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Blog Fonction publique | Publication
17/02/2025

Absentéisme dans la fonction publique territoriale : vers une réforme ?

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Rédigé par

Franck Prin

Publié par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) le 15 novembre dernier, le rapport sur l’état de la fonction publique fait état d’une absence des agents de la fonction publique de 12 jours en moyenne en 2023, soit 1,7 jours de plus que les salariés du secteur privé. Il est éclairant quant aux causes de ce phénomène et propose des pistes de réforme.

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Constats et causes de l’absentéisme des fonctionnaires territoriaux

Le rapport de la DGAFP ne se borne pas à faire des constats. Il se veut également explicatif quant aux facteurs de l’absentéisme des fonctionnaires territoriaux.

Le rapport indique que les absences pour raisons de santé sont en baisse dans le secteur public en 2023. 

Néanmoins, il est également indiqué dans le même rapport que les absences pour raisons de santé sont plus importantes et plus longues dans la fonction publique territoriale qu’ailleurs : 

« La part des agents absents au moins un jour durant la semaine de référence pour raison de santé est plus faible dans la fonction publique de l’État (4 %) que dans les autres versants de la fonction publique (7 % dans la fonction publique territoriale et 6 % dans la fonction publique hospitalière). Les femmes et les agents âgés de 50 ans ou plus sont davantage absents (respectivement 6 % et 7 %). (…) ».

« Les agents de la FPE hors enseignants se sont absentés 8,4 jours en moyenne pour raison de santé, contre 9,3 jours pour les enseignants, 14,0 jours dans la FPH et 14,7 jours dans la FPT. (…) ».

Une étude de l’Observatoire MNT a dressé en 2023 un état des lieux de l’absentéisme dans la fonction publique territoriale. Le communiqué de presse publié par l’Observatoire le 11 octobre 2023 indique :

« L’analyse des facteurs explicatifs des absences, menée par l’Observatoire MNT, montre un phénomène aux racines multiples. Parmi elles, la pénibilité des métiers territoriaux avec leur surexposition aux contraintes physiques et aux risques professionnels, le manque de vision RH et d’anticipation des trajectoires professionnelles, et le vieillissement participent à faire croître l’absentéisme. Chaque acteur témoigne de son point de vue. Selon les élus locaux interrogés, viennent avant tout des facteurs extérieurs : la réduction des moyens financiers, l’augmentation du coût de la vie, la hausse des missions confiées aux collectivités. Alors que pour les décideurs administratifs et les acteurs médicaux, les motifs sont davantage d’ordre personnel ou liés au travail. Ils citent en premier un sentiment d’usure physique ou morale, des fragilités de santé personnelles, suivis de très près par des motifs collectifs liés à la charge de travail et au climat général. Ils sont unanimes sur la nature RH plutôt que financière des difficultés soulevées par la gestion des arrêts de travail et des moments charnières des arrêts. ». 

Il est intéressant de constater que élus locaux et les décideurs administratifs ont une vision opposée des motifs permettant d’expliquer l’absentéisme dans la fonction publique territoriale. Pour les premiers, l’absentéisme s’expliquerait par des facteurs exogènes de nature financière alors que pour les seconds, il s’agirait davantage de facteurs endogènes liés au métier d’agent territorial. 

Finalement, les deux facteurs explicatifs pourraient être interdépendants. L’un pourrait être la conséquence de l’autre. 

En quoi ces facteurs explicatifs pourraient interagir en pratique ?

Prenons un exemple dans l’actualité des compétences attribuées aux collectivités. L’État a officiellement transféré la compétence de délivrance des titres d’identité aux communes par une loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008 qui insère un article L.1611-2-1 dans le Code général des collectivités territoriales.

Une dotation de fonctionnement annuelle, dénommée « dotation pour les titres sécurisés », a été instituée par la loi de finances pour 2009 en faveur des communes équipées d’une ou plusieurs stations d’enregistrement des demandes de passeports et de cartes nationales d’identité. De 2009 à 2023, la dotation était forfaitaire et n’a quasiment pas évolué sur la période (5.030 €).

