Chronique de jurisprudence loi Littoral du mois de juin 2020

par | Juil 9, 2020 | Chroniques, Jurisprudence - Loi littoral, Loi littoral | 0 commentaires

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Résumé : le mois de juin 2020 révèle quelques décisions intéressantes en particulier sur les schémas d’aménagement qui peuvent apporter des précisions à la loi Littoral et faire en quelque sorte « écran » entre ces dernières et les documents d’urbanisme ou les décisions liées à l’usage du sol. C’est le cas du SCOT, du PADDUC mais aussi des schémas d’aménagement régionaux (SAR). Le blog a également repéré quelques décisions sur les notions d’agglomération, de village, d’espaces proches du rivage ou encore d’espaces remarquables. Il n’y a toutefois pas d’évolution notable de la jurisprudence sur la loi Littoral.

Précisions apportées à la loi Littoral par un schéma d’aménagement

Les directives territoriales d’aménagement (DTA) créées en 1995 permettent d’apporter des précisions à la loi Littoral. Dès lors que les dispositions qui mettent en oeuvre la loi Littoral sont suffisamment précises et compatibles avec la loi, les dispositions législatives doivent être appliquées à travers le prisme des précisions apportées. La jurisprudence récente confirme que le PADDUC pour la Corse, les SAR pour l’Outre-Mer et, de manière plus générale, les SCOT, peuvent aussi jouer ce rôle.

PADDUC

Le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) définit les critères permettant d’identifier et de délimiter les agglomérations et villages en Corse. A cet effet, il prévoit qu’une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu’il constitue, à l’importance et à la densité significative de l’espace considéré et à la fonction structurante qu’il joue à l’échelle de la micro-région ou de l’armature urbaine insulaire. Pour le village, celui-ci est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l’espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l’organisation et le développement de la commune. La Cour administrative d’appel de Marseille confirme que les précisions apportées par le PADDUC pour mettre en oeuvre la loi Littoral sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives. Les dispositions de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme doivent donc être appliquées à travers le prisme du PADDUC (CAA Marseille, 22 juin 2020, n° 18MA01261).

Le PADDUC permet également la structuration, sans extension de l’urbanisation, des espaces urbanisés qui ne constituent ni une agglomération ni un village ainsi caractérisés, sous réserve qu’ils soient identifiés et délimités dans les documents d’urbanisme locaux. La mise en oeuvre de ces dernières dispositions suppose que les secteurs en question soient précisément délimités par le PLU (CAA Marseille, 22 juin 2020, n° 19MA04565 et n° 19MA04564).

Schéma d’aménagement régional de la Réunion

Le SAR de la Réunion comporte un volet qui a valeur de schéma de mise en valeur de la mer. Les dispositions qui précisent la loi Littoral sont directement applicables aux décisions liées à l’usage du sol, ce qui rend inopérant le moyen tiré de la violation des règles législatives ainsi précisées (CAA Bordeaux, 11 juin 2020, n° 18BX03224). Cet arrêt est commenté dans le blog.

SCOT

Lorsque le territoire d’une commune, soumise à la loi Littoral, est couvert par un SCOT mettant en oeuvre ces dispositions, celui-ci fait obstacle à une application directe au plan local d’urbanisme des dispositions législatives particulières au littoral, la compatibilité du plan local d’urbanisme devant être appréciée au regard des seules orientations du SCOT. Toutefois, ce principe ne fait pas obstacle, le cas échéant, à la possibilité pour tout intéressé de faire prévaloir par le moyen de l’exception d’illégalité, les dispositions législatives particulières au littoral sur les orientations générales du SCOT (CAA Nantes, 5 juin 2020, n° 19NT02369).

Agglomérations et villages existants au sens de la loi Littoral

L’application de l’article L 121-8 du code de l’urbanisme suscite une part significative de la jurisprudence sur la loi Littoral. C’est encore le cas au mois de juin avec des précisions apportées sur le contrôle de cassation et sur la notion d’agglomération et de village existants.

Contrôle du juge de cassation

Les critères de l’agglomération ou du village existants sont clairs : seuls les espaces qui comportent un nombre et une densité significatifs de constructions peuvent prétendre à cette qualification. Ces principes laissent une large place au juge du fond puisque le Conseil d’Etat confirme que son contrôle de cassation se limite à la dénaturation des faits et à l’erreur de droit (CE, 17 juin 2020, Commune de la Baule-Escoublac, n° 427025). Le blog avait commenté une décision du Conseil d’Etat relevant l’erreur de droit d’un juge du fond dans l’appréciation de la densité des constructions.

Notion d’agglomération et de village

La Cour administrative d’appel de Bordeaux confirme qu’un espace urbain peut être qualifié d’agglomération ou de village alors même qu’il ne comporte pas de commerce ou de service (CAA Bordeaux, 16 juin 2020, Commune de Dolus d’Oléron, n° 18BX01504). Si l’appréciation de la densité des constructions est parfois délicate, la question du nombre « significatif » ne semble plus faire débat : il faut au minimum une quarantaine de constructions pour pouvoir identifier une agglomération ou un village. Ainsi, un secteur qui comporte une quarantaine de constructions densément implantées le long d’une voie publique et pour certaines en retrait de celle-ci, constitue une agglomération ou un village au sens de l’article L 121-8 du code de l’urbanisme (CAA Nantes, 5 juin 2020, Commune de Plouha, n° 19NT00197). Le seuil de 40 constructions groupées est également retenu par un autre arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 5 juin 2020, n° 19NT02369).

