18/04/2025

Chronique de jurisprudence loi Littoral du mois de mars 2025

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Rédigé par

Loïc Prieur

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Résumé : Au sommaire de la chronique de jurisprudence loi Littoral de mars 2025, une décision qui illustre les dispositions particulières applicables en Guyane. A noter également, un important arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes sur la notion de capacité d’accueil.

Dispositions applicables en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte

La loi Littoral s’applique en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion et à Mayotte mais quelques dispositions particulières ajoutent des règles ou se substituent à celles applicables en métropole . Le Blog avait déjà eu l’occasion d’en faire état. Les articles relatifs à la bande littorale de cent mètres et ceux relatifs aux espaces proches du rivage sont ainsi remplacés par des dispositions spécifiques.

L’une d’entre elles concerne les dispositions applicables dans la bande des cinquante pas géométriques. Sauf cas particulier, cette bande présente une largeur de 81,20 mètres à compter de la limite haute du rivage (article L. 121-45 du code de l’urbanisme).

Dans cette bande, l’article L. 121-49 du code de l’urbanisme dispose que dans les secteurs occupés par une urbanisation diffuse et situés à proximité des parties urbanisées de la commune des services publics, des équipements collectifs, des programmes de logements à caractère social, des commerces, des structures artisanales, des équipements touristiques et hôteliers peuvent être autorisés. Ces secteurs doivent toutefois être identifiés le chapitre particulier du schéma régional valant schéma de mise en valeur de la mer.

C’est dans ce contexte juridique que le maire de la commune de Rémire-Montjoly a délivré un permis de construire une résidence de 12 logements.

La parcelle AP n° 713 sur la commune de Rémyre-Montjoly (carte interactive géoportail)

Par un permis de construire modificatif délivré ultérieurement, la destination du projet a été modifiée en résidence touristique. La cour administrative d’appel de Bordeaux juge toutefois que si cette nouvelle destination est susceptible d’être autorisée dans les espaces diffus visés par l’article L. 121-49 du code de l’urbanisme, c’est à la condition que ces espaces soient situés à proximité des parties urbanisées de la commune. La cour juge que ce n’est pas le cas puisque ce secteur est situé à plusieurs kilomètres de la partie agglomérée de Rémyre-Montjoly (CAA Bordeaux, 13 mars 2025, n° 22bx01524).

Loi Littoral et PADDUC

Notions d’agglomération et de village – précisions apportées par le PADDUC – Au sens du PADDUC, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu’il constitue, à l’importance et à la densité significative de l’espace considéré et à la fonction structurante qu’il joue à l’échelle de la micro-région ou de l’armature urbaine insulaire. Un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l’espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l’organisation et le développement de la commune. La jurisprudence a précisé que la loi Littoral devait être appliquée à travers le prisme des dispositions du PADDUC dans la mesure où elles sont à la fois précises et compatibles avec la loi (CE, 16 juillet 2010, ministre de l’Écologie du Développement et de l’aménagement Durables, req. n° 313768). Le Blog avait fait le point sur l’application de la loi Littoral en présence du PADDUC.

Le Conseil d’Etat rappelle que les critères fixés par le PADDUC sont cumulatifs (CE, 25 mars 2025, n° 472833). Il confirme que la cour administrative d’appel de Marseille pouvait estimer qu’un projet de construction ne se situait pas en continuité de l’agglomération telle que définie par le PADDUC dès lors qu’un critère faisait défaut sans qu’elle ait besoin d’examiner si les autres étaient respectés. Le Blog avait rapporté cette décision de la cour.

Loi Littoral et SCOT

Prise en compte d’un SCOT antérieur à la loi ELAN – secteurs déjà urbanisés – Le SCOT de la Pointe du Médoc approuvé le 7 octobre 2010 n’intègre pas la loi ELAN du 23 novembre 2018 et il n’identifie donc pas de secteurs déjà urbanisés au sens du second alinéa de l’article L. 121-8 code de l’urbanisme. Comme de nombreux SCOT de cette période, il localise en revanche les agglomérations et les villages existants. Le DOG du SCOT identifie également des hameaux dont la densification est possible. A cette date, cette disposition était illégale sauf à ce que les hameaux en cause soient assez importants pour pouvoir être qualifiés de village ou d’agglomération au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Ce choix a probablement été fait à une époque où la jurisprudence considérait qu’une construction dans un espace urbanisé n’avait pas pour effet d’étendre l’urbanisation ce qui permettait de densifier les hameaux à défaut de pouvoir les étendre.

Extrait du document d’orientations générales du SCOT

Dans ce contexte, le maire de la commune de Soulac-sur-Mer avait délivré un certificat d’urbanisme à une société de géomètres pour la construction d’une maison d’habitation sur un terrain situé 116 route des Lacs. Le préfet avait déféré cette décision.

La parcelle AZ n° 103 (devenue AZ n° 203) sur la commune de Soulac-sur-Mer

Par un arrêt du 27 juin 2023 rapporté par le Blog, la cour administrative d’appel de Bordeaux avait jugé que le SCOT de la Pointe du Médoc devait être regardé comme ayant localisé des secteurs déjà urbanisés autres que des agglomérations et des villages quand bien même cette notion n’existait pas encore à la date de son approbation (CAA Bordeaux, 27 juin 2023, n° 21BX03410, Commune de Soulac-sur-Mer). Le recours du préfet avait été rejeté.

