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Blog Droit de l'urbanisme
05/05/2025

Bâtiment en état de péril : quelle procédure suivre ?

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Rédigé par

Pauline Riou

Les différentes tempêtes hivernales (Ciaran, ou plus récemment la tempête Herminia en janvier 2025) fragilisent souvent certains bâtiments non entretenus par leur propriétaire. Comment les collectivités peuvent-elles agir efficacement face au danger ? La marche à suivre nécessite d’être rappelée, car la procédure de péril a fait l’objet d’une réforme de simplification par l’ordonnance n°2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l'harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations, complétée par le décret n°2020-1711 du 24 décembre 2020.

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Le nouveau dispositif, profondément révisé, est entré en vigueur le 1er janvier 2021. La procédure de péril est dorénavant appelée « procédure de mise en sécurité ». Face à un bâtiment en état de péril, voici les étapes qu’il convient désormais de respecter.

1. Identifier le péril et sécuriser les lieux

Dès qu’un bâtiment présente un danger pour la sécurité publique, la première étape consiste à prendre un arrêté de police, sur le fondement des pouvoirs de police générale du Maire (articles L.2212-2 et L.2212-4 du Code général des collectivités territoriales).

Cet arrêté permet :

  • d’interdire l’accès à l’immeuble en péril et à ses abords ;
  • de poser des barrières de sécurité ;
  • de restreindre la circulation dans le secteur concerné.

✅ Une fois les lieux sécurisés, on peut engager la procédure de mise en sécurité.

En général, le Maire est compétent. Toutefois, avant d’engager la procédure, il faut bien vérifier qu’il n’y a pas eu de transfert de compétence au profit du président de l’intercommunalité.

2. Faire constater l’état du bâtiment par un expert

Toutes les collectivités sont susceptibles d’avoir sur leur territoire des bâtiments dans un état préoccupant, voire qui menacent de tomber en ruine. Pour autant, elles ne disposent pas nécessairement  de services techniques ou d’agents capables d’identifier les mesures de consolidation nécessaires pour mettre fin, au moins temporairement, au péril.

 Les problèmes liés à l’état d’une construction nécessitent en effet une expertise technique bien précise.

La commune peut solliciter la désignation d’un expert auprès du Tribunal administratif compétent, afin de disposer d’un rapport circonstancié sur la dangerosité du bâtiment et les mesures à envisager pour que le péril cesse (consolidation, évacuation, démolition).

Concrètement, il faut :

  • Informer l’assurance (certains frais peuvent être couverts) ;
  • Rassembler les photos et documents sur l’état du bâtiment ;
  • Fournir les coordonnées du propriétaire.

Si certaines constations peuvent être effectuées depuis la voie publique, il est parfois nécessaire de rentrer sur les lieux pour bien apprécier l’état du bâtiment.

⚠️ Que faire en cas de blocage ?

La collectivité peut se heurter au refus du propriétaire (ou, bien souvent, à son absence de réponse) pour entrer dans le bâtiment.

La commune est alors contrainte de solliciter l’autorisation du Juge judiciaire (s’il s’agit d’un local habité, il faut saisir le Juge de la liberté et de la Détention) afin de pouvoir pénétrer sans l’accord du propriétaire (cf. article L.511-7 du code de la construction et de l’habitation).

3. Prendre un arrêté de mise en sécurité

Depuis la réforme, on ne parle plus d’arrêté de péril mais d’«arrêté de mise en sécurité ». Celui-ci doit parfois être précédé d’une procédure contradictoire. Il doit en tout état de cause comporter des mentions obligatoires.

L’expert, dans son rapport, pourra aider la collectivité à préciser le danger : le bâtiment présente-t-il un risque imminent ? Par exemple, des ardoises, voire des briques ou des pans de murs entiers, menacent-t-ils de chuter instantanément sur le domaine public, ou sur les propriétés voisines ?

Il faudra alors engager la procédure de mise en sécurité urgente.

Si ce risque d’effondrement ne semble pas immédiat, et que la sécurité publique n’est pas affectée à très court terme, on pourra opter pour la procédure de mise en sécurité ordinaire.

🔺 En cas de danger imminent 

Conformément à l’article L.511-19 du Code de la construction et de l’habitation, il n’est pas nécessaire d’engager de procédure contradictoire préalable.

⚠️ En cas de péril ordinaire 

Il est obligatoire de respecter la procédure contradictoire : il faut informer le propriétaire et lui permettre de présenter ses observations. Un délai de 15 jours est généralement imparti. Ces observations peuvent être écrites ou orales. Le propriétaire peut se faire assiste d’un avocat.

Une fois l’expertise obtenue, et la procédure contradictoire réalisée (en cas de péril ordinaire), la commune peut prendre un arrêté de mise en sécurité.

L’arrêté de mise en sécurité doit comporter les mentions suivantes.

  • Les travaux à réaliser. Quelques exemples de mesures :

–           Pose de barrière autour du bâtiment afin de condamner chaque accès ;

–           Dépose intégrale de la couverture et des gouttières ;

–           Pose d’étais pour supporter la charpente et les murs porteurs ;

  • Le délai imparti 
  • Les sanctions en cas d’inexécution (exécution d’office)

L’arrêté de mise en sécurité doit être notifié au propriétaire par courrier recommandé.

