Accueil ▶︎ Pour quels motifs résilier une délégation de service public ?
Blog Commande Publique
15/01/2025

Pour quels motifs résilier une délégation de service public ?

Pour partager cet article :

Rédigé par

Élise Morel

Résilier un contrat de délégation de service public est une démarche délicate : une dénonciation mal maîtrisée peut entraîner des conséquences juridiques et financières majeures.  En dehors des cas particuliers, notamment liés à la cessation d’activité ou au décès du délégataire, la collectivité ne peut classiquement procéder à la résiliation anticipée d’un contrat de délégation de service public qu’en invoquant l’un des deux motifs suivants : la faute suffisamment grave du délégataire ou un motif d’intérêt général. Décryptage des règles applicables et des précautions à prendre dans le maniement de ces motifs.

Tout sur les thématiques :

Commande publique

En savoir plus

Droit de l’urbanisme

En savoir plus

Fonction publique

En savoir plus

La résiliation à raison d’une faute suffisamment grave du délégataire

Tous les manquements commis par le délégataire ne peuvent aboutir à une fin anticipée du contrat. 

En vertu de l’article L.3136-3 du Code de la commande publique, la collectivité doit faire état d’une faute d’une gravité suffisante

À titre d’exemple :

  • À l’inverse, ne revêtaient pas une gravité suffisante justifiant la résiliation du contrat :

Confrontées aux manquements du délégataire, la Collectivité a parfois tendance, dans la précipitation, à omettre certaines précautions pourtant nécessaires.

Le caractère grave de la faute doit être documenté et justifié, faute de quoi le juge pourrait rejeter la résiliation de la délégation de service public et condamner la collectivité à indemniser le délégataire. A ce titre, tracer par écrit tous les manquements constatés du délégataire en cours d’exécution du contrat permet de se prévaloir d’un cumul/répétition des fautes commises. 

L’absence de gravité suffisante de la faute peut conduire le juge à ordonner la reprise des relations contractuelles et/ou la condamnation de la collectivité à indemniser le délégataire de son préjudice causé par l’irrégularité de la décision de résiliation pour faute (Cour administrative d’appel de Nantes, 30 mars 2020, requête n°19NT01755). 

A noter toutefois que le juge administratif module son pouvoir de sanction en fonction du comportement du délégataire et reconnait que les fautes commises par le cocontractant d’une personne publique dans l’exécution du contrat peuvent limiter son droit à l’indemnisation du préjudice qu’il subit du fait de la résiliation irrégulière (Conseil d’État, 18 mai 2021, RTM, requête n°442530). 

Par ailleurs, même en cas de résiliation irrégulière, le juge ne fera droit à la demande de reprise de relations contractuelles seulement si celle-ci « n’est pas de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général et, eu égard à la nature du contrat en cause, aux droits du titulaire d’un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse » (Conseil d’État, Section, 21 mars 2011, requête n°304806).

Par exemple, en dépit de l’irrégularité de la décision de résiliation pour défaut de manquements graves constatés, le juge n’a pas prononcé la poursuite des relations contractuelles au regard de la situation particulièrement conflictuelle entre la personne publique et le délégataire, et de la brève période restant à courir avant l’expiration initialement prévue pour la fin de la concession (Tribunal administratif de Nantes, 15 mai 2024, requête n°2104451).  

En principe, une mise en demeure doit obligatoirement être adressée au délégataire lui rappelant ses obligations, lui imposant un délai raisonnable dans lequel il peut remédier à la situation, et l’avertissant que la sanction encourue sera une résiliation de la délégation de service public, simple ou à ses frais et risques (c’est-à-dire avec l’imputation au délégataire des conséquences financières de la résiliation pour la collectivité (frais engagés pour trouver un nouveau délégataire, surcoût de la nouvelle délégation, etc)). 

Toutefois, la collectivité n’est pas tenue de mettre en demeure le délégataire lorsque le contrat en dispose autrement ou s’il n’a pas la possibilité de remédier aux manquements reprochés (Conseil d’État, 12 novembre 2015, Société Le Jardin d’acclimatation, requête n°387660). 

A noter que le défaut de mise en demeure préalable n’est toutefois pas toujours sanctionné. Ainsi, bien que le délégant n’ait pas respecté la procédure contradictoire, le juge administratif a pu rejeter la demande indemnitaire du cocontractant, considérant que la résiliation était justifiée par des manquements graves de la société (Cour administrative d’appel de Nantes, 28 juin 2024, requête n°22NT04065). 

La décision de résiliation du contrat doit être prise par l’autorité compétente au risque d’être entachée d’un vice d’incompétence susceptible d’être invoqué par le délégataire mécontent (Cour administrative d’appel de Nantes, 25 janvier 2019, requête n°17NT01906)

L’organe délibérant est en principe compétent pour prononcer la résiliation d’une délégation de service public sauf s’il a consenti à l’exécutif une délégation lui permettant d’exécuter le contrat. 

La résiliation de délégation de service public pour motif d’intérêt général

En vertu de la jurisprudence lui accordant un pouvoir de résiliation unilatérale du contrat administratif (consacré à l’article L.3136-3 du code de la commande publique), la collectivité peut également procéder à une résiliation du contrat de délégation de service public pour un motif d’intérêt général. 

Dans quels cas peut-on légalement résilier une délégation de service public pour motif d’intérêt général ?

Il ressort de la jurisprudence que bon nombre de raisons avancées par l’administration sont validées, à savoir :

  • la disparition du besoin (Conseil d’État, 6 mai 1955, Société Chabal et Cie c/ Commune de l’Isle-sur-Sorgue). 

La résiliation d’une délégation de service public s’avère moins contraignante lorsqu’elle est motivée par l’intérêt général, notamment parce que la procédure contradictoire imposée en cas de faute du délégataire n’est dans ce cas pas applicable.

Pour autant, les écueils existent et la vigilance est là aussi de mise. A ce titre, le comportement de la collectivité après la résiliation devra être cohérent avec le motif invoqué. Par exemple, un motif tiré de la réorganisation du service public devra être suivi d’effet.

À défaut, la régularité de la décision de résiliation pourra être contestée devant le juge administratif afin d’obtenir la reprise des relations contractuelles ou l’octroi de dommages et intérêts (Conseil d’État, 21 mars 2011, n° 304806, Commune de Béziers). 

La résiliation de la délégation de service public doit également être faite dans le respect des règles formelles : il convient ainsi que la décision soit signée par l’autorité compétente et qu’elle réponde aux règles de procédure éventuellement fixées dans les documents contractuels.

Plus
d’articles

Découvrir le blog

Association transparente : bien l’identifier et mesurer les risques

Quand une association devient l’ombre d’une collectivité, elle risque de perdre son indépendance… et d’exposer ses dirigeants à des responsabilités juridiques et financières insoupçonnées.  Il est donc primordial de s’interroger sur le caractère transparent d’une association à l’égard d’une personne publique afin d’éviter les conséquences...

En savoir plus

Résiliation de délégation de service public : anticipez !

Quel que soit le motif de résiliation, avant de rompre une délégation de service public, la collectivité doit se préparer à des répercussions à plusieurs niveaux : le devenir des infrastructures, la gestion du personnel en place et des contrats en cours. De plus, le...

En savoir plus