L’article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations liste vingt-quatre motifs de discrimination. Parmi eux, se trouve, en dixième position, la discrimination fondée sur l’état de santé. Comment le juge administratif appréhende-t-il ce motif lorsqu’un agent contractuel l’invoque pour contester le non-renouvellement de son contrat ? Voici les principaux éléments de réponse, illustrés par deux jurisprudences récentes.
Pas de discrimination en cas de désorganisation du service
En juin dernier, le Tribunal administratif de Melun a condamné une commune pour avoir décidé du non-renouvellement du CDD d’un agent au motif que ce dernier était placé en congé maladie.
Le raisonnement a été le suivant :
Par principe, un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie d’aucun droit au renouvellement de son contrat.
Toutefois, l’administration ne peut légalement décider du non-renouvellement du CDD ou proposer à l’agent un nouveau contrat substantiellement différent du précédent que pour un motif tiré de l’intérêt du service.
Il incombe donc à l’administration de justifier de la réalité de l’intérêt du service à ne pas renouveler l’engagement d’un agent non titulaire donnant satisfaction.
Or, dans cette affaire, le maire de la commune concernée n’a fait valoir aucun élément permettant de caractériser les conséquences de cette situation sur l’intérêt du service, notamment en termes de désorganisation du service.
Par suite, le tribunal administratif a jugé que le maire ne pouvait légalement refuser de renouveler son contrat sur le seul motif tiré de son placement en arrêt de travail pour motif médical ». (Tribunal administratif de Melun, 27 juin 2024, Commune de Champigny-sur-Marne, n°2108900)
A noter que dans ce dossier, la Commune avait invité l’agent à candidater à nouveau à l’issue de son congé maladie. Cela établissait donc qu’elle était prête à poursuivre sa collaboration avec l’agent et que seule la situation administrative de congé maladie posait problème à ses yeux.
Arrêt maladie et éviction soudaine du service : présomption de discrimination
Sans surprise, pour rechercher l’existence d’une discrimination à raison de l’état de santé, le juge administratif s’intéresse à la chronologie des évènements.
Ainsi, la Cour administrative d’appel de Toulouse a pu retenir l’existence d’une discrimination commise au moment du non-renouvellement du contrat d’un agent travaillant en EPHAD en constatant la concomitance de trois évènements :
- la survenance d’un troisième arrêt maladie ;
- le remplacement immédiat de l’agent ;
- et la décision de non-renouvellement du CDD.
Selon elle, ces éléments permettent de présumer l’existence d’une discrimination fondée sur son état de santé, à charge pour l’administration d’apporter un argumentaire en sens contraire.
Dans cette affaire, l’employeur public avait tenté de présenter un tel argumentaire mais celui-ci n’a pas convaincu les juges, lesquels ont conclu à l’issue de l’instruction que l’agent nouvellement recrutée avait bien vocation à remplacer l’agent en congé maladie
La Cour en a déduit qu’il ne résultait pas de l’instruction que la décision de non-renouvellement du contrat à durée déterminée aurait été prise dans l’intérêt du service ou qu’elle reposerait sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Par suite la décision de non renouvellement a été considérée comme une mesure discriminatoire fondée sur l’état de santé, de nature à engager la responsabilité pour faute de l’établissement employeur (Cour administrative d’appel de Toulouse, 26 mars 2024, EHPAD du Docteur A… C…, n°22TL00577).
Fin de contrat et maladie : la prudence s’impose
Que faut-il retenir de ces deux illustrations jurisprudentielles ?
Tout d’abord, il est bien évidemment illégal de fonder un non-renouvellement de contrat sur l’état de santé de l’agent.
Ceci étant, quand cet état de santé engendre des absences répétées ou prolongées d’un agent contractuel, celles-ci peuvent conduire l’employeur public à décider légalement de ne pas renouveler le contrat, à condition toutefois qu’elles désorganisent le service.
En pareille situation, l’administration doit garder à l’esprit qu’en cas de recours contentieux de l’agent contre la décision de non-renouvellement de son contrat, le juge administratif attendra d’elle qu’elle démontre que la décision a été fondée uniquement sur l’intérêt du service.
En effet, si son argumentation et ses justificatifs sont considérés comme étant insuffisants, l’employeur public risque l’annulation de sa décision, ainsi que l’engagement de sa responsabilité.
Pour cette raison, si la désorganisation du service s’avère réelle et problématique, il est conseillé aux services RH de conserver l’ensemble des éléments en attestant (plannings, échanges de courriels, etc.)