Quid des biens à l’issue de la délégation de service public ?
En théorie, le partage des biens entre les parties, à la sortie d’une délégation de service public, paraît assez simple à mettre en œuvre.
La distinction entre biens de retour et biens de reprise
Dans tous les cas de résiliation, il est acté que les biens de retour, c’est-à-dire ceux nécessaires au fonctionnement du service public (Conseil d’État, Assemblée, 21 décembre 2012, Commune de Douai, n°342788 ; Conseil d’État, 8ème et 3ème chambres réunies, 23 janvier 2020, société Touristique de la Trinité, requête n°426421), redeviennent propriété de la collectivité, (s’ils ne l’étaient pas déjà), moyennant, le cas échéant, un remboursement de leur valeur non amortie.
Les biens de reprise c’est-à-dire ceux participant à l’exploitation du service sans être indispensables, pourront, eux, être rachetés à la demande de la collectivité tandis que les biens propres, non indispensables à l’exécution du service public, resteront la propriété du délégataire.
En pratique, pourtant l’identification de ces biens donne lieu à débat et parfois à des désillusions tant pour le délégataire que la collectivité.
Comment distinguer les biens à la fin de la DSP ?
Tout d’abord, le juge considère que, dans le silence de la convention, les biens appartiennent dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique (Conseil d’État, Assemblée, 21 décembre 2012, requête n°342788).
Or, lorsque le contrat omet de régir le sort des biens acquis en cours de délégation, l’exploitant « investisseur » peut entendre les récupérer (nouveaux bungalows installés dans les campings municipaux, équipements sur des remontées-mécaniques dans une station de ski, etc).
Ensuite, à l’inverse, la collectivité doit avoir conscience que les biens qui ont été mis à disposition du délégataire par un tiers, bien qu’affectés au fonctionnement du service public, ne suivront pas le régime des biens de retour, la collectivité devant alors les racheter au bon vouloir du délégataire. À titre d’exemple, il a été jugé que ne pouvaient être considérés comme des biens de retour :
- le crématorium, équipement principal du service public, dès lors qu’il appartenait à un tiers à la concession lequel le louait au délégataire (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 3ème chambre, 28 février 2023, commune de Sanilhac, requête n°21BX01167) ;
- le casino, hébergeant l’activité de service public, dès lors qu’il appartenait à une société tierce au contrat de concession (du même groupe que celui du délégataire) laquelle le louait au délégataire en vertu d’un bail commercial (Tribunal administratif de Marseille, 8 avril 2024, requête n°2307694) ;
Par ailleurs, rappelons que la règle selon laquelle les biens qui sont nécessaires au fonctionnement du service public suivent le régime des biens de retour est d’ordre public, les parties ne pouvant y déroger par convention.
Fin de la délégation de service public et sort du personnel
Le sort des contrats de travail peut également être source de contentieux et la collectivité doit faire ici encore preuve de vigilance. Le sort à réserver au personnel déprendra du nouveau mode de gestion du service décidé par la collectivité et du maintien ou non de l’identité de l’activité appréciée au regard des locaux, périmètre d’activité, public/clientèle visés, etc.
En cas de renouvellement de la délégation de service public
En cas de renouvellement de la DSP, sous réserve que l’entité économique soit transférée au nouvel employeur laquelle a conservé son identité lors du transfert, les contrats de travail sont transférés de plein droit au nouveau délégataire (article L 1224-1 du Code du travail, v. exemple Cour de cassation, Chambre sociale, 9 novembre 2005, n° 03-47.188).
À ce titre, si la collectivité décide de relancer la DSP, elle devra veiller à informer les candidats de la masse salariale à reprendre, au risque de méconnaître les règles de la commande publique (Conseil d’État, 19 janvier 2011, requête n°340773). A défaut, la procédure de passation risque d’être entachée d’irrégularité et ainsi faire l’objet d’un référé précontractuel ou contractuel devant le tribunal administratif, il en va de même pour le contrat de délégation de service public lequel pourrait faire l’objet d’un recours en contestation de sa validité (Conseil d’État, Assemblée, 04 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, requête n°358994)
En cas de reprise en régie
Dans cette hypothèse, l’article L. 1224-3 du code du travail dispose qu’il appartient à la collectivité concédante de reprendre le personnel affecté à la délégation de service public (voir par exemple Cour de cassation, Chambre sociale, 6 mars 2024, n°22-22.315) peu importe que cette reprise intervienne de manière anticipée plutôt qu’à l’issue normale de la convention et peu importe la nature du service.
Il convient de préciser que l’hypothèse de reprise en régie de l’activité n’exclut pas la condition de l’existence d’un transfert d’activité au sens du Code du travail pour que la reprise de personnel soit effective. Autrement dit, deux conditions doivent être satisfaites : l’entité transférée à la collectivité est une entité économique autonome et l’entité transférée conserve sans identité lors du transfert.
Quid des contrats en cours sous l’empire de la délégation de service public ?
Les contrats en cours utiles à la continuité du service sont en principe poursuivis par l’autorité délégante ou le nouveau délégataire. Cela concerne les contrats de fournitures, travaux et services conclus pour les besoins de fonctionnement du service public.
Les engagements anormalement pris par le délégataire (par exemple, d’une durée plus longue que la délégation) sont quant à eux résiliés, sauf stipulation contraire du contrat (Conseil d’État, 19 décembre 2014, requête n°368294).
L’indemnité due au délégataire
En cas de résiliation pour motif d’intérêt général, la collectivité devra indemniser le délégataire à hauteur de ce que prévoit le contrat ou à défaut, à hauteur de l’intégralité du préjudice éventuellement subi par le délégataire comprenant notamment son manque à gagner (Conseil d’État, 23 mai 1962, Ministre des Finances, requête n°41178).
En cas de faute ayant conduit à la rupture du contrat, en revanche, le délégataire n’a pas droit à l’indemnisation de son manque à gagner (Conseil d’État, 20 janvier 1988, Société Environnement services, requête n°56503). Il peut par ailleurs être condamné à verser des indemnités à la collectivité concédante en réparation du préjudice subi par la résiliation anticipée du contrat de DSP (surcoûts de gestion du service, etc).
Conclusion : Quelles que soient les circonstances dans lesquelles une délégation de service public prend fin, les conséquences doivent impérativement être anticipées pour éviter les mauvaises surprises. La résiliation de ce type de contrat présentant une certaine complexité, il est également impératif, au moment de la prise de décision, de la sécuriser en adoptant une motivation adaptée (lien vers l’article : pour quels motifs résilier une délégation de service public).