Chronique de jurisprudence loi Littoral de septembre 2020

par | Fév 10, 2021 | Chroniques, Jurisprudence - Loi littoral, Loi littoral | 0 commentaires

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Résumé : le mois de septembre 2020 révèle quelques décisions intéressantes qui permettent d’illustrer les critères d’appréciation de la notion d’agglomération et de villages existants ou celle d’espace urbanisé de la bande de cent mètres. La décision la plus importante concerne le rôle du SCOT dans l’application de la loi Littoral. Par un arrêt du 28 septembre, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur l’application de la loi Littoral à un PLU en présence d’un SCOT. Cette décision confirme que le SCOT est appelé à jouer un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de la loi Littoral. Cet arrêt doit être rapproché de celui rendu le 21 septembre par la Cour administrative d’appel de Nantes. Cette dernière fait application de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme à travers la mise en œuvre qui en est faite dans le SCOT nuançant ainsi le principe d’applicabilité directe de la loi Littoral aux décisions liées à l’usage du sol.

Notion de commune Littorale

Les dispositions des articles L.121-1 et suivants du code de l’urbanisme sont applicables dans les communes littorales définies par l’article L.321-2 du code de l’environnement. Il s’agit des communes riveraines de la mer et des lacs de plus de 1 000 ha, et des communes riveraines des estuaires désignés par décret. Dès lors qu’une partie du territoire de la commune jouxte la mer, elle doit être regardée comme une commune littorale pour l’intégralité de son territoire (CAA Douai, 4 février 2020, SCI JBS, req. n° 18DA00806 et 18DA00807 rapporté dans la chronique de jurisprudence de février 2020). En revanche, si une commune n’est pas en contact avec la mer, avec un lac de plus de 1 000 ha ou avec un estuaire, elle ne peut évidemment pas être une commune littorale. C’est ce que rappelle fort justement la Cour administrative d’appel de Marseille au sujet de la commune de Puyloubier, située au pied de la Montagne Sainte-Victoire… (CAA Marseille, 17 septembre 2020, n° 17MA03078).

Loi Littoral et PADDUC

Le PADDUC peut apporter des précisions sur la mise en œuvre de la loi Littoral. Conformément à une jurisprudence constante, dès lors que ce schéma comporte suffisamment de précisions et que ses dispositions sont compatibles avec la loi Littoral, les articles L.121-1 et suivants du code de l’urbanisme doivent être appliqués en fonction des précisions apportées. Le Blog avait commenté une décision de la Cour administrative d’appel de Marseille faisant application de ce principe à propos de la mise en oeuvre par le PADDUC de la notion de continuité avec les agglomérations et les villages existants de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme (CAA Marseille, 17 juillet 2020, n° 19MA02718). Dans un arrêt du 28 septembre 2020, la Cour administrative d’appel de Marseille juge qu’un terrain situé dans un vaste espace composé d’un habitat diffus ne constitue pas une agglomération ou un village au sens du PADDUC. La Cour relève que si le PADDUC permet la densification de certains espaces qui ne sont ni des agglomérations ou des villages, c’est à la condition que le PLU l’identifie et le délimite, ce qui n’était pas le cas en l’espèce (CAA Marseille, 28 septembre 2020, n° 19MA00562, SCCV PGPC).

Loi Littoral et SCOT

L’année 2020 sera décidément celle de la consécration du SCOT comme instrument de référence pour la mise en oeuvre de la loi Littoral. C’est un thème qu’avec mon collègue et ami Raymond LEOST, j’avais développé dans un article au JCP administration et dans une note de jurisprudence à la Revue Juridique de l’environnement tous deux parus fin 2020. Au mois de mars, le Conseil d’Etat avait rappelé que le SCOT pouvait définir la notion d’extension limitée de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage. Le mois de septembre apporte deux autres pierres à cette construction jurisprudentielle. Par un arrêt du 28 septembre 2020, le Conseil d’Etat confirme que la compatibilité d’un PLU avec la loi Littoral doit s’apprécier en fonction des dispositions du SCOT. Le 21 septembre, le Juge des référés de la Cour administrative d’appel de Nantes avait, pour sa part, rendu un arrêt innovant rappelant que la conformité d’un permis de construire aux dispositions de la loi Littoral devait également être appréciée en tenant compte du SCOT.

