Accueil ▶︎ Implantation des constructions près d’une voie privée : quelles règles appliquer ?
Blog Droit de l'urbanisme
04/07/2025

Implantation des constructions près d’une voie privée : quelles règles appliquer ?

Pour partager cet article :

Rédigé par

Chloé Trémouilles

L’implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques qui desservent un terrain est la plupart du temps règlementée par les plans locaux d’urbanisme (PLU). Lorsque le terrain borde une autre parcelle privée, il s’agit alors de règlementer l’implantation des constructions en limite séparative, qui constitue une règle distincte, mais cumulative avec la première. Ces règles d’implantation peuvent être différentes. Par exemple, l’implantation peut être possible en limite séparative, mais un recul de deux mètres peut être imposé lorsque la construction borde une voie publique. En pratique, la difficulté survient lorsque le terrain borde une parcelle privée (ce qui suppose d’appliquer les règles implantation par rapport aux limites séparatives) mais sur laquelle est située une voie privée (ce qui suppose d’appliquer les règles d’implantation par rapport aux voies). À quelle distance implanter la construction ? En limite ou en recul de deux mètres de ladite limite ? La question peut sembler technique, mais pose difficulté à nombre de services instructeurs. Voici les éléments à avoir à l’esprit pour trancher.

Tout sur les thématiques :

Commande publique

En savoir plus

Droit de l’urbanisme

En savoir plus

Fonction publique

En savoir plus

Rappel sur la notion de voie en droit de l’urbanisme

Avant d’aborder le vif du sujet, un bref rappel des définitions s’impose s’agissant de la notion générique de « voie » en droit de l’urbanisme, mais aussi de celle, plus spécifique, de « voie ouverte à la circulation publique ».

Selon le lexique national d’urbanisme, une voie est « l’espace ouvert à la circulation publique, comprenant la chaussée, les trottoirs, fossés et talus ». 

Elle peut être publique ou privée, mais doit comporter des aménagements adaptés à la circulation des personnes et des véhicules.

La jurisprudence administrative confirme cette approche : une voie doit non seulement desservir plusieurs propriétés, mais également être aménagée à cette fin. À défaut, la qualification de voie peut être écartée.

Par exemple, un chemin en graviers, sans aménagements spécifiques, n’a récemment pas été considéré comme une voie par le tribunal administratif de Marseille (TA Marseille, 25 septembre 2024, n° 2206383).

En l’occurrence, l’absence d’équipements a suffi à disqualifier le chemin malgré le fait qu’il desservait plusieurs habitations.

Traditionnellement, le juge administratif considère qu’une voie privée est réputée ouverte à la circulation publique dès lors que ses propriétaires ne manifestent pas leur opposition à cet usage, notamment par l’absence de barrières entravant la circulation.

Ainsi, un accès sans clôture desservant plusieurs lots a été jugé ouvert au public, faute d’éléments contraires fournis par les propriétaires (CAA Douai, 29 février 2024, n° 23DA01357).

En revanche, la pose d’enrochements par une copropriété est interprétée comme une volonté explicite d’interdire l’usage public de la voie (CAA Toulouse, 17 décembre 2024, n° 23TL00468).

Cependant, la seule apposition d’un panneau indiquant « voie privée » ne suffit pas à exclure l’ouverture à la circulation publique, sauf s’il comporte une mention expresse de restriction (ex. : « circulation interdite sauf riverains »).  Malgré la mention « voie privée », le juge administratif considère l’absence d’obstacle comme un consentement tacite à l’ouverture publique (CAA Bordeaux, 14 décembre 2018, n° 16BX00748).

Quelles règles d’implantation appliquer en cas de voie privée sur une parcelle ?

Deux options semblent envisageables : les règles d’implantation par rapport aux voies et emprises publiques ou celles applicables par rapport aux limites séparatives ? Voyons le principe.

En principe, la règle à appliquer est celle de l’implantation par rapport aux limites séparatives.

En l’absence de précision contraire dans le PLU, la doctrine générale considère en effet qu’une voie privée, même ouverte au public, ne justifie pas l’application des règles d’implantation vis-à-vis des voies publiques. Les règles applicables sont celles relatives aux limites séparatives.

Ceci étant, de plus en plus de règlements de PLU précisent que les voies privées ouvertes à la circulation publique doivent être assimilées à des voies pour l’application des règles d’implantation. Dans ce cas, les dispositions relatives à l’implantations des constructions par rapport aux voies et emprises publiques peuvent s’appliquer.

Le Conseil d’État admet donc qu’une voie interne à un projet privé, destinée à desservir plusieurs logements, puisse être qualifiée de voie au sens du PLU, en application de la définition figurant dans le lexique dudit règlement (CE, 29 septembre 2022, n° 456383).

Les bons réflexes à avoir lors de l’instruction de l’autorisation d’urbanisme

Si vous identifiez une voie sur une parcelle privée, deux vérifications sont à effectuer.

Tout d’abord, analysez les aménagements concrets de la voie.

Si celle-ci n’a pas d’enrobé, bordures ou signalisation, elle ne peut pas être considérée comme aménagée. Elle ne relève donc pas des dispositions relatives à l’implantation par rapport à la voie, mais de celles relatives à l’implantation par rapport aux limites séparatives.

Ensuite, vérifiez le contenu du règlement du PLU.

Les PLU contiennent de plus en plus de précisions relatives aux voies privées ouvertes au public. Une lecture attentive du lexique et des articles du règlement est essentielle.

En conclusion, la qualification d’un chemin privé comme « voie » ou non emporte des conséquences directes sur les règles d’implantation des constructions. En l’absence d’aménagements et sauf dispositions explicites du PLU, les règles relatives aux limites séparatives s’appliquent, même en cas d’ouverture à la circulation publique. La prudence reste cependant de mise dans l’instruction des autorisations d’urbanisme.

Plus
d’articles

Découvrir le blog

Implantation des constructions près d’une voie privée : quelles règles appliquer ?

L’implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques qui desservent un terrain est la plupart du temps règlementée par les plans locaux d’urbanisme (PLU). Lorsque le terrain borde une autre parcelle privée, il s’agit alors de règlementer l’implantation des constructions en limite séparative,...

En savoir plus

L’échange d’une portion de chemin rural : comment ça marche ?

Les chemins ruraux sont « les chemins appartenant aux communes, affectés à l’usage du public, qui n’ont pas été classés comme voie communale » (article L.161-1 du code rural et de la pêche maritime). La loi du 21 février 2022 dite loi pour la différenciation, la décentralisation,...

En savoir plus