Le blog a déjà listé les participations financières pouvant être exigées dans le cadre d’une demande d’autorisation d’urbanisme. On reviendra plus précisément sur le financement des extensions de réseaux électriques, dont le régime a été récemment modifié.

Une problématique, relativement fréquente, est celle du financement des extensions de réseaux électriques.

Il peut en effet encore arriver qu’un terrain, constructible, ne soit pas directement desservi par le réseau électrique.

Au stade de l’instruction du permis de construire (ou de toute autre autorisation d’urbanisme), le gestionnaire du réseau (ENEDIS) est donc sollicité. Il peut alors renseigner la collectivité sur la desserte du terrain par le réseau électrique.

Il s’avère, parfois, qu’une extension du réseau électrique est nécessaire pour permettre la desserte de la future construction.

Se pose alors la question du financement de cette extension du réseau électrique : qui paye ?

Le principe jusqu’alors posé par l’article L.332-15 du code de l’urbanisme est le suivant :

•          Simple raccordement au réseau de moins de 100 mètres sur le domaine public = équipement propre à l’opération à à la charge du pétitionnaire

•          Extension de réseau de plus de 100 mètres sur le domaine public = équipement public à à la charge de la collectivité

Lorsqu’une extension de réseau est mise à la charge du pétitionnaire, en violation de l’article L.332-15, la collectivité s’expose à une action en répétition de l’indu (article L.332-30 du code de l’urbanisme).

En clair, pendant une durée de 5 ans à compter du dernier versement, le pétitionnaire peut solliciter le remboursement des sommes versées à tort.

La jurisprudence applique strictement ces dispositions : toute contribution financière illégale doit être remboursée par la collectivité bénéficiaire.

Comment faire lorsque les coûts d’extension des réseaux électriques sont trop importants ?

  • La convention de PUP (ou autre participation, selon les cas) :

La première possibilité à envisager est de conclure une convention de PUP (projet urbain partenarial – article L.332-11-3 du code de l’urbanisme.

La jurisprudence admet la signature de telles conventions afin de mettre à la charge du pétitionnaire le coût des extensions de réseaux électriques (par exemple : Cour administrative d’appel de Bordeaux, 13 juillet 2017, requête n° 15BX01864.

A noter que, suivant les cas, d’autres modes de financement pouvaient être éventuellement envisagés (la participation pour équipement public exceptionnelle, dite PEPE, par exemple)

  • Le refus de permis de construire

Si, pour une raison ou une autre, aucune solution de financement ne peut être trouvée, la collectivité peut éventuellement opposer un refus de permis sur le fondement de l’article L.111-11 du code de l’urbanisme – sous réserve que les conditions posées par cet article soient respectées.

Les collectivités dépourvues de document local d’urbanisme peuvent également invoquer l’article R.111-3 du code de l’urbanisme.

Tel était, jusqu’alors, et brièvement résumé, l’état du droit en matière de financement des extensions de réseaux électriques.

Les modifications récentes relatives au financement des extensions de réseaux électriques

L’article 29 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 a supprimé le 2e alinéa de l’article L.342-11 du code de l’énergie. Cette modification n’a guère suscité de commentaires

Pourtant, elle n’est pas dénuée de conséquences : le financement des extensions de réseaux n’est plus mis à la charge des collectivités.

Une ordonnance n°2023-816 du 23 août 2023 est ensuite venue apporter de nouvelles précisions et modifications au code de l’énergie.

Conséquence de ces modifications : depuis le 10 novembre 2023, c’est aux pétitionnaires de financer l’extension du réseau d’électricité.

Un nouvel article L.342-21 du code de l’énergie indique :

« Le demandeur d’un raccordement aux réseaux publics de distribution d’électricité est le redevable de la contribution. »

L’alinéa 1° de cet article précise :

« 1° Lorsque l’extension est rendue nécessaire par une opération ayant fait l’objet d’un permis de construire, d’un permis d’aménager ou d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable, située en dehors d’une zone d’aménagement concerté et ne donnant pas lieu à la participation spécifique pour la réalisation d’équipements publics exceptionnels ou à la participation pour voirie et réseaux mentionnées à l’article L. 332-6-1 du code de l’urbanisme, la contribution est versée par le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition. Les coûts de remplacement ou d’adaptation d’ouvrages existants ou de création de canalisations en parallèle à des canalisations existantes afin d’en éviter le remplacement, rendus nécessaires par le raccordement en basse tension des consommateurs finals, sont couverts par le tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution mentionné à l’article L. 341-2, lorsque ce raccordement est effectué par le gestionnaire du réseau de distribution ; »

Le financement des extensions de réseaux électriques est donc désormais assuré par les pétitionnaires ?

Problème : ces nouvelles dispositions sont contradiction avec l’article L.332-15 du code de l’urbanisme qui n’a, lui, pas été modifié…

L’article L.332-15 indique toujours :

« L’autorisation peut également, avec l’accord du demandeur et dans les conditions définies par l’autorité organisatrice du service public de l’eau ou de l’électricité, prévoir un raccordement aux réseaux d’eau ou d’électricité empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve que ce raccordement n’excède pas cent mètres et que les réseaux correspondants, dimensionnés pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soient pas destinés à desservir d’autres constructions existantes ou futures. »

Pour remédier à cette contradiction, un projet de loi a été déposé le 8 novembre dernier (Projet de loi n°1843 ratifiant l’ordonnance n° 2023-816 du 23 août 2023 relative au raccordement et à l’accès aux réseaux publics d’électricité) afin de :

  • Modifier l’article L.332-15 (cf. extrait du projet de loi) :
  • Créer un nouvel article L.332-17 :

Cela permettra donc de mettre un terme à toute ambiguïté et de faire pleinement peser le financement des extensions de réseau sur les épaules des seuls pétitionnaires.

ATTENTION TOUTEFOIS : ce projet de loi n’a pas encore été adopté. Pour l’heure, la contradiction demeure.

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