié d’agglomération ou de village existant même s’il comporte quelques constructions et un grand nombre d’habitations légères de loisirs (voir en ce sens CAA Nantes, 28 février 2014, n° 12NT03207, Commune de Gouville-sur-Mer ou CAA Nantes, 12 décembre 2023, n° 21NT02593). Le Conseil d’Etat a rappelé que, dans un camping, seules les constructions soumises à autorisations d’urbanisme pouvaient être prises en compte pour apprécier la continuité avec une agglomération ou un village (CE, 11 juillet 2018, n° 410084, Ministre de la Cohésion des territoires). Le Blog avait fait le point sur ce dispositif.
La cour rappelle par conséquent que la nouvelle piscine ne peut être autorisée que si elle peut être regardée comme l’extension d’une construction existante. A cet égard, elle juge que l’importance de l’extension ne doit pas être appréciée par rapport au camping dans son ensemble, mais seulement par rapport au parc aquatique qui a la nature d’une construction. La cour relève aussi que la circonstance que la piscine se situe à l’intérieur du périmètre autorisé par la législation sur les campings est sans incidence sur l’application de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme.
Elle confirme la légalité de la décision d’opposition en jugeant que la nouvelle piscine ne peut être regardée comme une simple extension d’une construction existante (CAA Bordeaux, 13 février 2025, n° 23BX01519).
Notion d’extension de l’urbanisation – construction d’une annexe – De manière constante, la jurisprudence considère que la construction d’une annexe à l’habitation (abri de jardin ou cabanon) entraîne une extension de l’urbanisation soumise au principe de continuité avec les agglomérations et les villages existants. Le blog avait fait le point sur la jurisprudence en la matière.
La cour administrative d’appel de Bordeaux vient de rendre une décision plus nuancée au sujet de la construction d’un abri de jardin construit à une dizaine de mètres de la construction existante.
La cour juge que cet en bois qui sert de remise s’implante sur des plots en béton. Il ne comporte pas d’autre ouverture que la porte d’entrée. Il s’implante en cohérence et complémentarité de la maison principale pour un tel usage. Ainsi, compte tenu de ses faibles dimensions et de sa nature, le projet en litige ne peut être regardé comme une extension de l’urbanisation prohibée par les dispositions précitées de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CAA Bordeaux, 13 février 2025, n° 23BX00574 – rejet requête du préfet de Gironde dirigée contre l’arrêté de non opposition).
Notion d’extension de l’urbanisation – antennes relais de téléphonie – Conformément à une jurisprudence désormais constante, la cour administrative d’appel de Nantes juge que la construction d’une antenne-relais constituée d’un pylône treillis en acier surmonté d’antennes type » panneaux » et ses installations techniques, constitue une extension de l’urbanisation qui ne pouvait être légalement autorisée au regard des dispositions précitées de l’article L. 121-8 du code l’urbanisme (CAA Nantes, 11 février 2025, n° 23NT01511). Elle confirme donc l’annulation de la décision de non opposition prononcée en première instance. La cour administrative d’appel de Nantes a rendu une décision similaire le même jour (CAA Nantes, 11 février 2025, n° 23NT00206).
Agglomérations et villages existants – prise en compte du SCOT – La jurisprudence rappelle que dès lors qu’un SCOT comporte des dispositions relatives à la mise en œuvre de la loi Littoral, elles doivent être prises en compte pour apprécier la compatibilité d’un PLU avec les dispositions législatives. Les dispositions en question n’ont pas à être précises mais elles doivent être compatibles avec la loi (CE, 29 septembre 2020, n° 423087, Commune du Lavandou).
La cour administrative d’appel de Nantes juge toutefois que la circonstance qu’un SCOT n’ait pas déterminé de critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l’article L. 121-8 et leur localisation n’interdit pas à une commune, dans cette attente, d’adopter un plan local d’urbanisme et d’y délimiter des zones 1AU (CAA Nantes, 11 février 2025, n° 23NT00682). En pratique, un PLU peut donc identifier des agglomérations et des villages même si le SCOT ne l’a pas encore fait. Attention, cette faculté ne s’étend pas aux autres secteurs déjà urbanisés de l’article L. 121-8 code de l’urbanisme dans la mesure où ces derniers doivent être localisés par le SCOT avant d’être délimités par le PLU.

