Résumé : La jurisprudence rappelle régulièrement que lorsqu’une construction a été édifiée en méconnaissance d’une autorisation d’urbanisme, de nouveaux travaux ne peuvent être envisagés qu’à la condition que la demande d’autorisation porte également sur la régularisation de la construction. Ce principe s’applique également au ravalement d’une façade comme vient le le rappeler le Tribunal administratif de Nice dans un jugement du 12 avril 2023 (n°1906055).

1 – Les faits de l’espèce : un syndicat de copropriétaires déclarant des travaux de ravalement de façades

Dans le présent contentieux, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble « Regina Beach » avait déposé une déclaration préalable de travaux le 6 juin 2019 auprès de la mairie de SAINT-LAURENT-DU-VAR (commune littorale près de Cannes) portant sur le ravalement de façade de l’immeuble situé au 1074 route du bord de mer. 

Le maire de la commune s’est néanmoins opposé à cette déclaration préalable par arrêté du 4 juillet 2019 en considérant que des travaux non autorisés avaient été réalisés sur l’immeuble pour lequel la déclaration préalable avait été déposée.

En effet, trois procès-verbaux d’infraction avaient été établis les 4 mars, 24 avril 2002 et 20 décembre 2006, constatant que l’immeuble avait fait l’objet de plusieurs modifications ayant consisté :

  • « en la fermeture de solariums annoncés par le permis initial comme non clos et à l’air libre, emportant (…) la création d’une [surface hors d’œuvre nette nouvelle] de 71,80 m2 » ;
  •  « en la fermeture de la façade au moyen de haies vitrées et chassis coulissants de plusieurs balcons emportant la création d’une [surface hors d’œuvre nette nouvelle] de 70,95 m2 ». 

Par un courrier en date du 2 août de la même année, le syndicat a formé un recours gracieux contre cet arrêté, implicitement rejeté.

Par une requête en date du 13 décembre 2019, ce syndicat a demandé d’annuler l’arrêté du 4 juillet 2019 et la décision portant rejet de son recours gracieux. 

L’association requérante contestait la légalité de cet arrêté en se prévalant des dispositions de l’article L. 421-9 du code de l’urbanisme, selon lesquelles « Lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d’opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme » et de la circonstance que les infractions mentionnées dans les procès-verbaux établis les 4 mars, 24 avril 2002 et 20 décembre 2006 étaient prescrites et n’avaient pas donné lieu à une décision de justice ordonnant leur démolition en application de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme. 

Elle faisait valoir également que ces travaux étaient nécessaires à la préservation de l’immeuble et au respect des normes applicables. 

2 – Les règles de régularisation des constructions irrégulièrement édifiées

Ce contentieux donne l’occasion au juge du Tribunal administratif de Nice de rappeler certaines des règles prévalant en matière de régularisation des constructions irrégulières, désormais bien établies. Nous en avions déjà parlé dans cet article.

Il résulte d’une jurisprudence rendue il y a maintenant plus de 30 ans (Conseil d’Etat, 9 juillet 1986, Mme Thalamy, requête n°51172 ; ou désormais : CE, 13 décembre 2013, Mme Carn et autres, n° 349081) que lorsqu’une construction a été édifiée sans respecter la déclaration préalable déposée ou le permis de construire obtenu ou a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient à son propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de « présenter une demande portant sur l’ensemble des éléments de construction qui ont eu ou qui auront pour effet de transformer le bâtiment tel qu’il avait été autorisé par le permis primitif ». 

Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation.Une telle exigence ne trouve cependant pas à s’appliquer dans le cas où les travaux effectués sans autorisation concernent d’autres éléments bâtis sur le terrain d’assiette du projet si le permis demandé ne porte pas sur ces éléments distincts du projet, sauf si ces derniers forment avec la construction faisant l’objet de la demande d’extension, en raison de liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique (Conseil d’Etat, 19 juin 2020, Société Fourseasons Group, n 424967). En d’autres termes, l’obligation de présenter une demande intégrant les travaux irréguliers « s’applique à l’échelle d’une construction voire d’un ensemble immobilier unique, mais non de l’ensemble de l’unité foncière » (cf. conclusions sous la décision précitée de M. Alexandre Lallet).

A défaut de présenter une telle demande, l’autorité administrative doit inviter le pétitionnaire à le faire et est en situation de compétence liée pour opposer un refus à la demande initialement présentée (Conseil d’Etat, 27 juillet 2012, Mme Da Silva Soares, requête n° 316155 : « Lorsqu’une demande porte sur des travaux qui concernent un bâtiment ayant été édifié sans l’autorisation prévue par les dispositions du code de l’urbanisme, cette demande doit porter sur l’ensemble du bâtiment. Le maire a donc compétence liée pour s’opposer à une déclaration de travaux concernant ces seuls travaux »).

