Peut-on prendre en compte les terrains de camping pour apprécier la continuité avec une agglomération ou un village ?

par | Juil 22, 2019 | Article, Loi littoral | 0 commentaires

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L’aménagement de terrains de camping et de stationnement de caravanes doit respecter les règles édictées par l’article L.121-8 du code de l’urbanisme relatives à l’extension de l’urbanisation en continuité des agglomérations et villages existants. Ce principe était posé par l’ancien article L.146-5 du code de l’urbanisme qui disposait que ces aménagements devaient respecter les règles relatives à l’extension de l’urbanisation (CE, 16 déc. 2016, n° 389079, Cne Pénestin). Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle numérotation du livre I du code de l’urbanisme, la soumission des terrains de camping et de stationnement de caravanes au principe de continuité avec les agglomérations et villages, résulte de la combinaison des articles L.121-8 et L.121-9. Ce dernier article dispose que les terrains de camping et de stationnement de caravanes sont « en outre » subordonnés à la création de secteur spécifique au PLU, ce qui implique nécessairement qu’ils sont soumis au principe posé par l’article précédent.

Les terrains de camping et de stationnement de caravanes sont également soumis aux dispositions relatives aux espaces proches du rivage (C. urb., art. L.121-14). En l’absence de SCOT ou de SMVM ou d’accord du préfet, l’extension d’un tel terrain ne peut être réalisée que lorsqu’elle est justifiée et motivée dans le PLU selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau (CAA Nantes, 4 mai 2006, n° 00NT02031, Assoc. riverains et usagers littoral Fromentine – la Barre-de-Monts). Les règles relatives à l’extension limitée s’appliquent également. L’implantation de 60 chalets en remplacement de 65 tentes, occupant un même espace, est donc possible puisqu’elle ne bouleverse pas le caractère des lieux (CAA Nantes, 28 déc. 2010, n° 09NT01595, Cne Quinville).

Ces principes étant rappelés, une question pratique surgit. Si un camping doit respecter les règles relatives à l’extension de l’urbanisation, peut-il lui-même être pris en compte pour apprécier le respect du principe de continuité avec une agglomération ou un village existant ?

Un terrain de camping ne peut, à lui seul, être qualifié d’agglomération ou de village

La jurisprudence rappelle de manière régulière que des terrains de camping, même s’ils abritent des habitations légères de loisirs, ne peuvent être considérés comme des espaces urbanisés permettant une extension de l’urbanisation.

En pratique, cela signifie que l’extension d’un camping isolé est impossible. La Cour administrative d’appel de Nantes juge par exemple illégale l’extension du camping du Sénéquet. Bien que ce camping comporte 228 places, il est exempt de toute installation autre que celles liées à son exploitation et ne peut pas être regardé comme un village (CAA Nantes, 28 févr. 2014, n° 12NT03207, Cne Gouville-sur-Mer).

Le camping du SENEQUET à GOUVILLE-sur-MER

Même s’il jouxte d’autres constructions, le terrain de camping n’est pas pris en compte pour apprécier l’existence d’une agglomération. La Cour administrative d’appel de Marseille annule ainsi un permis de construire pour méconnaissance de l’article L 121-8 car elle estime que les terrains de camping situés au sud et au sud-est, ne sont pas des espaces urbanisés permettant une extension de l’urbanisation en continuité avec les agglomérations et les villages existants (CAA Marseille, 16 déc. 2016, n° 16MA00756, Commune de Vias).

Les terrains de camping de la commune de VIAS ne sont pas pris en compte pour apprécier l’existence d’une agglomération ou d’un village.

C’est également l’analyse de la cour administrative d’appel de Nantes qui juge que la présence d’habitations légères de loisirs est insusceptible d’être prise en compte pour apprécier le caractère urbanisé d’un espace (CAA Nantes, 17 oct. 2016, n° 16NT01096, préfet Morbihan).

Les habitations légères de loisirs (HLL) ne sont pas prises en compte pour permettre à ce secteur d’être qualifié de village.

La même cour juge que des lotissements isolés et des campings abritant notamment des habitations légères de loisirs ne peuvent être regardés comme des espaces permettant une extension de l’urbanisation en continuité (CAA Nantes, 22 mai 2017, n° 15NT02634, SCI les terrasses du golf).

Les lotissements et les campings de la commune de TALMONT-sur-HILAIRE ne forment pas une agglomération.

Les constructions soumises à autorisation d’un camping peuvent assurer la continuité avec l’ensemble des constructions avoisinantes

Sans remettre en cause l’idée qu’un camping, en tant que tel, n’est pas une agglomération ou un village, la jurisprudence du Conseil d’Etat est un peu plus nuancée. Partant du principe qu’un camping est soumis à autorisation et que, dans son périmètre, peuvent exister des constructions elles aussi soumises à autorisation (des bâtiments en dur ou des habitations légères de loisirs), le Conseil d’Etat rappelle que rien n’interdit que ces constructions soient prises en compte pour évaluer le nombre et la densité globale d’une urbanisation et par la même, la continuité avec une agglomération ou un village.

La question s’était posée à propos de la délivrance d’un permis de construire par le maire d’URRUGNE. Le terrain étant situé dans le prolongement d’un camping étant lui-même en continuité de l’agglomération, le préfet avait estimé que le projet ne respectait pas le principe posé par l’article L 121-8 du code de l’urbanisme. En première instance, le Tribunal administratif de PAU avait estimé que le camping devait être pris en compte pour apprécier la continuité avec l’agglomération.

Le secteur urbanisé et le camping qualifiés de villages par le Tribunal administratif.

Le Conseil d’Etat, directement compétent car URRUGNE fait partie des communes pour lesquelles le Tribunal administratif juge en premier et dernier ressort, n’écarte pas complètement l’analyse du Tribunal de PAU. Il censure toutefois sa décision pour erreur de droit car le Tribunal n’aurait dû prendre en compte que les seules constructions du camping soumises à autorisation et non le camping dans son ensemble. (CE, 11 juill. 2018, n° 410084, min. Cohésion des territoires, BJDU 6/2018, p. 411, concl. A. Bretonneau).

En pratique, lorsqu’un camping est situé dans la continuité d’une agglomération, il ne forme donc pas une frontière au-delà de laquelle toute urbanisation serait interdite. Dès lors que les constructions du camping sont elles-mêmes en nombre et en densité suffisants, elle peuvent assurer la continuité avec l’agglomération ou le village.

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