Appréciation de la continuité

L’appréciation de la continuité est souvent difficile. Le blog avait fait le point sur le rôle des voies publiques. La jurisprudence est relativement constante : dès lors qu’une voie sépare deux compartiments de terrains différents, elle rompt la continuité. Ainsi, un secteur qui comporte moins d’une dizaine de constructions séparées de l’urbanisation par une route et par un espace naturel n’est pas en continuité d’une agglomération ou d’un village existant (CAA Nantes, 19 juin 2020, Commune du Palais, n° 19NT02934). Le principe de continuité avec les agglomérations et les villages existants s’applique aux terrains de camping. La Cour administrative d’appel de Bordeaux juge qu’un projet de camping éco-touristique qui n’est relié à l’agglomération que par une bande urbanisée de faible largeur qui s’étire sur plusieurs centaines de mètres, n’est pas en continuité avec une agglomération ou un village (CAA Bordeaux, 16 juin 2020, Commune du Teich, n° 18BX01524).

Hameau nouveau intégré à l’environnement

En 2014, le Conseil d’État a donné une définition du hameau nouveau intégré à l’environnement. Il rappelle qu’un permis de construire ne peut être délivré sur le fondement de ces dispositions pour la réalisation d’une construction qui n’est pas en continuité avec les agglomérations et villages existants qu’à la condition que le projet soit conforme à la destination d’une zone délimitée par le document local d’urbanisme, dans laquelle celui-ci prévoit la possibilité d’une extension de l’urbanisation de faible ampleur intégrée à l’environnement par la réalisation d’un petit nombre de constructions de faible importance, proches les unes des autres et formant un ensemble dont les caractéristiques et l’organisation s’inscrivent dans les traditions locales (CE, 3 avril 2014, commune de Bonifacio, n° 360902). Un terrain de camping qui s’étend sur 18 ha comprenant 190 emplacements, un centre de vie, un logement de gardien, une salle de séminaire, trois piscines, un local technique et des équipements sanitaires, ne saurait être qualifié de faible importance et n’est pas constitué de constructions proches les unes des autres s’inscrivant dans les traditions locales (CAA Bordeaux, 16 juin 2020, Commune du Teich, n° 18BX01524).

Espaces proches du rivage

Notion d’extension de l’urbanisation

Le Conseil d’État juge que doivent être regardées comme une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-13 du Code de l’urbanisme l’ouverture à la construction de zones non urbanisées ainsi que la densification significative de zones déjà urbanisées (CE, 11 avril 2018, Commune d’Annecy, n° 399094). En ouvrant à la construction une surface de près de 2 hectares qui était jusqu’alors à usage de prairie et de cultures agricoles, un plan local d’urbanisme entraîne une extension de l’urbanisation (CAA Nantes, 5 juin 2020, Association « les amis du littoral Carnacois, n° 10NT01864).

Extension limitée de l’urbanisation

L’appréciation du caractère limité d’une extension de l’urbanisation est réalisée en fonction des caractéristiques du quartier (CE, 11 avril 2018, Commune d’Annecy, n° 399094). Dès lors que la densité de logements à construire dans une zone à urbaniser correspond à celle du tissu urbain limitrophe et est, par ailleurs régie par des OAP qui limitent les surfaces bâties, le principe d’extension limitée de l’urbanisation est respecté (CAA Nantes, 5 juin 2020, Association « les amis du littoral Carnacois, n° 10NT01864).

Bande littorale de cent mètres

La bande de cent mètres protégée par l’article L.121-16 du code de l’urbanisme se calcule horizontalement de tout point des façades de la construction projetée à l’élévation à la verticale du point jusqu’où les plus hautes mers peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles. Ce calcul doit tenir compte de la sinuosité du rivage et de la nécessité de tracer un rayon de cent mètres autour de chaque point de la limite du rivage. Les dispositions de l’article L.121-16 s’appliquent dès lors qu’une partie de la construction est à moins de cent mètres du rivage (CAA Nantes, 5 juin 2020, n° 19NT00723).

Espaces remarquables et caractéristiques

Dès lors qu’un espace est urbanisé, il n’est pas considéré comme remarquable au sens de l’article L.121-23 du code de l’urbanisme alors même qu’un site classé existe de l’autre coté d’une route (CAA Bordeaux, 16 juin 2020, Commune de Dolus d’Oléron, n° 18BX01504). Des terrains à usage de prairie ou de cultures agricoles qui ne présentent pas d’intérêt écologique particulier, ne constituent pas un espace remarquable au sens des dispositions de l’article L.121-23 du code de l’urbanisme même s’il jouxte une zone humide et un espace remarquable constitué par d’anciennes salines (CAA Nantes, 5 juin 2020, Association « les amis du littoral Carnacois, n° 10NT01864).

Coupures d’urbanisation

Les coupures d’urbanisation permettent d’éviter la formation d’un front bâti continu sur le littoral. Si elles sont évidemment incompatibles avec l’urbanisation, la jurisprudence n’exige pour autant leur protection intégrale. L’urbanisation d’un secteur qui représente 0,22 % de la superficie totale d’une coupure d’urbanisation ne méconnaît donc pas l’article L.121-22 du code de l’urbanisme (CAA Bordeaux, 16 juin 2020, Commune du Teich, n° 18BX01524).

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