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18/06/2025

Visite de site imposée avant la remise de l’offre : quelles sont les règles ?

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Rédigé par

Élise Morel

Dans le cadre de la passation des marchés publics, l’acheteur peut prévoir une visite du site d’exécution du marché. Cela présente d’ailleurs un grand intérêt. En effet, l’organisation d’une visite participe grandement à la réception d’offres plus qualitatives de la part des candidats : avec une meilleure connaissance des contraintes spécifiques du site et des exigences de l’acheteur, ils sont en capacité d’apporter une réponse davantage circonstanciée. Par ailleurs, une visite préalable peut renforcer l’égalité de traitement entre les candidats, en particulier quand l’un d’eux (l’ancien titulaire du marché par exemple) connaît déjà les lieux. Faisons le point sur les conditions dans lesquelles le pouvoir adjudicateur peut rendre ce type de visite obligatoire et sur l’état de la jurisprudence en la matière.

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Quand la visite sur site peut-elle être imposée candidats ?

La visite préalable du site peut être imposée aux candidats à un marché public si son caractère obligatoire a été mentionné dans les documents de la consultation et que la visite présente une réelle utilité dans l’appréciation des offres.

Les visites ne sont pas imposées aux acheteurs par le Code de la commande publique qui leur laisse la liberté de les prévoir dans leur règlement de consultation. De même, le Code de la commande publique ne réglemente pas l’organisation de telles visites mais indique seulement que le règlement de la consultation doit les prendre en compte pour fixer le délai de dépôt des offres (article R. 2151-3 du Code de la commande publique).

Toutefois, les acheteurs peuvent, à leur discrétion, les rendre facultatives ou obligatoires au moment de la rédaction du dossier de consultation des entreprises.

À défaut d’avoir prévu le caractère obligatoire de la visite du site dans le règlement de consultation, l’acheteur ne pourra pas rejeter l’offre d’un candidat ne participant à cette visite.

En effet, pour rappel, le Code de la commande publique dispose « L’acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées » (Article L. 2152-1 du Code de la commande publique) et précise « Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu’elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale » (Article L. 2152-2 du Code de la commande publique).

Ainsi, si un candidat ne réalise pas la visite du site comme prévu dans les documents de la consultation, son offre risque d’être irrégulière et encourt le rejet. Toutefois, le simple fait que la visite soit rendu obligatoire par le règlement de consultation ne suffit pas pour la rejeter, encore faut-il que la visite soit utile pour l’appréciation des offres.

Même si le respect du règlement de consultation est obligatoire pour les candidats soumissionnaires, le juge administratif fait parfois preuve de souplesse vis-à-vis des candidats ne se soumettant pas aux règles de la consultation. Lorsqu’une exigence fixée par le document de consultation se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des candidatures ou des offres, l’offre du candidat ne peut être rejetée comme irrégulière au motif qu’il ne s’y est pas conformé :

« Considérant, en deuxième lieu, que la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’entité adjudicatrice peut s’affranchir des exigences du règlement de la consultation quand la fourniture des éléments demandés ne présente pas d’utilité pour l’appréciation de l’offre, notamment parce que ces informations ont un caractère public ; » (Conseil d’État, 7èmes et 2èmes sous-sections réunies, 22 décembre 2008, Ville de Marseille, requête n°314244)

Cela est entièrement applicable aux visites obligatoires prévues par le règlement de la consultation. D’ailleurs, à plusieurs reprises, le juge administratif a eu l’occasion d’appliquer cette règle s’agissant du non-respect par des candidats à des marchés à l’obligation de visite prévue par le règlement de la consultation.

Comment apprécier le caractère utile de la visite sur site ?

Comme précisé, une offre n’est pas forcément irrégulière lorsque le candidat ne satisfait pas à l’exigence de visite obligatoire imposée par le règlement de la consultation dès lors que la visite n’était pas utile à l’appréciation de l’offre. Le juge administratif fait une appréciation au cas par cas de cette « utilité » en évaluant la connaissance suffisante du site par le candidat.

En pratique, le candidat peut ne peut pas participer à une visite obligatoire dans le cadre de la passation d’un marché sans que son offre ne soit susceptible d’être irrégulière dès lors que celui-ci démontre qu’il a une connaissance suffisante du site et de ses caractéristiques.

