Bande de cent mètres : rejet du recours contre la base nautique de Carnon (Hérault)

par | Sep 9, 2022 | Jurisprudence, Loi littoral | 0 commentaires

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Résumé : La Cour administrative d’appel de Marseille rejette le recours dirigé contre le permis de construire la nouvelle base nautique de Carnon, sur la commune de Mauguio. Pour la Cour, le principe d’interdiction de toute construction dans la bande de cent mètres n’est pas méconnu puisque le terrain d’assiette du projet se situe dans un compartiment déjà construit qui est lui-même en continuité d’un espace caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions (CAA Marseille, 7 juillet 2022, Commune de Maugio, req. n° 20MA00223).

Par un arrêté du 11 juillet 2017 le maire de Mauguio avait délivré à sa commune un permis de construire valant permis de démolir en vue de la reconstruction de la base nautique située quai Eric Tabarly à Carnon. Saisi par des riverains, le Tribunal administratif de Montpellier avait annulé le permis de construire par un jugement du 21 novembre 2019. La commune de Mauguio avait alors saisi la Cour administrative d’appel de Marseille.

La nouvelle base nautique vue depuis le quay Eric Tabarly (image interactive Google)

Parmi plusieurs autres moyens de légalité, les requérants soutenaient que le projet de base nautique ne respectait pas les dispositions de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme qui interdisent toute construction ou installation en dehors des espaces urbanisés de la bande de cent mètres.

Le projet de base nautique est situé dans un espace urbanisé de la bande de cent mètres

En 2018, le Conseil d’Etat a rappelé que « ne peuvent déroger à l’interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu’ils n’entraînent pas une densification significative de ces espaces » (CE, 21 juin 2018, req. n° 416564). Le Conseil d’Etat a confirmé sa jurisprudence « Bazarbachi » par laquelle il a aligné la définition de l’espace urbanisé de la bande de cent mètres sur celle d’agglomération et de village existants (CE, 9 novovembre 2015, Commune de Porto-Vecchio, req. n° 372531).

Les conséquences qui s’attachent à ces qualifications ne sont toutefois pas identiques : si l’agglomération et le village peuvent s’étendre, seule les constructions situées à l’intérieur de l’espace urbanisé sont autorisées. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence vérifie si, au delà de la seule continuité avec un espace caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions, les parcelles situées au voisinage immédiat du projet sont elles aussi bâties. Le Blog rapporte régulièrement des décisions appliquant ce principe.

Pour s’assurer que le terrain d’assiette d’un projet est bien inclus dans l’espace urbanisé, les juridictions vérifient notamment s’il n’est pas séparé des constructions existantes par une frontière telle qu’une route ou une voie ferrée qui délimiterait deux compartiments de terrain différents. La cour administrative d’appel de Marseille juge, par exemple, que des terrains qui bordent le domaine public maritime et qui ne jouxtent aucune parcelle construite ne sont pas situés dans un espace urbanisé dès lors qu’ils sont séparés de l’urbanisation dense par une route à deux fois deux voies et une voie ferrée (CAA Marseille, 1er juin 2010, n° 07MA04872, Société FICI). Elle juge aussi qu’eu égard à la barrière que forme une voie ferrée par rapport aux parties urbanisées de la commune, un terrain doit être regardé comme étant situé dans un espace non urbanisé (CAA Marseille, 19 mars 2010, n° 08MA00164, Association U Levante).

En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Marseille, juge que le terrain d’assiette du projet est bien situé dans le prolongement d’un espace urbanisé et que la voie située au nord ne forme pas une rupture d’urbanisation. Elle relève également que le terrain est déjà artificialisé et qu’il est bordé par le quai Eric Tabarly.

Le site de la nouvelle base nautique le long du quai Eric Tabarly (carte interactive géoportail)

« Il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet, sur lequel est implantée une base nautique dont la démolition est prévue, est bordé, au sud, par la mer Méditerranée. Ce terrain bâti, déjà largement artificialisé et inclus dans la bande des cent mètres, est situé à proximité immédiate de plusieurs constructions, notamment des immeubles d’habitation, et s’inscrit dans le prolongement d’un secteur urbanisé caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions. Au regard de la configuration des lieux, la voie publique située au nord du compartiment de terrain essentiellement anthropisé auquel appartient le tènement d’assiette ne saurait être regardée, alors en particulier qu’elle est bordée de part et d’autre de constructions, comme formant une coupure d’urbanisation. Le compartiment de terrain en cause, où doit être implantée la nouvelle base nautique de Carnon, est relié à cette voie publique par une voie d’ores et déjà aménagée longeant l’intégralité de sa partie est ».

Le projet de base nautique n’entraîne pas une densification significative de l’espace

La situation du projet d’un espace urbanisé n’est toutefois pas suffisante pour assurer le respect de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme. Dès lors que la bande littorale de cent mètres fait partie des espaces proches du rivage, la règle de l’extension limitée de l’urbanisation s’applique également. Le Conseil d’État en déduit logiquement que dans les espaces urbanisés de la bande de cent mètres, les constructions ne doivent pas entraîner une densification significative de ces espaces (CE, 21 juin 2018, n° 416564). Ce ne sera généralement pas le cas pour de simples extensions de constructions existantes. En revanche, des projets importants situés dans des espaces ne comportant que des constructions de dimensions réduites pourront être censurés.

En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Marseille juge que le projet, « qui prévoit la création d’une surface de plancher totale de 483,50 m², [n’est pas de] nature à entraîner une densification significative de l’espace urbanisé auquel appartient son terrain d’assiette ».

La question de l’activité économique ou du service public exigeant la proximité immédiate de l’eau

Dès lors que le projet de base nautique se situe dans un espace urbanisé, il n’est pas nécessaire de rechercher s’il pouvait être qualifié d’activité économique ou de service public exigeant la proximité immédiate de l’eau. La base nautique de Carnon aurait peut être pu bénéficier de cette dérogation. La jurisprudence admet en effet que les installations destinées aux loisirs nautiques – slip way, tour de vigie, bâtiments des sanitaires et vestiaires, aire de déchargement et de retournement pour les engins nautiques exigent la proximité immédiate de l’eau (CAA Lyon, 27 févr. 2001, n° 95LY01244, Association des propriétaires riverains du lac d’Annecy).

Sources des illustrations : Google maps, Geoportail, Agence Sempervirens

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