Résumé : L’appréciation de l’espace urbanisé de la bande de cent mètres est toujours délicate. La Cour administrative d’appel de Nantes fait ici application de critères classiques dégagés par le Conseil d’Etat dans son arrêt « Bazarbachi » de 2008.
L’article L.121-16 du code de l’urbanisme est bien connu : en dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage. Dans les faits, en revanche, l’appréciation des frontières de l’espace urbanisé est souvent une affaire délicate. Nous avions consacré un article à une autre affaire il y a quelques mois.
Les critères jurisprudentiels ont été posés en 2008. Le Conseil d’Etat a rappelé qu’un espace urbanisé de la bande de cent mètres l’article L.121-16 appartient par nature à une agglomération ou un village existant au sens de l’article L.121-8 (CE, 22 février 2008, Bazarbachi). Cette analyse a depuis été confirmée à plusieurs reprises (par exemple CE, 13 mars 2017, n° 395643 ou CE, 21 juin 2018, n° 416564). La jurisprudence assimile ainsi la notion d’espace urbanisé de l’article L.121-16 à celles d’agglomération et de village existants de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme .
Toutefois, sauf à rendre possible l’extension progressive des limites de l’espace urbanisé, la seule continuité avec une agglomération ou un village ne permet pas de satisfaire aux exigences de l’article L.121-16. La jurisprudence s’attache à circonscrire l’urbanisation dans les limites bâties. De fait, une construction n’est autorisée que si elle est située à l’intérieur de l’espace urbanisé (CAA Nantes, 1er juin 2015, req. n° 14NT01268, Commune d’Arzon).
Toute la question, naturellement, est de savoir où faire passer la frontière entre l’espace urbanisé et celui qui ne l’est pas… Sur le sujet, l’hésitation est bien souvent permise en témoigne l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Nantes.
Dans cette affaire, le maire de la commune de Saint-Gildas-de-Rhuys avait opposé un certificat d’urbanisme négatif au projet de pouvoir construire une ou plusieurs maisons d’habitation au lieu-dit Kercambre.
Le terrain d’assiette du projet, au 14 rue du Bauzec (parcelle n° AK 89 et 90)
Carte Geoportail (cliquez sur la carte pour la déplacer et pour zoomer)
Alors que le Tribunal administratif de Rennes avait rejeté la requête, la Cour administrative d’appel de Nantes estime, au contraire, que l’espace dans lequel s’inscrit le projet doit être qualifié d’urbanisé :
« il ressort des pièces du dossier que le tènement des requérants, et en particulier les deux parcelles cadastrées section AK 89 et 90 mentionnées dans la demande de certificat d’urbanisme comme terrain d’assiette de la ou des constructions projetées, est situé à proximité immédiate de nombreuses constructions au nord, à l’ouest et à l’est, dont plus d’une vingtaine sont groupées dans la bande littorale des 100 mètres autour du tènement. Dès lors, le tènement des consorts F… doit être regardé comme situé dans un espace urbanisé au sens des dispositions de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme. Par conséquent, le maire a fait une inexacte application des dispositions précitées en opposant aux requérants un certificat d’urbanisme négatif » (CAA Nantes, 30 mars 2020, req. n° 19NT02364).
La solution de la Cour administrative d’appel est classique. Après avoir relevé que le terrain d’assiette du projet est entouré de nombreuses constructions sur trois côtés, elle en déduit qu’il appartient à un espace urbanisé de la bande de cent mètres. Le juge prend soin de relever que son analyse vaut surtout pour les parcelles 89 et 90. Les parcelles 88 et 91 qui sont en contact avec la mer nous semblent, en effet, en dehors de l’enveloppe bâtie (la parcelle n° 88 jouxte la 91. Elle est visible sur geoportail en sélectionnant la couche d’information « parcelles cadastrales 2013-2018 »).
L’analyse serait probablement différente pour un terrain situé à l’est de la rue du Beauzec qui, dans sa partie sud au moins, semble constituer la limite de l’espace urbanisé.
L’appréciation différente entre la Cour et le Tribunal administratif montre qu’en matière de loi Littoral, la prudence est toujours de mise. En cas de doute, il est souvent préférable de délivrer certificat d’urbanisme négatif. Il est en effet préférable pour une commune de voir un certificat d’urbanisme négatif annulé plutôt que de voir sa responsabilité engagée suite à une appréciation trop libérale de la constructibilité d’un terrain.