Agglomération et villages existants – prise en compte du PADDUC – Le PADDUC joue un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de la loi Littoral puisque dès lors qu’il comporte des dispositions suffisamment précises, la loi Littoral doit être appliquée à travers les précisions en question tant vis-à-vis des documents d’urbanisme de rang inférieur que des décisions liées à l’usage du sol. La jurisprudence a toutefois précisé que ce rôle de prisme ne pouvait jouer qu’à la condition que les dispositions qui mettent en œuvre la loi Littoral soient à fois suffisamment précises et compatibles avec la loi (CE, 16 juillet 2010, ministre de l’Écologie du Développement et de l’aménagement Durables, req. n° 313768). (voir cet article du Blog à propos du rôle du PADDUC).
Par un arrêté du 5 octobre 2021, le maire de la commune de Vico avait refusé, après avis conforme défavorable du préfet de la Corse-du-Sud, le permis de construire permettant la régularisation d’une construction édifiée sur la base d’un précédent permis de construire devenu caduc.
La parcelle A 1203 au lieu-dit Sagone sur la commune de Vico
La cour administrative d’appel de Marseille relève que le lotissement » A Torra » comporte une soixantaine de constructions. Toutefois, compte tenu des dimensions des parcelles, de l’organisation des constructions d’habitation qui y sont implantées et de la configuration des lieux, ce lotissement correspond à une forme d’urbanisation diffuse, insusceptible de constituer une agglomération ou un village au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme tel que précisé par le PADDUC.
La cour ajoute que le secteur de Sagone, en continuité duquel s’inscrit au sud-ouest le lotissement » A Torra « , supporte une urbanisation dispersée. Si ce secteur, pris dans son ensemble, comporte, disséminés sur ce vaste espace, quelques commerces, services et administrations, dont une mairie annexe, le caractère très diffus de son urbanisation et l’absence de fonction structurante à l’échelle de la micro-région ou de l’armature urbaine insulaire ne sauraient lui conférer, à la date de l’avis défavorable et du refus en litige, le caractère d’une agglomération (CAA Marseille, 4 février 2025, n° 23MA02720).
Agglomérations et villages existants – prise en compte du SCOT – L’arrêt commune de Landéda (CE, 9 juillet 2021, n° 445118, Commune de Landéda) a rappelé que la loi Littoral devait être appliquée en tenant compte des précisions apportées par le SCOT. Cette jurisprudence ne remet pas en cause l’application directe de la loi Littoral aux décisions liées à l’usage du sol qui est rappelée de manière constante (CE, 29 juillet 1994, n° 85532, Commune de Frontignan – CE, 31 mars 2017, n° 392186, SARL Savoie Investissement – CE, 31 mars 2017, n° 396938). Le SCOT ne fait donc pas écran à l’application de la loi. Les précisions qu’il apporte sont appliquées en même temps que les dispositions législatives.
La cour administrative d’appel de Nantes fait application de ce principe pour juger de la légalité d’un permis d’aménager délivré par le maire de Trégastel dans les Côtes d’Armor. La cour relève d’abord que le DOO du SCOT du Trégor identifie les agglomérations et villages ainsi que les enveloppes urbaines à partie desquelles l’extension de proche en proche peut être permise. Pour la Cour, Il ressort de ce document graphique que le terrain de l’opération contestée se situe au sein de l’agglomération de Trégastel.

Les parcelles cadastrées section BN nos 59, 236, 238, 240 et 242 sur la commune de Trégastel
La Cour applique ensuite les critères jurisprudentiels classiques de l’agglomération ou du village. Elle relève que les parcelles d’assiette du projet, (…) sont situées en limite sud de l’agglomération (…), dans un secteur comportant plusieurs dizaines de constructions s’implantant sur plusieurs rangs autour des voies de communication. Par suite, le terrain du projet se situe dans une zone qui présente un nombre et une densité suffisants de constructions pour qu’elle puisse être regardée comme une agglomération (CAA Nantes, 4 mars 2025, n° 23NT02712).
