La loi Littoral et les constructions agricoles depuis la loi ELAN

par | Mar 24, 2020 | Article, Loi littoral | 0 commentaires

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Résumé : La loi Littoral a été régulièrement modifiée pour tenir compte des particularités des constructions agricoles. Après la loi d’orientation agricole de 1999 puis celle de relative au territoire ruraux de 2005, c’est au tour de la loi ELAN de 2018 d’apporter des modifications.

Les règles d’urbanisme littoral applicables aux constructions agricoles ont été modifiées de manière substantielles par la loi ELAN du 28 novembre 2018. Si ces règles sont en partie assouplies, le texte révèle aussi un certain durcissement. Pour une bonne compréhension du nouveau dispositif, une rapide remise en perspective s’impose.

L’application du principe anti-mitage aux bâtiments agricoles

L’article L.121-8 du code de l’urbanisme dispose que sur l’ensemble du territoire communal, l’extension de l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et les villages existants. Le juge administratif a très vite donné une effectivité maximale à ce principe anti-mitage en jugeant qu’il s’appliquait à toute construction, y compris à usage agricole (CE, 15 oct. 1999, Commune de Logonna-Daoulas, req. n° 198578). Cette décision a provoqué les protestations du milieu agricole (par ex. Quest. parlementaire posée par C. Miossec : JOAN 21 déc. 1998, p. 6938) car elle signifiait que les bâtiments agricoles devaient désormais être construits en continuité des zones bâties et non pas sur les lieux d’exploitation.

 

 

Le lieu-dit Hellen, sur la commune de Logonna-Daoulas (CE, 15 octobre 1999, Commune de Logonna-Daoulas)

Une première dérogation au profit des constructions liées aux activités agricoles et forestières incompatibles avec le voisinage

À l’occasion du vote de la loi du 9 juillet 1999 d’orientation agricole, le dispositif a été modifié au profit des constructions agricoles. L’article L. 121-10 du Code de l’urbanisme qui en est issu, permet de déroger au principe de continuité avec les agglomérations et les villages existants pour les constructions et installations liées aux activités agricoles ou forestières incompatibles avec le voisinage des zones habitées. Cette dérogation était sujette à conditions puisqu’elle ne s’appliquait qu’en dehors des espaces proches du rivage et qu’elle supposait l’accord du préfet après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

La notion d’activité agricole ou forestière incompatible avec le voisinage des zones habitées n’était pas définie par la loi. Cette qualification était notamment accordée aux activités assujetties à des règles d’éloignement par rapport aux zones habitées issues de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement ou des règlements sanitaires départementaux. Ce n’était toutefois pas une condition impérative. Une usine de traitement des effluents d’origine animale a été considérée comme une activité agricole incompatible avec le voisinage des zones habitées (CAA Nantes, 7 juin 2005, Ministre de l’équipement contre associations Abers et Campagne, req. n° 04NT00463). C’était également le cas d’une miellerie et de la brasserie qui lui est annexée (CAA Marseille, 4 déc. 2009, association pour la protection du lac de Sainte-Croix, req. n° 07MA02143), ou encore d’une serre de 13 000 m2 eu égard à sa nature et à ses dimensions (CAA Nantes, 16 oct. 2007, Commune de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, req. n° 06NT01863). En revanche, même s’il abrite des engins bruyants qui seront mis en marche tôt le matin, un hangar agricole ne pouvait pas bénéficier de la dérogation (CAA Marseille, 20 déc. 2007, req. n° 05MA02582).

Une seconde dérogation pour favoriser la mise aux normes des bâtiments

Le dispositif relatif aux constructions agricoles a également été modifié par la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. La dérogation fait aujourd’hui l’objet de l’article L. 121-12 aux termes duquel les dispositions relatives à l’extension de l’urbanisation en continuité avec les agglomérations et les villages existants ne font pas obstacle à la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles à condition que les effluents d’origine animale ne soient pas accrus. Ces dispositions autorisent, par exemple, la construction d’une station biologique permettant le traitement des effluents d’origine animale d’exploitations agricoles afin de se conformer aux nouvelles normes imposées par la directive « Nitrates » (CAA Nantes, 3 avr. 2018, req. n° 16NT03843).

La loi littoral et les constructions agricoles depuis la loi ELAN, un assouplissement en trompe-l’œil ?

Les règles de la loi Littoral applicables aux constructions agricoles sont une nouvelles fois modifiée par la loi ELAN. En première analyse, le nouveau texte assouplit le dispositif issu de la loi d’orientation agricole de 1999. En effet, la condition d’incompatibilité avec le voisinage des zones habitées disparaît si bien que tous les bâtiments agricoles, y compris de simples hangars ou des logements de fonction, pourront s’implanter en discontinuité des agglomérations et des villages existants.

Toutefois, une lecture plus attentive révèle un durcissement inattendu. Si le texte de 1999 concernait les constructions liées à l’activité agricole, la nouvelle rédaction de l’article L. 121-10 du Code de l’urbanisme ne concerne que les constructions nécessaires aux activités agricoles. Cette dernière notion est plus restrictive. La jurisprudence rendue sous l’empire des anciennes dispositions, a jugé qu’une chaufferie bois permettant la fabrication de lait en poudre (TA Rennes, 27 mars 2015, req. n° 1301171) était liée à l’activité agricole et pouvait par conséquent bénéficier de la dérogation. L’analyse sera probablement différente dans le cadre du nouveau dispositif puisque la jurisprudence rappelle qu’une construction liée à une activité agricole n’est pas forcément nécessaire à celle-ci (CAA Marseille, 23 sept. 2004, req. n° 00MA00726). De ce point de vue, les règles de la loi Littoral applicables aux constructions agricoles sont donc durcies par la loi ELAN.

Comme par le passé, la dérogation demeure subordonnée à l’accord du préfet après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites. Elle ne s’appliquera pas dans les espaces proches du rivage.

Le cas particulier des cultures marines

Activité importante sur le littoral, les cultures marines, qui sont des activités agricoles, voient leur régime évoluer du fait de la loi ELAN. Sous l’ancien dispositif de l’article L 121-10, les constructions liées aux cultures marines n’étaient pas régies par des règles spécifiques. Il en résultait un certain paradoxe car alors que les constructions ou installations liées aux cultures marines sont autorisées au plus près du rivage, dans la bande de cent mètres ou dans les espaces remarquables, elles étaient interdites plus loin dans les terres dans les espaces proches du rivage pour être à nouveau autorisées, par dérogation, au-delà de ces espaces. La situation n’était pas satisfaisante.

La rédaction de l’article L. 121-10 de Code de l’urbanisme, issu de la loi ELAN, organise désormais un régime particulier pour les cultures marines. Celles-ci pourront bénéficier de la dérogation au principe de continuité avec les agglomérations et les villages existants sur l’ensemble du territoire communal y compris dans les espaces proches du rivage.

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