En cassation, le Conseil d’Etat valide ce raisonnement et juge que la cour administrative d’appel a pu estimer, sans commettre une erreur de droit, que le schéma de cohérence territoriale définissait bien un  » secteur déjà urbanisé  » au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, quand bien même il avait été adopté antérieurement à la loi du 23 novembre 2018 (CE, 20 mars 2025, n° 487711). Cet arrêt s’inscrit dans une tendance plus large qui admet que les SCOT antérieurs à la loi ELAN peuvent jouer un rôle de filtre pour la mise en œuvre de la loi Littoral (CE, 22 avril 2023, n° 456788).

Détermination de la capacité d’accueil des espaces littoraux

Définition de la capacité dans d’accueil – SCOT – L’obligation de déterminer la capacité d’accueil des espaces littoraux est posée par l’article L. 121-21 du code de l’urbanisme. Aux termes de ces dispositions :

Pour déterminer la capacité d’accueil des espaces urbanisés ou à urbaniser, les documents d’urbanisme doivent tenir compte :
1° De la préservation des espaces et milieux mentionnés à l’article L. 121-23 ;

1° bis De l’existence de risques littoraux, notamment ceux liés à la submersion marine, et de la projection du recul du trait de côte ;
2° De la protection des espaces nécessaires au maintien ou au développement des activités agricoles, pastorales, forestières et maritimes ;
3° Des conditions de fréquentation par le public des espaces naturels, du rivage et des équipements qui y sont liés.

La loi ELAN du 23 novembre 2023 a donné une place importante au SCOT pour mettre en œuvre cette disposition. L’article L. 121-3 du code de l’urbanisme qui en est issu précise ainsi que le SCOT doit préciser les modalités d’application de la loi Littoral en tenant compte des paysages, de l’environnement, des particularités locales et de la capacité d’accueil du territoire.

La notion de capacité d’accueil fait écho aux différentes mesures gouvernementales qui, au début des années 1970, avaient intégré l’environnement dans la doctrine de l’aménagement du littoral.

Elle n’avait jusque là pas beaucoup fait parler d’elle au contentieux. Un récent rapport du GIP Littoral Aquitain relevait ainsi que seuls trois documents d’urbanisme avaient été annulés sur ce fondement. La jurisprudence peu fournie n’avait donc pas eu l’occasion de préciser le sens de cette notion. L’arrêt que vient de rendre la cour administrative d’appel de Nantes est important puisqu’il entend définir la capacité d’accueil. Pour la cour :

« il appartient aux auteurs du schéma de cohérence territoriale, notamment, de déterminer la capacité d’accueil du territoire concerné qui doit s’entendre comme étant le niveau maximum de pression exercée par les activités ou les populations permanentes et saisonnières que peut supporter le système de ressources du territoire sans mettre en péril ses spécificités ».

Elle ajoute que :

« dans le cadre de l’élaboration d’un schéma de cohérence territoriale, la détermination de la capacité d’accueil des territoires littoraux constitue un préalable ayant pour but d’analyser le niveau maximum de pression exercée par les activités ou les populations permanentes et saisonnières que peut supporter le territoire des communes littorales » (CAA Nantes, 18 mars 2025, n° 22NT04125). L’arrêt est commenté dans le cahier de jurisprudence n° 48 de la cour.

Pour ne pas avoir satisfait à ces obligations, la délibération approuvant le SCOT du Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération est annulée. Le Blog consacrera prochainement un article à cette décision.

Agglomérations, villages et autres secteurs déjà urbanisés

Notion d’agglomération – prise en compte du SCOT – L’arrêt commune de Landéda (CE, 9 juillet 2021, n° 445118, Commune de Landéda) a rappelé que la loi Littoral devait être appliquée en tenant compte des précisions apportées par le SCOT. Cette jurisprudence ne remet toutefois pas en cause l’application directe de la loi Littoral aux décisions liées à l’usage du sol qui est rappelée de manière constante par la jurisprudence (CE, 29 juillet 1994, n° 85532, Commune de Frontignan – CE, 31 mars 2017, n° 392186, SARL Savoie Investissement – CE, 31 mars 2017, n° 396938) . Le SCOT ne fait donc pas écran à l’application de la loi. Les précisions qu’il apporte sont appliquées en même temps que les dispositions législatives. 

La cour administrative d’appel de Nantes fait application de ces principes pour rejeter le recours contre un permis d’aménager délivré par le maire de la commune de Trégastel. Pour cela, elle relève que le DOO du SCOT du Trégor comporte un document graphique qui identifie les agglomérations et villages ainsi que les enveloppes urbaines à partir desquelles l’extension de proche en proche peut être permise. Le terrain de l’opération contestée se situe au sein de l’agglomération ainsi délimitée.

