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26/05/2025

Que faire face à une offre trop chère ?

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Rédigé par

Élise Morel

Trop cher ne veut pas forcément dire inacceptable : pour rejeter une offre encore faut-il qu’elle dépasse les crédits budgétaires fixés avant la procédure, comme l’exige le Code de la commande publique (article L. 2152-3 du Code de la commande publique). Une mauvaise qualification de l’offre suivie de son rejet risquerait de mettre en danger la procédure de passation allant jusqu’à son annulation par le juge administratif en cas de recours introduit par le candidat évincé. Pour qualifier l’offre d’inacceptable, l’acheteur public doit ainsi s’assurer que l’offre dépasse effectivement le budget réservé au marché, ce qui implique qu’il ait fixé le montant des crédits alloués au marché en amont de la procédure de passation et dans certains cas, qu’il l’ait porté à la connaissance des candidats.

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L’offre trop chère dépasse-t-elle le budget réservé au marché public ?

Pour savoir si une offre peut être considérée comme trop élevée, il convient de s’interroger sur son caractère finançable, mais aussi d’avoir à l’esprit la notion de « crédits alloués au marché ».

Le seul fait que l’offre soit trop chère ne suffit pas à la rejeter. Celle-ci doit être inacceptable ce qui signifie que son prix « excède les crédits budgétaires alloués au marché, déterminés et établis avant le lancement de la procédure » (article L. 2152-3 du Code de la commande publique).

Il ressort de ces dispositions et de la jurisprudence applicable en la matière que face à une offre trop chère, l’acheteur doit s’interroger sur sa capacité à la financer, autrement dit sur son caractère excessif par rapport au budget spécifique alloué au marché. Le cas échéant, il pourra la qualifier d’inacceptable.

Ainsi, si l’offre excède, même largement, le montant estimé du marché, cela ne suffit pas à l’écarter car inacceptable.

Le Rapporteur public Marc PICHON DE VENDEUIL précise que la capacité de financement du pouvoir adjudicateur s’interprète seulement au regard de « l’évaluation financière qu’il a arrêtée en amont » c’est-à-dire aux crédits alloués au marché spécifiquement et non pas au regard des « crédits allouables ». En effet, il ne s’agit pas de prendre en compte « les capacités générales de financement de l’acheteur », « ce qui, pour les grands acheteurs publics, n’aurait d’ailleurs guère de sens ! » (Conclusions du rapporteur public M. Marc Pichon de Vendeuil sous Conseil d’État, 12 juin 2024, Société Actor France, requête n° 475214).

Il convient d’identifier à quoi correspond exactement le montant des crédits alloués au marché afin de savoir si le montant de l’offre les dépasse.

Le Code de la commande publique ne précise rien sur la définition de « crédits budgétaires alloués au marché ». Toutefois, le juge administratif a qualifié d’inacceptable, une offre dont le montant était supérieur :

À l’inverse, une offre « trop chère » n’est pas inacceptable lorsque le montant de cette offre est supérieur :

Il en ressort que si l’acheteur souhaite utiliser le mécanisme du rejet des offres inacceptables, il doit être en mesure de démontrer que le budget alloué au marché a été fixé et que ce dernier n’est pas simplement prévisionnel ou estimatif mais bel et bien impératif et définitif (Conseil d’État, 7ème chambre, 24 novembre 2023, n°473674).

Le Rapporteur public Marc PICHON DE VENDEUIL indique à ce titre que le pouvoir adjudicateur doit prendre position laquelle peut prendre « diverses formes (dans un document budgétaire, dans une délibération de la collectivité ou même dans des documents internes à l’entité concernée), pour autant que le caractère impératif de ce choix budgétaire apparaisse de manière suffisamment manifeste ». (Conclusions du rapporteur public M. Marc Pichon de Vendeuil sous Conseil d’État, 12 juin 2024, Société Actor France, requête n° 475214). C’est d’ailleurs ce qu’il ressort des décisions précitées. 

L’acheteur doit-il avoir publié le montant des crédits alloués au marché avant de rejeter une offre trop chère ?

La question de la publication du montant des crédits alloués soulève en réalité deux interrogations : celle de la fixation du budget en amont de la procédure de passation, ainsi que celle de la communication de cette information aux candidats.