Espaces proches du rivage
Notion d’espaces proches du rivage – En 2004, le Conseil d’État a rappelé que la délimitation des espaces proches du rivage devait reposer sur des critères de co-visibilité, de distance et de nature des espaces (CE, 3 mai 2004, n° 251534, Barrière). Cette définition a été précisée à l’occasion d’un recours dirigé contre la DTA des Bouches-du-Rhône. A cette occasion, le Conseil d’État a rappelé que pour déterminer si une zone peut être qualifiée d’espace proche du rivage, trois critères doivent être pris en compte : la distance séparant cette zone du rivage, son caractère urbanisé ou non et la co-visibilité entre cette zone et le plan d’eau (CE, 3 juin 2009, n° 310587, Commune de Rognac).
Conformément à ces principes, la cour administrative d’appel de Bordeaux valide la délimitation des espaces proches du rivage de la commune de Guéthary. Leur tracé est précisément justifié par le rapport de présentation du PLU et repris dans le règlement graphique du PLU afin de le rendre opposable (voir en ce sens CAA Marseille, 1er février 2024, n° 23MA00292).

Elle relève que l’espace proche du rivage de la commune s’étend dans les terres jusqu’à l’autoroute A63 en incluant le tiers central de la commune. Il ressort également des pièces du dossier que le secteur comprenant la parcelle cadastrée section AC n° 3 se situe à environ 750 mètres du rivage et s’insère dans un ensemble urbanisé s’étendant depuis le rivage, dont la topographie globalement en pente vers le littoral offre des perspectives de vues vers l’océan et le rend réciproquement visible depuis celui-ci. Cet ensemble cohérent doit ainsi être regardé comme proche du rivage au sens de l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que la parcelle des requérants qui s’y insère ne soit pas elle-même en co-visibilité avec le rivage (CAA Bordeaux, 4 février 2025, n° 23BX01050).
Notion d’extension de l’urbanisation – L’article L. 121-13 du code de l’urbanisme dispose que dans les espaces proches du rivage, l’extension de l’urbanisation doit être limitée.
Dès 2005, la jurisprudence a précisé ce qu’il fallait entendre par extension de l’urbanisation. Le Conseil d’Etat, dans l’arrêt « Soleil d’Or » (CE, 7 février 2005, Société Soleil d’or et commune de Menton, req. n° 264315) a indiqué qu’un projet entraînait une extension de l’urbanisation dès lors qu’il avait pour effet soit d’élargir un périmètre bâti, soit d’en modifier de manière significative les caractéristiques. Si aucune de ces conditions n’est remplie, le projet est qualifié de simple opération de construction pour laquelle la question du caractère limité ou celle de la justification par un document d’urbanisme ne se pose pas. Le Blog loi Littoral est récemment revenu sur cette jurisprudence dans le premier article d’une série consacrée aux grands arrêts de la loi Littoral.
Par un arrêté du 16 août 2022, le maire de Cauville-sur-Mer avait accordé à la société anonyme d’habitations à loyer modéré (SA HLM) Logeo Seine un permis de construire treize maisons individuelles et deux immeubles collectifs sur le terrain situé au lieu-dit » Le Village « .
Au nord est, les terrains cadastrés AB 407 et ZK 143 sur la commune de Cauville-sur-Mer

La cour administrative d’appel de Douai relève que les deux parcelles s’implantent au nord du centre urbain de Cauville-sur-Mer, sur des terrains bordés au sud-ouest par une zone pavillonnaire dense, au sud par l’église et son cimetière et à l’est par des terrains peu densément construits. Elle juge que dans ces conditions, les parcelles doivent être regardées comme s’implantant dans un quartier urbanisé périphérique de Cauville-sur-Mer.
La Cour ajoute que le projet prévoit la construction de treize maisons individuelles et de deux immeubles collectifs de 16 logements, conduisant ensemble à la création d’une surface de plancher de 1 831 m² sur un terrain d’une superficie totale de 9 464 m². Chaque maison ne comporte qu’un seul niveau, avec une hauteur maximale de 6,50 mètres, tandis que les deux immeubles collectifs comportent un niveau surmonté de combles (R+1+combles), avec une hauteur maximale de 9 mètres. Les bâtiments seront implantés de manière à créer un cœur d’îlot non bâti et végétalisé, sans clôture. Enfin, le projet prévoit la création de 56 places de stationnement, dont 13 couvertes. Au vu de ces caractéristiques, le projet ne conduira pas à étendre ou à renforcer de manière significative l’urbanisation du quartier périphérique où il s’implantera et il ne se traduit donc pas par une extension de l’urbanisation (CAA Douai, 6 février 2025, n° 24DA00549).