La gestion de la compétence de délivrance des titres d’identité est source de difficultés pour les communes :

  • Le montant de la dotation ne recouvre en moyenne que 25% du coût réel supporté par la commune en termes de coût du personnel et de coût informatique notamment. 
  • Les petites communes n’ont pas la capacité d’exercer un turn-over sur le poste d’agent chargé de la délivrance des titres. Pourtant, ce type de poste comporte des risques psychosociaux (capacité à faire face à un public mécontent du temps d’attente pour la délivrance des titres, stress, fatigue, etc.).

Dans cet exemple, on constate ainsi que c’est la stagnation de la dotation attribuée annuellement par l’État aux communes qui a engendré des difficultés pour ces dernières à faire face à l’accroissement du nombre de demandes. Or, cette difficulté s’est matérialisée par une hausse des délais de traitement des demandes, un mécontentement des administrés devant attendre pour recevoir leur titre d’identité et in fine cela a rejailli sur les conditions de travail des agents. 

Ce sont donc les facteurs exogènes (financiers) qui ont eu pour conséquence la survenance de facteurs endogènes (les risques psycho-sociaux pour les agents délivrant les titres), ce qui a pu contribuer à l’augmentation de l’absentéisme. 

Toujours est-il que le gouvernement a décidé d’intervenir pour endiguer le phénomène d’absentéisme. 

Les pistes de réforme pour endiguer le phénomène d’absentéisme

Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), commandé par le gouvernement et publié le 4 septembre 2024 émet des préconisations pour réduire le phénomène constant de l’absentéisme dans les collectivités territoriales. Il propose deux leviers.

Le premier levier sur lequel propose d’agir l’IGAS est un levier financier incitatif qui fait particulièrement polémique parmi les agents. La proposition de l’IGAS permettrait notamment de moduler la prise en charge des absences en vue de renforcer les incitations à la modération des arrêts maladie et à la réalisation d’économies budgétaires. 

Cette proposition se décline sous deux formes : l’instauration de jours de carence supplémentaires et la diminution du taux de remplacement de la rémunération des agents publics en arrêt de courte durée. 

Selon le rapport :

« L’instauration de deux ou trois jours de carence est un levier possible dans l’objectif de réduire la survenance des absences de courte durée, par incitation financière, et de dégager des économies budgétaires, par prélèvement sur la rémunération des agents publics en arrêt maladie. Le taux de remplacement effectif pour l’agent public en arrêt maladie serait dégradé́ par l’instauration de jours de carence supplémentaires et le régime deviendrait en moyenne plus défavorable que celui du secteur privé. ».

Le second levier est celui du renforcement de la politique de prévention de la santé et de la sécurité au travail pour lutter contre la survenance des risques psycho-sociaux. 

Le rapport propose de développer le temps partiel thérapeutique comme une solution dans la lutte contre la désinsertion professionnelle de certains agents et comme une possibilité de maintenir l’agent en emploi. 

Il prévoit également la possibilité de développer des actions en partenariat avec les mutuelles pour améliorer l’état de santé des agents au travail.

Enfin, est évoquée la possibilité de définir un cadre réglementaire de contrôle administratif de la présence à domicile des agents pendant les arrêts maladie car aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit aujourd’hui les suites à donner à des manquements constatés lors de tels contrôles. 

À cela s’ajoute également la problématique rencontrée par les collectivités selon laquelle les médecins ne fixent pas d’heures de présence obligatoires au domicile mais indiquent au contraire une liberté totale dans les sorties, ce qui ne permet pas le contrôle. 

Ce levier de renforcement de la politique de prévention de la santé et de la qualité de vie au travail est certainement le levier qui fait le plus consensus aujourd’hui. Il permettrait de lutter contre les causes profondes du phénomène, inhérentes à l’emploi public, c’est-à-dire la survenance de risques psychosociaux. 

Il conviendrait même d’aller encore plus loin pour lutter contre les facteurs exogènes explicatifs de l’absentéisme, à savoir la baisse considérable de moyens financiers des collectivités face à un accroissement du nombre de compétences. 

À retenir :

Le phénomène d’absentéisme au travail est en progression dans la fonction publique territoriale. Il s’explique par des facteurs endogènes liés à l’emploi public et à des facteurs exogènes liés à des manques de moyens financiers des collectivités et une hausse de la charge de travail des agents. 

Franck Prin

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