C’est notamment ce qu’a jugé la Cour administrative d’appel de Bordeaux dans un arrêt du 7 juillet 2016. En l’espèce, le candidat avait justifié de sa connaissance approfondie du site dès lors qu’il l’avait déjà visité précédemment dans le cadre d’un précédent marché dont il été titulaire (Cour administrative d’appel de Bordeaux, Stés Artelia Ville et Transport et Artelia Eau et Environnement, 7 juillet 2016, requête n° 14BX02425). La Cour administrative d’appel de Lyon a repris cette position s’agissant d’une société qui avait déjà effectué une visite du site, y avait réalisé un reportage photographique à cette occasion et avait rencontré l’acheteur pour évoquer le projet de réhabilitation du site. De plus, les lieux d’exécution du marché n’avaient connu aucune modification entre la date de ladite visite et la date de remise des offres (Cour administrative d’appel de Lyon, 10 janvier 2019, requête n° 16LY02207). 

À l’inverse, lorsque la visite du site se montre manifestement utile pour l’appréciation des offres, l’offre du candidat n’ayant pas participé à la visite obligatoire sera irrégulière et ainsi rejetée par l’acheteur. Le tribunal administratif de Rennes a par exemple rendu deux jugements, le même jour, reconnaissant le caractère utile de la visite.

Dans la première affaire, une des sociétés candidates ne s’était pas rendue à la visite obligatoire le jour prévu par les documents de la consultation. Si la société se prévalait du déplacement de son directeur sur le site le lendemain, le juge a relevé que la visite obligatoire en présence du maître d’œuvre n’était manifestement pas dépourvue d’utilité pour l’examen des offres. En effet, elle avait pour but d’informer les candidats sur les contraintes inhérentes à la réalisation de travaux au sein de l’usine d’incinération de déchets, pendant son exploitation et s’agissant plus particulièrement du traitement de certains matériaux, de sensibiliser les candidats sur la nécessité de continuer à pouvoir évacuer quotidiennement les matériaux, de donner aux candidats toute information utile sur le fonctionnement de l’usine et de les alerter sur la présence d’eaux de ruissellement sur le chantier, le plan général de coordination présent au DCE n’étant pas suffisant. Ainsi, l’acheteur a, à bon droit, rejeté son offre comme irrégulière (Tribunal administratif de Rennes, 31 mai 2024, requête n° 2402721).

Dans la seconde affaire, une visite obligatoire d’une pièce était prévue au règlement de consultation pour un marché portant sur l’acquisition de machines de fitness-musculation, de cardio-training, de matériel pédagogique et d’entraînement pour une piscine et un espace sports et loisirs. La société n’ayant pas effectué cette visite, son offre avait été rejetée comme irrégulière. Le juge a retenu que la visite du site était imposée par le règlement de consultation pour permettre à l’ensemble des soumissionnaires d’avoir une connaissance précise du lieu d’exécution, de façon à ce qu’ils apportent une réponse la plus adéquate possible, les plans mis à disposition des candidats par le DCE étant insuffisants pour avoir une connaissance approfondie du site et de ses contraintes. Dans ces conditions, la visite obligatoire prévue n’était manifestement pas dépourvue d’utilité pour l’examen des offres et l’acheteur était tenu d’écarter l’offre comme irrégulière (Tribunal administratif de Rennes, 31 mai 2024, requête n° 2402721).

Face à une offre présentée par un candidat ne s’étant pas présenté à la visite du site, il convient, avant de rejeter son offre pour irrégularité, de répondre par la positive aux deux questions suivantes.

  • QUESTION 1 : le règlement de la consultation mentionne-t-il expressément une visite obligatoire du site ?  Si la réponse est OUI, passer à la question 2 ;
  • QUESTION 2 : la visite présente-t-elle une véritable utilité pour apprécier l’offre ? si la réponse est OUI, déclarer l’offre irrecevable et la rejeter.

Pour finir, voici quelques questions à se poser pour déterminer l’utilité de la visite.

  • Les documents du dossier de consultation permettent-ils à eux seuls de remettre une offre circonstanciée ?
    • Le candidat a-t-il, pour une raison ou pour une autre, une connaissance approfondie des lieux et de ses contraintes du fait de sa participation à un marché antérieur sur le même site, de visites effectuées dans un autre contexte sans modification des lieux depuis ?
    • Quel était le but de la visite ? Les informations données pendant la visite étaient-elles primordiales pour présenter une offre ?
    • Les lieux et leurs contraintes peuvent-ils être connus de tous par un autre moyen (internet etc…) ?

Cette liste de questions à se poser n’est pas exhaustive, l’idéal étant de s’interroger sur le caractère utile (et donc potentiellement obligatoire) de la visite bien en amont de la réception des offres, c’est-à-dire à l’occasion de la rédaction du règlement de la consultation.

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