Le Maire peut délivrer un permis de construire au propriétaire d’un terrain enclavé sous certaines conditions.
Qu’est-ce qu’un terrain enclavé ?
Les terrains enclavés ne bénéficient pas d’un accès direct à une voie publique ou privée. Les propriétaires de ces terrains ne peuvent alors pas obtenir un permis de construire.
Dans ce cas, les propriétaires des terrains enclavés peuvent se tourner vers leurs voisins pout obtenir une servitude de passage, leur permettant d’accéder à leur terrain. Ces discussions peuvent prendre du temps…
La demande de permis de construire est déposée, alors que les discussions avec le voisin sont toujours en cours : comment faire ?
Le Conseil d’État a estimé que le permis de construire peut comporter une prescription qui impose à son bénéficiaire de produire l’acte établissant la servitude de passage avant le démarrage des travaux. (Conseil d’État, 3 juin 2020, requête n°427781)
(NB : cet arrêt évoque aussi la question de la régularisation des autorisations d’urbanisme, voir notre article à ce sujet).
Dans le cas soumis au Conseil d’État, le dossier de demande précisait que le terrain ne disposait d’aucun accès à une voie ouverte à la circulation. Cet accès devait être créé sur des parcelles appartenant aux voisins.
Le Maire avait donc délivré le permis, avec la prescription suivante :
« Le présent arrêté est conditionné à la production, par le bénéficiaire, de l’acte authentique de servitude de passage (…) au plus tard au dépôt de la déclaration d’ouverture de chantier « .
Cette prescription dans le permis de construire était-elle légale ?
Le Conseil d’Etat répond favorablement.
Cette position surprend, et n’était d’ailleurs pas celle des premiers juges saisis.
En effet, la légalité du permis de construire s’apprécie, en principe, à la date de délivrance du permis. Les circonstances postérieures à sa délivrance – par exemple, la constitution d’une servitude de passage – ne sont donc généralement pas prises en compte.
On pouvait également s’interroger sur la légalité d’une prescription imposant la production d’un acte de droit privé. La servitude est en effet un acte de droit privé.
Ce n’est pourtant pas la position suivie par le Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat a effectivement retenu une approche plus souple. Il admet la légalité de cette prescription, au motif que :
« La création d’une servitude de passage entraine seulement une modification portant sur un point précis et limité qui ne nécessite pas la présentation d’un nouveau projet ».
Dès lors, les premiers juges ne pouvaient pas annuler le permis de construire, au motif que le projet était situé sur un terrain enclavé.
On notera la souplesse de cette position
En effet, la seule prescription dans le permis de construire de créer une servitude de passage permet de considérer que le terrain n’est pas enclavé.
Au-delà de ce seul cas d’espèce, cette appréciation peut inciter les Maires à prévoir plus souvent des prescriptions dans les permis de construire.
Attention toutefois, celles-ci n’entraînent que des modification précises, limitées, et qui ne nécessitent pas la présentation d’un nouveau projet.