Article L. 121-8 : dans une urbanisation diffuse, les constructions sont interdites même si elles n’étendent pas le périmètre bâti

par | Jan 28, 2022 | Jurisprudence - Loi littoral, Loi littoral | 0 commentaires

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Résumé : la Cour administrative d’appel de Marseille rappelle que dès lors qu’un espace ne peut pas être qualifié d’agglomération ou de village existant au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme précisé par le PADDUC, il constitue une urbanisation diffuse dans laquelle aucune construction nouvelle ne peut être autorisée alors même qu’elle n’étendrait pas le périmètre bâti (CAA Marseille, 24 janvier 2022, n° 20MA01137).

L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme dispose que l’extension de l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et les villages existants. Le Conseil d’État a rappelé « qu’il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages » (CE, 9 novembre 2015, n° 372531, Commune de Porto-Vecchio).

En Corse, ce principe est complété par le PADDUC qui prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu’il constitue, à l’importance et à la densité significatives de l’espace considéré et à la fonction structurante qu’il joue à l’échelle de la micro-région ou de l’armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs, un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l’espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l’organisation et le développement de la commune.

La jurisprudence a depuis longtemps rappelé que puisque ces prescriptions précisaient l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme tout en étant compatible avec lui, elles devaient être prises en compte. Le PADDUC ne fait pas écran à la loi Littoral comme on peut l’entendre parfois; il constitue un prisme à travers la loi s’applique. Le Blog a souvent eu l’occasion de traiter cette question.

Sur ce point, la Cour administrative d’appel de Marseille applique donc une jurisprudence constante lorsqu’elle juge que les prescriptions du PADDUC « apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l’urbanisme particulières au littoral [et qu’] elles ne se substituent pas aux dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme qui demeurent applicables ».

Ce cadre juridique étant posé, la Cour devait se prononcer sur la qualification a donner au secteur de Serragia, sur la commune de Sartène.

Les parcelles n° 1039 et 1041 au centre du lieu-dit Serragia, sur la commune de Sartène (carte géoportail interactive)

Pour la Cour :

« Comme l’a jugé le tribunal, si le terrain d’assiette du projet en litige se situe à proximité d’autres constructions, celles-ci sont implantées de façon diffuse sans que la morphologie et la structuration de l’ensemble qu’elles constituent permettent de le regarder comme constituant un village ou une agglomération au sens des dispositions précitées du code de l’urbanisme telles que précisées par le PADDUC, de sorte qu’aucune construction ne peut en principe y être autorisée ».

L’arrêt est intéressant car la Cour prend soin d’ajouter que ce principe vaut quand bien même un projet n’aurait « pas pour effet d’étendre le périmètre bâti que peuvent constituer des constructions implantées en un même lieu ».

Cette analyse est parfaitement conforme à la jurisprudence du Conseil d’Etat qui avait rappelé que ne commet pas d’erreur de droit une cour administrative d’appel qui annule un permis de construire en application de l’article L. 121-8 sans rechercher si la construction envisagée constituait, par elle-même, une extension de l’urbanisation alors même qu’elle était située au sein d’une zone déjà urbanisée (CE, 27 juin 2008, n° 288942, Commune de Nevez). La cour administrative d’appel de Nantes avait tenu le même raisonnement au sujet d’une construction située au centre d’un ensemble d’une dizaine de maisons d’habitation (CAA Nantes, 11 octobre 2013, n° 12NT01355, Commune de Landeda). La même cour avait aussi jugé, à propos de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, que bien qu’un projet soit situé dans une enveloppe bâtie, toute nouvelle construction dans une urbanisation diffuse est soumise au principe de continuité avec les agglomérations et les villages existants (CAA Nantes, 1er février 2017, n° 15NT01067). Plus explicite encore, la cour administrative d’appel de Lyon avait rappelé qu’une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-8 « peut résulter soit de l’agrandissement de zones déjà construites, soit de constructions supplémentaires à l’intérieur de l’enveloppe de celles-ci » (CAA Lyon, 3 mai 2018, n° 16LY02292, Communauté de Communes des sources du lac d’Annecy).

Par le passé, les juridictions avaient pu se montrer plus hésitantes. La cour administrative d’appel de Marseille avait par exemple jugé que « la seule réalisation de deux villas qui consiste en une opération limitée de construction, ne peut être assimilée à une extension de l’urbanisation au sens de la loi ; que les moyens tirés de la méconnaissance des I et II de l’article L. 146-4 (actuel L. 121-8 et L. 121-13) précitées doivent dès lors eux aussi être écartés » (CAA Marseille, 3 avril 2015, n° 13MA00684, Association de défense de l’environnement de Bormes et du Lavandou). La cour administrative d’appel de Bordeaux avait aussi estimé que la réalisation de 6 constructions qui s’insèrent dans le bâti environnant et qui n’augmentent pas sensiblement la densification des constructions n’est pas une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-8 (CAA Bordeaux, 25 juin 2015, n° 13BX02223). Ces positions ne sont toutefois plus d’actualité.

L’arrêt que vient de rendre la Cour administrative d’appel de Marseille confirme que dès lors qu’un espace ne peut pas être qualifié d’agglomération ou de village existant au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, il constitue une urbanisation diffuse dans laquelle aucune construction nouvelle ne peut être autorisée et ce alors même qu’elle se situerait en « dent creuse » au milieu de l’espace bâti ou qu’elle serait de dimension modeste. Dans ces espaces, seule l’extension des constructions existante pourra être autorisée. Il n’en irait toutefois autrement que si l’espace en question est qualifié de secteur déjà urbanisé au sens de l’article L. 121-8 dans sa rédaction issue de la loi ELAN.

Sources des illustrations : Google Earth et Géoportail

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