Le droit de se taire, ou droit de garder le silence, est une garantie bien connue de la procédure pénale, mais pas uniquement de celle-ci.

Ce droit est dérivé du droit de ne pas s’auto-incriminer, lui-même tiré du principe du respect de la présomption d’innocence, deux garanties rattachées au droit au procès équitable.  Ce droit au silence tire notamment ses sources de l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Dans une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) du 8 décembre 2023 (décision n°2023-1074 QPC) rendue à l’occasion d’un recours contre une ordonnance de 1945 relative à la discipline des notaires, le Conseil constitutionnel a jugé que le droit de ne pas s’auto incriminer, et le droit de se taire «  s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition », et rappelle que ces garanties « impliquent que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire ».

Le Conseil constitutionnel s’inscrit en contradiction directe avec la position du Conseil d’Etat, rappelée quelques mois plus tôt, selon laquelle le droit de se taire aurait vocation à s’appliquer uniquement dans le cadre d’une procédure pénale (Conseil d’Etat, 8 juin 2023, M. A., n°473249).

Le Conseil d’Etat, contre les conclusions de son rapporteur public, avait ainsi refusé de saisir le Conseil constitutionnel d’une QPC relative au droit de se taire dans le cadre d’une procédure disciplinaire engagée à l’encontre d’un magistrat.

C’est donc la Cour de cassation qui a offert au Conseil constitutionnel l’opportunité de se prononcer sur la question.

Message reçu par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, première juridiction administrative à reprendre in extenso la formulation du Conseil constitutionnel, dans un litige concernant une procédure disciplinaire engagée par le préfet à l’encontre d’un chauffeur de taxi (Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 1er février 2024, n°2400163).

Aucune décision concernant une procédure disciplinaire engagée à l’encontre d’un agent public n’a encore été publiée, mais l’on imagine mal comment le juge administratif pourrait ne pas reprendre à son compte ce principe, les sanctions disciplinaires infligées aux agents publics ayant de toute évidence le caractère d’une punition.

Concrètement, les employeurs publics ont dès aujourd’hui tout intérêt à mettre à jour leur modèle de courrier informant l’agent de l’ouverture d’une procédure disciplinaire, pour y faire figurer cette nouvelle garantie, aux côtés du trio bien connu : droit à la communication du dossier, droit à l’assistance d’un défenseur de son choix et droit de produire des observations écrites ou orales.

 

 

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