Le juge a précisé cette règle en prévoyant l’hypothèse dans laquelle le pétitionnaire présente une demande d’autorisation portant sur les éléments à régulariser (Conseil d’Etat, 16 mars 2015, requête n°369553 ; ou encore : Conseil d’Etat, 3 mai 2011, Mme Ely, requête n°320545) : 

« 3. Considérant qu’il appartient à l’autorité administrative, saisie d’une telle déclaration ou demande de permis, de statuer au vu de l’ensemble des pièces du dossier d’après les règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision ; qu’elle doit tenir compte, le cas échéant, de l’application des dispositions [de l’article L. 421-9 du code de l’urbanisme] qui prévoient la régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans à l’occasion de la construction primitive ou des modifications apportées à celle-ci, sous réserve, notamment, que les travaux n’aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables ; que, dans cette dernière hypothèse, si l’ensemble des éléments de la construction (…) ne peuvent être autorisés au regard des règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision, l’autorité administrative a toutefois la faculté, lorsque les éléments de construction non autorisés antérieurement sont anciens et ne peuvent plus faire l’objet d’aucune action pénale ou civile, après avoir apprécié les différents intérêts publics et privés en présence au vu de cette demande, d’autoriser, parmi les travaux demandés, ceux qui sont nécessaires à la préservation de la construction et au respect des normes ; »

Saisie d’une telle demande, l’administration doit suivre une démarche double : 

Elle doit d’abord s’enquérir du point de savoir si la prescription administrative prévue à l’article L. 421-9 du code de l’urbanisme, issue de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, s’applique aux éléments non autorisés.  

Cette hypothèse demeure assez rare en pratique puisqu’elle est exclue pour les éléments irrégulièrement édifiés relevant d’un permis de construire, l’article L. 421-9, alinéa 2 disposant que : « Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables : (..) 5° Lorsque la construction a été réalisée sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu alors que celui-ci était requis » (cf. également : Conseil d’Etat, 3 février 2017, M. Eber, requête n°373898).

Si la prescription s’applique, l’autorité administrative peut délivrer l’autorisation pour les seuls éléments de construction dont le pétitionnaire prévoit la réalisation.  

Si la prescription administrative ne s’applique pas, l’autorité administrative est invitée à faire preuve d’un certain pragmatisme dans l’hypothèse où la construction dans son entier ne peut être autorisée au regard des règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision.

En effet, comme le précise la jurisprudence susmentionnée, les travaux demandés doivent être autorisés si ces derniers sont nécessaires à la préservation de la construction et au respect des normes, à la condition toutefois que « les éléments de construction non autorisés antérieurement sont anciens et ne peuvent plus faire l’objet d’aucune action pénale ou civile ». 

L’administration semble disposer d’un pouvoir d’appréciation assez large dans l’application de cette règle puisqu’elle doit réaliser un bilan des intérêts publics et privés en présence.

La jurisprudence apparaît également plutôt sévère sur le contrôle de l’utilité des travaux. 

Il a ainsi été jugé que n’étaient pas nécessaires à la préservation de la construction et au respect des normes des travaux consistant en la remise en état de la toiture d’un local implanté sur la toiture terrasse d’une villa (Cour administrative d’appel de Marseille, 27 octobre 2022, requête n°20MA01283). Dans le même ordre d’idée, il a encore été jugé que des travaux portant sur la toiture d’une maison d’habitation, qui était à l’origine une toiture terrasse, consistant en la pose d’une nouvelle couverture alors que celle existante avait été décrite dans la notice descriptive du projet comme « en état » et devant seulement être « remaniée par endroit », n’étaient pas nécessaires à la préservation de la construction initiale (Tribunal administratif de Caen, 2 mars 2023, requête n°2102333). 

3 – La solution du juge : un ravalement de façade impossible

Au cas d’espèce, les travaux irréguliers réalisés portaient sur la création d’une surface hors d’œuvre nette (SHON) nouvelle de plus de 140 m2.

En application des dispositions de l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme alors applicables (« Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires : a) Les travaux ayant pour effet la création d’une surface hors oeuvre brute supérieure à vingt mètres carrés ; (…) »), un permis de construire aurait dû être sollicité pour la création d’une telle SHON.

Or, cela n’avait pas été fait.

Ainsi, « eu égard à l’ampleur des surfaces nouvellement créées qui ne sont pas contestées par le syndicat requérant, ces travaux relevaient (…) du champ d’application du permis de construire ».

Par suite, le Tribunal juge que le Maire de SAINT-LAURENT-DU VAR était tenu de s’opposer à la déclaration préalable de travaux litigieux. 

Il juge, par ailleurs, à l’analyse des pièces qui lui étaient présentées, et notamment d’un devis de l’entreprise prestataire, que les travaux litigieux, portant sur le ravalement des façades de l’immeuble, « ne sont pas nécessaires à sa préservation ou au respect des normes applicables » (c’est là l’apport de ce jugement).

Fort de ces éléments, le Tribunal rejette la requête.

Notons pour finir que l’irrégularité d’une autorisation d’urbanisme tenant au fait que celle-ci ne porte pas sur l’ensemble des changements apportés à la construction par rapport à ce qui a été initialement autorisé est d’une telle gravité que le juge la considère comme n’étant pas régularisable en cours d’instance en application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme (décision précitée : Conseil d’État, 6 octobre 2021, Société Maresias, requête n°442181, point 6). Cette question ne se posait pas dans le présent contentieux puisque le maire de la commune avait directement refusé l’autorisation demandée. 

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