L’article L. 2152-3 du Code de la commande publique indique que les crédits budgétaires alloués au marché doivent être déterminés et établis avant le lancement de la procédure.

En pratique, l’acheteur doit établir en amont de la procédure, lors de la définition de ses besoins, une enveloppe budgétaire à consacrer au marché.

Dans cet exercice, il est exigé que l’acheteur fasse preuve de réalisme économique en fixant cette limite « sur des bases sincères et rationnelles » (Conclusions du rapporteur public M. Marc Pichon de Vendeuil sous Conseil d’État, 12 juin 2024, Société Actor France, requête n° 475214).

Le respect de cette exigence est déterminant car le budget fixé de manière irréaliste ne permettra pas de rejeter les offres sur la base de leur caractère inacceptable.

À titre d’exemple, la Cour administrative d’appel de Paris a considéré que lorsqu’une procédure est déclarée infructueuse en raison d’offres inacceptables, la réévaluation du budget dans une seconde procédure révèle que l’estimation initiale était irréaliste. En conséquence, elle considère que la procédure a été déclarée infructueuse de manière irrégulière  (Cour administrative d’appel de Paris, 4ème chambre, 10 février 2023, requête n°22PA00023).

A noter que le juge administratif n’exerce qu’un contrôle restreint sur le caractère réaliste du budget (Conseil d’État, 3 octobre 2012, Département  des Hauts-de-Seine, n° 359921). 

Précisons par ailleurs que s’agissant des marchés allotis, il est recommandé de budgéter en détail chacun des lots afin de pouvoir démontrer, le cas échéant, le caractère inacceptable des offres remises pour chacun d’entre eux. A ce titre, le juge administratif a déjà pu considérer que pour juger inacceptable une offre sur un lot donné, des crédits budgétaires propres au lot en question doivent lui avoir été réservés (Conseil d’État, 9 novembre 2015, Société Autocars de l’île de beauté, requête n°392785).

Récemment, le Conseil d’État a jugé que l’acheteur public ne peut rejeter une offre comme inacceptable (parce qu’elle dépasse les crédits alloués) que si les candidats ont été informés du montant de ces crédits. Il a appliqué cette règle dans un cas particulier : pour les accords-cadres et lorsque les crédits alloués au marché sont inférieurs au maximum :

« 4. Si les crédits budgétaires alloués à un marché destiné à être passé sous la forme d’un accord-cadre peuvent être inférieurs au montant maximum que prévoit le pouvoir adjudicateur, celui-ci ne peut toutefois écarter comme inacceptable une offre au motif qu’elle excède le montant de ces crédits budgétaires qu’à la condition que ce dernier montant ait été porté à la connaissance des candidats à son attribution. » (Conseil d’État, 12 juin 2024, Société Actor France, requête n°475214).

Le Conseil d’État s’est soucié de garantir la transparence des procédures car il paraît en effet peu conforme aux règles de la commande publique que les candidats soient susceptibles de voir leur offre éliminée en raison du seul dépassement d’un seuil financier dont ils ignorent l’existence.

Toutefois, le Conseil d’État a limité pour l’heure sa position aux accords-cadres lorsque le montant des crédits budgétaires est inférieur au montant maximal de l’accord-cadre. Dans ce cas, en effet, le manque de transparence est plus flagrant car le candidat s’est fié par erreur au montant maximum de l’accord cadre pour former son offre de prix.

Le juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Rennes a récemment appliqué ce principe à un marché hors accord-cadre (Tribunal administratif de Rennes, 13 mai 2025, requête n°2501538). La portée de cette décision reste néanmoins incertaine, le Conseil d’État ne s’étant pas encore prononcé sur la question.

Ainsi, à ce jour, pour les autres marchés ou pour les accords-cadres dont le montant des crédits budgétaires est supérieur au montant maximal de l’accord-cadre, aucun texte ni jurisprudence n’impose de communiquer le montant des crédits alloués au marché.

Il pourrait d’ailleurs paraître déconseillé de communiquer le montant des crédits alloués au marché avant le lancement de la procédure dès lors que cette communication prive l’acheteur de la chance de bénéficier de prix plus performants, la transparence générant sans doute un alignement des prix des candidats sur les crédits alloués. 

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