Extrait du SCOT du Trégor

 Les parcelles BN nos 59, 236, 238, 240 et 242

Conformément aux principes dégagés par la jurisprudence « Commune de Porto-Vecchio » (Conseil d’État, 9 novembre 2015, Commune de Porto Vecchio, requête n° 372531), la cour vérifie ensuite que le terrain d’assiette du projet est bien situé dans un espace comportant un nombre et une densité significatifs de constructions. C’est le cas puisque ce secteur comporte plusieurs dizaines constructions s’implantant sur plusieurs rangs autour des voies de communication (CAA Nantes, 4 mars 2025, n° 23NT02712 – Rejet requête contre le PA).

Notion d’agglomération et de village existants – La cour administrative d’appel de Nantes juge qu’un lieu-dit constitué d’une quarantaine de maisons d’habitation dont certaines sont mitoyennes qui est, par ailleurs, en continuité d’un autre lieu-dit qui comporte une urbanisation conséquente doit être qualifié d’agglomération ou de village (CAA Nantes, 18 mars 2025, n° 23NT00977).

Les lieu-dits Gaoulac’h et Kerséoc’h sur la commune de Crozon

Secteurs déjà urbanisés – Légalité des critères du SCOT – Le SCOT du Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération prévoit que les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et les villages se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par la présence au minimum d’environ 25 bâtiments situés en continuité les uns des autres, une épaisseur du tissu urbanisé permettant notamment de le distinguer d’une urbanisation purement linéaire, la présence d’un réseau de voirie adapté à la bonne desserte des bâtiments, la présence de réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets ainsi qu’une relative densité résultant de la continuité des bâtiments entre eux.

Le DOO prévoit deux critères additionnels pouvant venir conforter l’identification des secteurs déjà urbanisés, à savoir la présence d’un noyau ancien historique et la présence d’un équipement ou d’un lieu de vie collectif.

Enfin, le rapport de présentation précise la méthodologie d’identification des secteurs déjà urbanisés et mentionne notamment que le critère de densité est apprécié au regard du nombre de bâtiments de plus de 20 m² par hectare sur les parties continues.

La cour administrative d’appel de Nantes juge que le fait que les critères de densité et de structuration ne se voient pas accorder une valeur supérieure aux autres critères ne méconnaît pas les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme.

La cour ajoute que le SCOT pouvait identifier des secteurs déjà urbanisés pour partie situés dans les espaces proches du rivage étant entendu que seule la partie située en dehors de ces espaces pourra être densifiée. Les auteurs du SCOT pouvaient également ne pas retenir les secteurs intégralement situés en espaces proches du rivage. Dès lors qu’ils ne pourraient recevoir aucune nouvelle construction, leur identification aurait « un intérêt particulièrement limité » indique la cour (CAA Nantes, 18 mars 2025, n° 22NT04118).

Espaces remarquables et caractéristiques

Notion d’espaces remarquables et caractéristiques – unité paysagère – La jurisprudence a précisé les modalités de la qualification d’un espace remarquable ou caractéristique au sens de l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme. Pour le Conseil d’Etat, « il appartient au juge de rechercher si la zone considérée présente le caractère de site ou de paysage remarquable, par ses caractéristiques propres ou parce qu’elle constitue une unité paysagère avec un autre espace présentant un tel caractère » (Conseil d’Etat, 26/11/2024, 465732).

La commune de Mimizan a créé une ZAC sur une surface de 17,84 hectares. Ce projet propose une offre de logements (maisons individuelles, maisons individuelles groupées, petits collectifs) ainsi que la réalisation d’équipements et activités de loisirs marchands.

Projet de ZAC

Par un arrêt du 8 janvier 2025, la cour administrative d’appel de Bordeaux avait annulé l’arrêté du préfet autorisant le défrichement d’une partie du terrain d’assiette du projet au motif qu’il méconnaissait l’obligation de préserver les espaces remarquables (CAA Bordeaux, 8 janvier 2025, n° 22BX03164). Le Blog avait rapporté cette décision.

La cour était cette fois saisie de la légalité d’arrêtés du maire de Mimizan retirant des décisions tacites de non opposition à déclaration de division sur différents macro-lots de la ZAC. Le maire s’était alors fondé sur l’insuffisance de desserte et sur l’absence de respect du schéma de programmation et le phasage de la ZAC.

Au contentieux, la commune avait fait valoir que le Parc d’hiver devant être qualifié d’espace remarquable du littoral et d’espace boisé significatif, le projet de la société requérante, qui ne consiste pas en des aménagements légers, méconnaissait les articles L. 121-23, L. 121-24 et L. 121-27 du code de l’urbanisme.

La cour valide cette demande de substitution de motifs et juge que la pinède qui constitue l’essentiel de la ZAC forme avec l’étroite chênaie à laquelle elle est accolée une unité paysagère justifiant que l’ensemble du site du Parc d’hiver soit qualifié de paysage remarquable (CAA Bordeaux, 11 mars 2025, n° 22BX02639).

La carte forestière du terrain d’assiette de la ZAC – en mauve, la pinède, au sud est, en vert, la chêneraie (Carte interactive Géoportail – Si la couche forestière n’apparaît pas, essayez de recharger la page)

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