Chronique de jurisprudence loi Littoral du mois de février 2020

par | Mar 11, 2020 | Chroniques, Jurisprudence - Loi littoral, Loi littoral | 0 commentaires

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L’actualité de la jurisprudence relative à la loi Littoral est assez réduite au mois de février. Les avocats du cabinet vous ont toutefois préparé une sélection de décisions récentes. Si la plupart confirme des tendances déjà connues, quelques une suscitent l’intérêt.

Comment distinguer une commune riveraine de la mer d’une commune riveraine d’un estuaire ?

L’article L 321-2 du code de l’environnement distingue deux catégories de communes : les communes riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares, d’une part, et, d’autre part, les communes riveraines des estuaires et des deltas lorsqu’elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux. Si les premières sont des communes littorales de plein droit, les secondes ne le sont que si elles sont désignées par l’article R 321-1 du code de l’environnement.

Au début des années 2000, la question s’est posée de savoir comment distinguer ces deux catégories de communes. Certaines décisions avaient retenu une définition géographique de la mer et des estuaires : les communes qui était situées en aval de l’embouchure de l’estuaire étaient jugées riveraines de la mer alors que celles dont le territoires était intégralement situé en amont étaient qualifiées de riveraines d’un estuaire.

Cette solution n’a pas prospéré et la jurisprudence a finalement privilégié le recours aux délimitations intervenues dans les estuaires en application du décret-loi du 21 février 1852. Ce n’est donc pas la limite géographique entre la mer et le fleuve qui doit être prise en compte mais la limite transversale de la mer qui réparti les régimes juridiques du domaine public maritime et du domaine public fluvial (CE, 14 nov. 2012, Société Néo Plouvien, req. n° 347778). Les communes dont au moins une partie du territoire se situe en aval de la limite transversale de la mer sont donc des communes riveraines de la mer. Les communes dont le territoire est intégralement situé en amont de cette limite et en tout ou partie en aval de la limite de salure des eaux sont riveraines d’un estuaire.

Cette solution est désormais constante comme le confirme l’arrêt rendu le 4 février 2020 par la Cour administrative d’appel de Douai. Dès lors qu’une partie du territoire de la commune de Saint-Josse se situe en aval de cette limite transversale, soit côté mer, elle doit être regardée comme une commune riveraine des mers et océans, pour l’intégralité de son territoire (CAA Douai, 4 février 2020, SCI JBS, req. n° 18DA00806 et 18DA00807).

Sur cette vue aérienne issue du Géoportail, le pont de la voie ferré marque la limite transversale de la mer dans l’estuaire de la Canche. Une partie du territoire de la commune de Saint-Josse, située au sud du pont, est située en aval du pont. La cartographie détaillée peut être téléchargée sur le site du SHOM (cliquer sur le repère rouge qui apparaît sur la carte).

Peut-on appliquer la loi Littoral au stade de l’autorisation de lotir ?

La loi Littoral est applicable aux décisions liées à l’usage du sol. Cette solution va de soi pour les décisions qui autorisent une construction mais est-ce aussi le cas pour celles qui n’autorisent qu’une division foncière ? La réponse est affirmative. La Cour administrative d’appel de Bordeaux juge que la loi Littoral s’applique à des opérations de lotissement dès lors que les futures constructions seraient interdites par les articles L 121-1 et suivants du code de l’urbanisme (CAA Bordeaux, 4 février 2020, Commune de Saint-Georges-de-Didonne, req. n° 17BX04074). Le blog consacre un article à cet arrêt.

Quel est le rôle des voies publiques dans l’appréciation de la continuité ?

Le rôle des routes dans l’appréciation de la continuité avec une agglomération ou un village existant est souvent source d’interrogations. Faut-il y voir des éléments de rupture ou au contraire des facteurs d’intégration? Le blog LGP a consacré un article de synthèse à cette question. En pratique, la route ne constituera une frontière que si elle délimite des compartiments de terrains différents. Ce ne sera généralement pas le cas si l’urbanisation se développe de part et d’autre avec une densité comparable. La Cour administrative d’appel de Marseille confirme cette analyse et juge que des terrains ne sont pas en continuité avec une agglomération dès lors qu’ils en sont séparés par une route, et ainsi « situées dans un compartiment d’urbanisation distinct » (CAA Marseille, 14 février 2020, Commune d’Ollioules, req. n° 18MA01195).

Un espace diffus ne peut pas être qualifié d’agglomération ou de village existant.

Depuis la jurisprudence « Commune de Porto-Vecchio« , seuls les espaces qui comportent un nombre et une densité significatifs de constructions peuvent être qualifiés d’agglomération ou de village. La question du nombre de construction ne fait plus vraiment débat. La jurisprudence semble avoir fixé le seuil à une quarantaine de constructions à usage d’habitation (CE, 27 juin 2007, Commune de Pluneret, req. n° 297938). C’est donc de manière logique que la Cour administrative d’appel de Nantes juge qu’un espace qui ne comporte que 15 constructions, même si elles sont groupées, ne peut pas être qualifié de village (CAA Nantes, 28 février 2020, req. n° 19NT02093). L’appréciation de la densité est en revanche plus difficile à interpréter. C’est toutefois sans surprise que la Cour administrative d’appel de Marseille juge qu’un projet qui s’intègre pour l’essentiel dans une vaste zone naturelle vierge de toute construction, qui est bordé par quelques constructions isolées et par un ensemble d’habitats diffus et qui est séparé de l’agglomération par plusieurs parcelles non construites n’est ni situé en agglomération, ni réalisé en continuité avec les agglomérations et villages existants (CAA Marseille, 3 février 2020, société Chiossone Transactions, req. n° 18MA04176).

Pour apprécier cette densité, le juge prend en compte la structuration de l’espace, notamment par l’existence d’un réseau hiérarchisé de voies. Pour la Cour administrative d’appel de Bordeaux, un secteur comprenant une trentaine de maisons à usage d’habitation implantées de façon non structurée est une urbanisation diffuse qui ne constitue ni un village ni une agglomération. La Cour relève au passage que la commune ne peut pas se prévaloir des travaux de l’Institut national de la statistique et des études économiques relatifs à la notion d’unité urbaine, ni de la circulaire du 14 mars 2006 relative à l’application de la loi Littoral, qui est dépourvue de valeur réglementaire et qui a au demeurant été abrogée (CAA Bordeaux, 27 février 2020, Commune d’Urrugne, req. n° 18BX00023).

Le principe de continuité avec les agglomérations et les villages existants est-il applicable dans la bande de cent mètres ?

La décision la plus innovante du mois de février concerne la bande de cent mètres. Il était acquis que dans cet espace protégé par l’article L 121-16 du code de l’urbanisme, les dispositions de l’article L 121-8 relative à la continuité avec les agglomérations et les villages existants étaient également applicables. La Cour administrative d’appel de Nantes, faisant écho à un arrêt rendu en 2018 par le Conseil d’Etat, vient de juger que dans la bande de cent mètres, les dispositions de l’article L 121-16 sont seules applicables. Elle censure par conséquent pour erreur de droit le jugement du Tribunal administratif de Rennes qui avait annulé un permis de construire au motif qu’il méconnaissait l’exigence de continuité avec les agglomérations et les villages existants (CAA Nantes, 7 février 2020, Commune de Saint-Cast-le-Guildo, req. n° 19NT01038). Le blog consacrera prochainement un article détaillé à cette décision.

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