Un principe bien connu, issu de la célèbre jurisprudence Thalamy est qu’une construction irrégulière ne peut faire l’objet de nouveaux travaux (sauf à régulariser l’ensemble).

Il existe plusieurs possibilités pour régulariser une construction irrégulière (par exemple, en recourant au permis de construire modificatif, lorsque les conditions sont réunies, ainsi que l’expose notamment le Blog dans cet article).

Faute de régularisation, de nouveaux travaux peuvent néanmoins être autorisés, lorsque la construction est achevée depuis plus de 10 ans – et sauf exceptions. Cette hypothèse est prévue par l’article L.421-9 du code de l’urbanisme.

Quid d’une construction réalisée conformément à un permis de construire finalement annulé ?

En effet, il peut arriver que le permis de construire soit finalement annulé alors que la maison est déjà construite. 

Cette annulation peut résulter d’un long contentieux devant les juridictions administratives, pendant 2, 3, 4 années (voire plus…). Pendant ce laps ce temps, un recours contentieux n’étant pas suspensif, les travaux peuvent être réalisés et la maison achevée conformément au permis de construire initial délivré (et alors non annulé).

Alors, peut-on autoriser de nouveaux travaux passé un délai de 10 ans ?

Une réponse est apportée par l’article L.421-9 du code de l’urbanisme :

« Lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d’opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme. 

Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables :

(…)

 5° Lorsque la construction a été réalisée sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu alors que celui-ci était requis »

Autrement dit, même si la construction a été irrégulièrement édifiée, de nouveaux travaux peuvent être autorisés si la construction est achevée depuis plus de dix ans.  

Il existe toutefois plusieurs exceptions

L’une des exceptions, visée par l’alinéa 5, concerne les constructions édifiées sans permis de construire.

Le législateur n’a pas entendu autoriser de nouveaux travaux, même passé un délai de 10 ans, sur des constructions qui n’ont jamais été autorisées.

Cette sévérité s’explique bien sûr par la gravité de l’infraction d’urbanisme ainsi commise.

Le cas de l’annulation du permis initial

La rédaction de cet alinéa 5 a été modifiée par la Loi ELAN du 23 novembre 2018.

La proposition N°19 « Propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace » du rapport de la commission de Mme Maugüé avait préconisé une clarification rédactionnelle à cette exception, en précisant que : « ne peut être regardée comme une construction réalisée sans permis au sens de ces dispositions les constructions réalisées sur le fondement d’un permis annulé par la suite ».

Cet alinéa est donc désormais issu, dans sa nouvelle rédaction, de l’article 80 de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dite « ELAN ».

L’objectif de cet alinéa est bien de viser les seules constructions réalisées sans aucun permis, et non les permis annulés.

Une clarification bienvenue

En effet, l’article, dans sa rédaction initiale (issue de la loi portant Engagement National pour le Logement, dite Loi ENL du 13 juillet 2006) laissait à penser que la possibilité de réaliser de nouveaux travaux passé un délai de 10 ans ne pouvait s’appliquer :

  • Ni aux constructions réalisées sans permis ;
  • Ni aux constructions dont les permis ont été annulés.

Juridiquement, il est vrai qu’un permis de construire annulé ou retiré est censé ne jamais avoir existé.

Cette position semblait toutefois sévère à l’égard des pétitionnaires de bonne foi, qui subissaient l’annulation de leur permis de construire 2 à 3 ans après sa délivrance, et alors que les travaux étaient achevés.

Il est donc opportun que le législateur n’ait visé, dans cet alinéa 5, que l’absence de permis de construire au moment de la réalisation des travaux.

L’annulation du permis ne fait donc pas obstacle à la délivrance d’un nouveau permis de construire, si les travaux initiaux ont plus de 10 ans.

Pauline Riou

Share