Prise en compte du SCOT pour apprécier la compatibilité d’un PLU avec les dispositions de la loi Littoral

Depuis quelques années, de nombreuses décisions de Cours administratives d’appel avaient rappelé que lorsqu’un SCOT comportait des dispositions relatives à la mise en oeuvre de la loi Littoral, la légalité des PLU devait être appréciée en fonction des précisions apportées. Le Conseil d’Etat vient de confirmer ce principe. Il nuance toutefois la solution retenue jusque là en précisant qu’en présence d’un SCOT, la compatibilité des PLU avec la loi Littoral s’apprécie en tenant compte des dispositions de ce document relatives à l’application des dispositions du code de l’urbanisme particulières au littoral, sans pouvoir en exclure certaines au motif qu’elles seraient insuffisamment précises, sous la seule réserve de leur propre compatibilité avec ces dernières (CE, 28 septembre 2020, n° 423087 et 423156, Commune du Lavandou). Le blog consacrera très prochainement un article à cet arrêt.

Prise en compte du SCOT pour apprécier la conformité d’un permis de construire aux dispositions de la loi Littoral

Le 11 mars 2020, le Conseil d’Etat a rendu une décision remarquée selon laquelle les précisions apportées par un SCOT sur la notion d’extension limitée de l’urbanisation doivent être prises en compte pour apprécier la légalité d’un permis de construire au regard de l’article L.121-13 du code de l’urbanisme. Le blog avait naturellement consacré un article à cette décision importante. La solution du Conseil d’Etat était logique puisque les dispositions relatives aux espaces proches du rivage habilitent le SCOT à s’emparer de ce sujet. Une évolution de la jurisprudence était attendue suite à l’entrée en vigueur de la loi ELAN du 23 novembre 2020.

L’arrêt rendu par le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Nantes le 21 septembre 2020 s’inscrit dans cette tendance. La Cour juge en effet que la légalité d’un permis de construire au regard de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme doit être appréciée au regard des précisions apportées par le SCOT sur la notion d’agglomération et de villages existants (CAA Nantes, 21 septembre 2020, n° 20NT02667, Commune de Landéda).

Bande littorale de cent mètres

L’article L.121-16 du code de l’urbanisme dispose qu’en dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage. La jurisprudence rappelle de manière constante qu’un espace urbanisé au sens de ces dispositions doit être assimilé à une agglomération ou un village au sens de l’article L.121-8 du même code. Il en résulte que seuls les terrains situés à l’intérieur d’un espace comportant un nombre et une densité significatifs de constructions, peuvent recevoir de nouvelles constructions. Le blog avait récemment commenté une décision de la Cour administrative d’appel de Nantes faisant application de ce principe. La Cour administrative d’appel de Marseille applique un raisonnement identique pour juger que même si une parcelle est bordée de constructions sur trois côtés, elle est située dans un espace qui ne comporte qu’une dizaine de constructions et qui, de ce fait, ne peut pas être qualifié d’espace urbanisé (CAA Marseille, 14 septembre 2020, n° 18MA03171).

La parcelle n° AH112, sur la commune de SAINT-FLORENT (carte géoportail interactive)

Toujours à propos de la bande de cent mètres, la Cour administrative d’appel de Marseille juge qu’un espace qui ne comporte que quelques constructions éparses, ne constitue pas un espace urbanisé. Elle en déduit alors que dès lors que le bâtiment est en partie implanté à moins de cent mètres du rivage, le permis de construire pouvait être refusé en application de l’article L.121-16 du code de l’urbanisme (CAA Marseille, 17 septembre 2020, n° 18MA05487, SCI Soleil du Levant). La Cour a rendu une décision le même jour à propos de parcelle voisine (n° J 940).

Les parcelles J 939 et 940 sur l’Ile du Levant (commune d’Hyères)

(carte géoportail interactive)

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