Lorsqu’une copropriété est concernée, l’arrêté doit également viser le syndicat des copropriétaires.

Par ailleurs, dans certains cas, le Maire doit informer l’architecte des bâtiments de France de la procédure de mise en sécurité (article R.511-4 du CCH).

💡 Attention : toute démolition d’un immeuble en péril nécessite l’autorisation du président du Tribunal judiciaire (même pour une démolition partielle).

 

En cas d’interdiction d’habiter pesant sur un logement loué, le propriétaire est tenu d’assurer le relogement des occupants (article L. 521-1 du Code de la construction et de l’habitation). Lorsque le propriétaire n’assume pas cette obligation, l’article L. 521-3-2 du CCH précise que le maire prend les dispositions nécessaires relatives à l’hébergement des locataires.

Ces frais d’hébergement sont ensuite mis à la charge du propriétaire par le biais d’un titre de recette.

Le fonds d’aide pour le relogement d’urgence (FARU), institué par l’article L.2335-15 du CGCT (jusqu’au 31 décembre 2025) permet d’octroyer des aides aux communes, lorsqu’elles prennent en charge le relogement d’urgence de personnes occupant des locaux ayant fait l’objet d’une procédure de péril.

4. Prononcer la mainlevée ou exécuter d’office les travaux

À l’expiration du délai imparti par l’arrêté de mise en demeure, deux hypothèses sont possibles :

  • Soit les travaux ont été réalisés par les propriétaires : ce n’est, malheureusement, pas l’hypothèse la plus fréquemment rencontrée ;
  • Soit les travaux n’ont pas été exécutés : la commune doit alors se substituer au propriétaire défaillant.

C’est l’hypothèse dans laquelle les travaux prescrits ont été réalisés, dans le délai imparti par l’arrêté de mise en sécurité.

En application de l’article L.511-14 du CCH, le maire doit constater l’achèvement des travaux prescrits et prononcer la mainlevée de l’arrêté de mise en sécurité ou d’interdiction d’habiter.

Cet arrêté est :

  • Notifié comme l’arrêté initial (art. L.511-12 CCH) ;
  • Publié au fichier immobilier à la diligence du propriétaire ;
  • Communiqué aux personnes visées à l’article R.511-7 du CCH.

La commune peut (et même doit, en principe) réaliser elle-même les travaux si le propriétaire est défaillant.


💣 Si ces travaux incluent une démolition, il faut obtenir l’autorisation du Président du Tribunal judiciaire.

Un arrêté d’exécution d’office devra être édicté, éventuellement après procédure contradictoire (lorsqu’il n’y a pas d’urgence).

5. Anticiper les litiges de voisinage : le référé préventif

Cette étape est optionnelle, mais permet de sécuriser la réalisation de travaux, notamment de démolition.

En effet, en cas de démolition d’un bâtiment mitoyen, des troubles peuvent survenir avec les voisins (affaissements, fissures, etc.).

Il est vivement recommandé d’engager un référé préventif devant le Tribunal administratif pour faire constater l’état des constructions voisines avant les travaux.

Concrètement, il s’agit de demander au Tribunal la désignation d’un expert. Cet expert pourra, avec l’accord des voisins concernés, effectuer un constat de l’état des lieux, repérer les fragilités du bâti, donner des conseils sur la conduite des travaux…

Cela permet ainsi d’éviter d’éventuelles procédures ultérieures, que l’on rencontre parfois, les voisins se plaignant de l’impact qu’ont eu les travaux engagés par la commune.

 

6. Recouvrer les frais engagés

Conformément à l’article L.511-14 du CCH, la commune peut émettre un titre de recette pour récupérer les dépenses liées aux travaux de sécurisation, sous condition de solvabilité du propriétaire.

Les frais recouvrables incluent :

  • L’expertise : dans certains cas uniquement.

Conformément aux dispositions de l’article R.511-9 du CCH, la commune ne pourra solliciter le remboursement des frais d’expertise par les propriétaires que dans l’hypothèse où elle ferait exécuter d’office les travaux après expiration du délai fixé par l’arrêté de mise en sécurité. Ces dispositions ont été confirmées par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes du 26 mars 2021 (requête n°20NT01272).

  • Les barrières et mesures de sécurité ;
  • Les travaux ;
  • Les frais de procédure.

💣 En fonction du montant des travaux engagées la procédure de mise en sécurité peut être lourde pour le budget des collectivités… Ces enjeux financiers freinent bien souvent les collectivités dans l’engagement de ces procédures.

Et pourtant, la responsabilité de la commune peut être engagée pour ne pas avoir mené à terme une procédure de mise en sécurité, et notamment si le maire ne fait pas exécuter d’office des travaux prescrits en cas de carence du propriétaire (Conseil d’Etat, 27 décembre 2006 requête n°284022 ; Cour administrative d’appel de Marseille, 30 juillet 2013 requête n° 11MA03520).

Face au risque d’un impayé, il est possible de demander au comptable de prendre une sûreté, c’est-à-dire une hypothèque du bien en question.

De telles précautions peuvent toutefois ne pas suffire à recouvrer les fonds engagés par la collectivité pour assurer la mise en sécurité du bien.

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