Résumé : conformément à une jurisprudence constante, la Cour administrative d’appel de Marseille rappelle que la circonstance qu’un terrain fasse partie d’un site protégé n’en fait pas nécessairement un espace remarquable au sens de la loi Littoral (article L.121-23 du code de l’urbanisme). Ce ne sera le cas que si ses caractéristiques propres le justifient. En l’espèce, un terrain faisant partie du parc national des Calanques n’est pas qualifié d’espace remarquable dès lors qu’il se situe dans le prolongement d’un espace urbanisé et qu’il est situé à proximité d’une carrière (CAA Marseille, 22 avril 2021, n° 19MA00819, SAS free Mobile).
La protection des espaces remarquables et caractéristiques du littoral est organisée par les articles L. 121-23 à 26 et R. 121-4 à 6 du Code de l’urbanisme. Ces dispositions imposent aux documents d’urbanisme et aux décisions liées à l’occupation du sol de préserver les espaces terrestres et marins, remarquables et caractéristiques du patrimoine naturel ou culturel du littoral et nécessaires aux équilibres écologiques littoraux. L’article L.121-23 du Code de l’urbanisme énumère les espaces susceptibles d’être ainsi préservés. Cet inventaire a été complété par l’article R. 121-4 du Code de l’urbanisme dont la première version est issue du décret du 20 septembre 1989 qui a été modifié par le décret du 21 mai 2019.
La jurisprudence rappelle de manière constante que l’existence d’une protection doit être prise en compte pour apprécier le caractère remarquable d’un espace. Cela a été jugé pour les parties naturelles des sites inscrits ou classés (CE, 29 juin 1998, n° 160256, Chouzenoux – CAA Douai, 28 mai 2015, n° 13DA01600, SARL Le pré du Loup), pour les ZNIEFF ou les zones Natura 2000 (CE, 3 sept. 2009, n° 306298, Commune de Canet-en-Roussillon).
Le classement en espace remarquable de la loi Littoral d’un espace protégé au titre d’une autre législation n’est toutefois pas automatique. Ainsi, la circonstance que des parcelles soient situées dans un site classé ne justifie pas leur classement en espace remarquable dès lors que l’espace est anthropisé par des résidences mobiles de loisirs (CAA Bordeaux, 29 juin 2017, n° 15BX00687, Collectif de la Fauche Prère Ouest). La Cour administrative d’appel de Nantes annule pour les mêmes raisons le jugement d’un tribunal administratif qui s’était borné à relever qu’un terrain était inclus dans un site inscrit sans rechercher si la qualification d’espace remarquable était, en l’espèce, justifiée (CAA Nantes, 17 oct. 2016, n° 15NT02486, Commune de Locmariaquer). La Cour administrative d’appel de Douai tient le même raisonnement et juge qu’un terrain classé en ZNIEFF mais qui comporte des constructions et qui n’a pas de valeur écologique propre ou qui n’est pas nécessaire à l’équilibre de la zone, n’est pas remarquable ou caractéristique (CAA Douai, 23 nov. 2017, n° 16DA00232, Assoc. Hardelot Opale Environnement).
C’est à une question de cette nature qu’était confrontée la Cour administrative d’appel de Marseille.
Par un arrêté du 16 mai 2018, le Maire de Marseille avait refusé à la société Free Mobile un permis de construire une antenne relais. Cette décision était motivée par la situation du terrain en zone Nl du PLU de Marseille. Selon le règlement qui lui est applicable, cette zone concerne les secteurs d’espaces naturels remarquables au sens de la loi littoral mais également les autres secteurs littoraux. Dans cette zone, sont d’ailleurs admis les aménagements, installations et constructions autorisés au titre de la loi Littoral et pas seulement les aménagements légers de l’article R 121-5 du même code. Les auteurs du PLU de Marseille n’avaient donc pas entendu faire de la zone Nl une protection au profit des seuls espaces remarquables de l’article L.121-23 du code de l’urbanisme.
La parcelle B n° 21 situé 84, chemin du Vallon de Toulouse dans le 9ème arrondissement de Marseille
Saisi par la Société Free Mobile, le Tribunal administratif de Marseille avait rejeté la requête par un jugement du 13 décembre 2018. Pour le Tribunal, le refus de permis de construire était justifié dans la mesure où le projet ne constituait pas un aménagement léger. En retenant ce motif, le Tribunal administratif avait implicitement admis que le terrain d’assiette du projet était situé dans un espace remarquable. Il est vrai que la situation du projet en lisière du parc national des Calanques pouvait plaider en faveur de cette qualification.
Pour la Cour administrative d’appel de Marseille, cette seule circonstance ne suffit pas pour inclure le terrain d’assiette du projet dans l’espace remarquable :
« s’il ressort des pièces du dossier et de la délimitation géographique du parc national des Calanques (PNC), librement accessible sur son site internet, que le terrain d’assiette du projet se situe à l’intérieur de l’aire d’adhésion du PNC et que la parcelle d’assiette en cause n’est pas bâtie, qu’elle comporte quelques arbres et qu’elle jouxte au sud ouest des parcelles non bâties et arborées, elle se trouve toutefois à plusieurs kilomètres du rivage, dans le prolongement d’un secteur largement urbanisé, plusieurs immeubles collectifs étant à proximité. De plus, elle jouxte à l’est la carrière de Saint-Tronc. Le secteur ne présente donc pas de caractère remarquable. Par suite, la commune de Marseille n’est pas fondée à soutenir qu’il devait être qualifié d’espace naturel remarquable, au seul motif que la parcelle constitue un espace non bâti au sein du PNC, ses caractéristiques propres ainsi que celles de son environnement immédiat n’étant pas de nature à justifier une telle qualification, en application de l’article R. 121-4 précité du code de l’urbanisme ».
Cet arrêt intéressera les auteurs de documents d’urbanisme. Il rappelle qu’il ne faut pas s’en tenir aux seuls périmètres de protection déjà existants pour identifier un espace remarquable au titre de la loi Littoral. Une analyse plus fine qui prend en compte les caractéristiques propres de chaque terrain doit être réalisée.
Sources des illustrations :
Image d’illustration par Julian Hacker de Pixabay, Géoportail, parc national des Calanques.