Résumé : l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme issu de la loi Littoral dispose qu’en dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage. Seuls les espaces qui comportent un nombre et une densité significatifs de constructions peuvent être qualifiés d’urbanisés. Dans un arrêt rendu le 21 juin 2022, la Cour administrative d’appel de Nantes rappelle qu’il ne suffit pas d’être en continuité d’un tel espace pour satisfaire aux exigences de la loi Littoral. Pour être constructible, un terrain doit impérativement être inclus dans l’espace en question (CAA Nantes, 21 juin 2022, n° 20NT03407, Société La Passerelle).
Par un arrêté du 5 avril 2017, le maire de la commune d’Audierne avait délivré un permis de construire deux maisons d’habitation sur une parcelle cadastrée section AK n° 780, située entre les rues Jean-Jacques Rousseau au nord et Amiral Guepratte au sud.
La parcelle AK 780 sur la commune d’Audierne (carte interactive – Cliquez dans l’image pour zoomer ou déplacer)
Le terrain d’assiette du projet vu depuis la rue Jean-Jacques Rousseau (image interactive Google maps)
Saisi par plusieurs requérants, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande d’annulation de ce permis de construire par un jugement du 1er septembre 2020. Parmi plusieurs autres moyens, les requérants soutenaient que cette décision méconnaissait les dispositions de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme qui interdisent toute construction ou installation en dehors des espaces urbanisés de la bande littorale de cent mètres.
Le blog loi Littoral a régulièrement commenté des décisions qui mettent en œuvre ces dispositions (par exemple il y a quelques jours au sujet de la légalité d’un retrait de permis de construire dans la bande de cent mètres sur la commune de Plougonvelin). L’arrêt que vient de rendre la Cour administrative d’appel de Nantes applique une méthode désormais bien maîtrisée pour vérifier si un terrain est ou non inclus dans un espace urbanisé. Le raisonnement tient en deux temps : tout d’abord, vérifier si l’urbanisation est constituée de constructions dont le nombre et la densité sont significatifs, ensuite vérifier que le terrain d’assiette du projet est bien situé dans l’enveloppe bâtie. Pour cette seconde étape, le juge vérifie qu’il existe des constructions au voisinage immédiat du terrain d’assiette du projet (CAA Marseille, 26 juin 2006, n° 03MA00674, Rousseau – CAA Nantes, 5 avr. 2019, n° 18NT01132).
Pour la Cour administrative d’appel de Nantes, le terrain d’assiette du projet n’est pas inclus dans un espace urbanisé :
« Il est constant que la parcelle d’assiette du projet se trouve dans la bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage. Il ressort des pièces du dossier, notamment des documents cartographiques et des photographies aériennes produites par les parties, que cette parcelle non bâtie est bordée au nord par la rue Jean-Jacques Rousseau et au sud par la rue Amiral Guepratte. La parcelle située au nord-ouest supporte une maison d’habitation récemment construite et l’unité foncière située à l’est, composée de deux parcelles, supporte un restaurant dans sa partie sud et n’est pas bâtie dans sa partie nord. Il ressort également des pièces du dossier que la parcelle d’assiette du projet s’ouvre à l’est et au sud-ouest sur d’autres parcelles non bâties. Au nord de la parcelle d’assiette du projet, de l’autre côté de la rue Jean-Jacques Rousseau, se trouve une vaste unité foncière d’environ 4 hectares, largement boisée, qui abrite l’ancien couvent des Capucins. Enfin, la parcelle est bordée au sud par la rue Amiral Guepratte qui la sépare du rivage et de la plage des Capucins. Il ressort ainsi des pièces du dossier que si la parcelle d’assiette du projet se trouve en continuité avec un espace urbanisé, elle n’est toutefois pas incluse dans cet espace et aucune construction ne peut y être régulièrement autorisée. Par suite, les permis de construire en litige ont été délivrés en violation des dispositions de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme ».
L’arrêt de la Cour fait donc application de critères classiques. Il constitue toutefois une illustration intéressante d’une notion dont la mise en œuvre demeure délicate comme en témoigne la divergence d’appréciation entre le Tribunal administratif de Rennes qui avait rejeté la requête et la Cour administrative d’appel de Nantes qui annule le permis de construire.
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